L'opinion de Bernard Landry #61

Québec! Le temps passe!

Quand on voit ce que le Canada nous a fait quand nous étions plus forts dans son Parlement, il faut être naïfs et négligents pour ne pas comprendre que le pire est à venir.

L'opinion de Bernard Landry


Lors de la conquête britannique, en 1760, toute la population de la Nouvelle-France parlait français. Environ soixante-dix mille personnes. Évidemment les aborigènes avec lesquels nous nous sommes largement métissés, parlaient aussi leur propre langue. En 1867, lorsque fut instaurée une fausse "confédération", qui était en fait une fédération aux instincts centralisateurs, les deux-tiers de la colonie britannique nommée "Dominion du Canada" étaient anglophones. En 1981, le quart de la population du Canada était encore francophone. Aujourd'hui, c'est plutôt autour de vingt pour cent, essentiellement au Québec. Le temps passe. Il fait son oeuvre, et plutôt rapidement.
Le regard québécois sur le Canada, de même que l'inverse, ne peut plus être le même que du temps de nos grands-parents. Ces derniers ont connu un Manitoba à près de cinquante pour cent francophone. Il l'est dix fois moins aujourd'hui. Les francophones y sont passés d'une presque majorité à la marginalité en moins d'un siècle. En dehors du Québec, les francophones s'assimilent à la majorité à hauteur de cinquante pour cent par génération. Même les braves et valeureux Acadiens des Maritimes ont tendance à s'éroder à raison de près de dix pour cent par vingt-cinq ans. Il n'y a plus au Canada hors Québec que deux pour cent de la population qui a le français comme langue d'usage. Cela s'appelle une marginalisation.
Le bilinguisme constitutionnel imposé de façon abjecte au Québec par Trudeau en 1982, s'avère maintenant totalement déconnecté de la réalité, sauf au Québec. La seconde langue parlée au Canada en dehors de notre territoire national, est le mandarin (!). Quand Radio-Canada émet chaque soir ses nouvelles canadiennes, improprement appelées "nationales", elle seraient beaucoup plus écoutées hors Québec, si elles étaient en chinois!
Comme le Canada est une démocratie où le vote de chacun doit avoir le même poids, il n'est pas surprenant qu'il cherche à prendre en compte les variations de sa population. Comme il ne fait jamais de cadeau au Québec, il vient de mettre en branle le processus pour diminuer notre influence au Parlement fédéral. Nous garderons toujours soixante-quinze députés, mais il y aura trente députés de plus à la Chambre des communes. Dix-huit de plus pour l'Ontario, sept pour la Colombie Britannique et cinq pour l'Alberta. Quand on voit ce que le Canada nous a fait quand nous étions plus forts dans son Parlement, il faut être naïfs et négligents pour ne pas comprendre que le pire est à venir.
En plus, quand ce n'est pas la majorité parlementaire que nous avons sur le dos, c'est la Cour suprême. Depuis Trudeau, neuf juges nommés par Ottawa, et tous bien alignés, cela fut dit clairement, peuvent annuler, et ils l'ont fait, aussi bien des jugements de notre Cour d'appel que les lois de notre Assemblée Nationale. Les juges d'Ottawa ont massacré la Loi 101 de René Lévesque et Camille Laurin. La charte de Trudeau était d'ailleurs largement conçue pour éroder notre identité nationale. Dernier exploit des neuf magistrats suprêmes: annuler la Loi 104 votée à l'unanimité par les 125 députés des trois partis de notre Assemblée nationale. Neuf personnes désignées par Ottawa, gagnent contre cent vingt-cinq élus de notre nation! C'est cela, un statut provincial dégradant!
C'est dans ce contexte pervers que nous accueillons cinquante cinq mille immigrants par année. Tout en débarquant sur notre territoire national, ils arrivent dans un Canada constitutionnellement bilingue et multiculturel. Cela s'applique aussi bien à Calgary qu'au coin de Saint-Denis et Sainte-Catherine. Il nous faut, bien entendu, accueillir fraternellement les immigrants. C'est un devoir planétaire de solidarité. C'est aussi une nécessité économique, en raison particulièrement de nos problèmes démographiques.
Donc bienvenu! Mais pas au prix de voir Montréal s'angliciser à vitesse accélérée. Aucune nation ne peut accepter que sa métropole parle une autre langue que sa langue nationale. Ni la France, ni les États-Unis, ni le Mexique, pas plus que le Canada, la Suède ou le Monténégro. Il y a un nombre infini de raisons pour faire l'indépendance du Québec: dignité, culture, solidarité, prospérité économique. Le fait qu'un si grand nombre d'immigrants choisit de vivre dans une autre langue que la nôtre, en ajoute une autre de plus en plus claire et dramatique: la survie.
Ne laissons pas le Canada nous faire ce qu'il a fait aux francophones hors Québec. Ni se réaliser la prophétie de Christos Sirros pendant la campagne référendaire, disant que c'était notre dernière chance et que les immigrants nous empêcheraient dans l'avenir de devenir indépendants. Les accueillir véritablement et en toute justice consiste à faire d'eux des Québécois et des Québécoises et non pas des "Canadians". L'heure de la réflexion profonde est arrivée. Pensons-y!
Bernard Landry


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