L'affaire Maclean's

Quelle corruption ?

Chronique de Louis Lapointe

Il est pour le moins ironique qu’un journaliste du Magazine Maclean’s parle du Québec comme d’une société corrompue en en imputant la responsabilité aux indépendantistes québécois, comme on a pu le lire dans le Devoir d'hier, La corruption au Québec, la faute aux séparatistes., alors qu'il s'agit plutôt d'un effet pervers du colonialisme canadien dans lequel les Québécois vivent depuis la conquête en 1759.
J’écrivais exactement le contraire l’automne dernier à la veille de l’élection municipale à Montréal dans Les purs et les durs et l’argent de la corruption. Si le Québec est aussi corrompu, c’est parce qu’il reproduit un modèle propre aux sociétés colonisées.
« En appuyant inconditionnellement le parti du maire Tremblay, le journal The Gazette nous indique bien encore une fois que la corruption est un moindre mal pour les fédéralistes inconditionnels à côté de la terrible menace que constitue le séparatisme québécois. Le message qu’il envoie à ses lecteurs anglophones ne peut être plus clair : sans argent pour soutenir les forces fédéralistes, l’unité canadienne est menacée, le régime de la corruption doit donc être toléré à Montréal et au Québec pour que le Canada demeure uni. Sans cet argent, le camp du NON aurait probablement perdu le référendum de 1995 et le Québec serait aujourd’hui un état souverain.
Une commission d’enquête publique mettrait probablement en évidence que la mafia a utilisé tous les ressorts de cette aversion contre les indépendantistes pour infiltrer les milieux politiques fédéralistes, devenant un indispensable allié dans la lutte contre l’indépendance du Québec. Sous cet angle, on comprend mieux les réticences du gouvernement de Jean Charest de constituer une commission qui ferait la lumière sur la corruption dans l’industrie de la construction.
Comme il faut beaucoup d’argent pour vaincre le péril séparatiste, les milieux mafieux ont compris qu’ils pouvaient tirer profit de la situation - on parle de 30% du coût des investissements dans les infrastructures - en achetant à grand prix les faveurs des politiciens fédéralistes au pouvoir. Voilà pourquoi ils ne veulent surtout pas prendre le risque de voir de nouveaux acteurs séparatistes venir mêler les cartes.
Si Benoît Labonté s’est fait prendre la main dans le sac, c’est probablement parce que ses bailleurs de fonds n’ont pas digéré le fait qu’il utilise leur argent pour faire élire Louise Harel, une dangereuse indépendantiste, leur objectif secret étant probablement de maintenir le régime actuel pour faciliter leurs opérations. L’argent de la corruption ne doit pas servir à faire l’indépendance. Le même genre de dilemme qu’a eu la mafia lorsqu’elle a dû quitter Cuba en 1959.
Qu’on le veuille ou non, tant qu’elle ne sera pas réglée, la question de l’indépendance du Québec sera toujours présente dans tous les débats politiques, même municipaux, ne serait-ce qu’en raison de la prépondérance des acteurs de la classe politique indépendantiste. Ils ne peuvent tout de même pas être absents des débats politiques municipaux quand les Québécois ont été 50% à voter pour l’indépendance du Québec. Alors, forcément, cette question conditionne tous les autres enjeux politiques, surtout à Montréal où le français est menacé.
»
***
Toutefois, croire que les Québécois sont totalement innocents relève du plus pur angélisme comme je le démontrais en janvier dernier dans Le forum des consultants. Le colonisé manque de courage.
« Si notre société est minée par la corruption, c’est parce que ceux qui voient ce qui se passe préfèrent se taire plutôt que de perdre leur emploi. Leur silence est celui de la complicité, la rémunération étant juste plus élevée lorsqu’il s’agit de mentir pour faire plaisir au patron ou au client !
Si les Québécois ont réélu Jean Charest, un premier ministre qui a été payé sous la table par son parti pendant 10 ans, c’est parce qu’ils connaissent d’expérience ces pratiques qu’ils tolèrent dans leurs propres milieux de travail, leur silence leur permettant de continuer à gagner paisiblement leur vie sans être importunés. La corruption est entrée dans nos mœurs, voilà pourquoi nous la tolérons chez nos dirigeants, alors que l’honnêteté est un risque, puisqu’elle peut nous faire perdre le peu que nous possédons : emploi, auto et maison.
Si le silence devant un crime jamais résolu ne laisse aucune trace, la vérité est une tache indélébile dans le parcours de celui qui a eu le malheur de l’affirmer. Alors qu’une fripouille jugée et condamnée peut toujours prétendre avoir remboursé sa dette à la société en purgeant sa peine, celui qui a perdu son emploi parce qu’il a dit la vérité n’aura jamais à être réhabilité, n’ayant commis aucun crime et purgé aucune peine. Pourtant, son châtiment est bien pire que celui du criminel. Plus jamais on ne lui fera confiance parce qu’il aurait trahi en manquant de loyauté. Comme dans la mafia, le vrai crime n’est pas celui qui est commis, mais bien la dénonciation publique qui en est faite, le manquement à la règle de l’omerta.
Comment ne pas conclure dès lors que nous vivons à une époque où le mensonge et la corruption règnent grâce à la complicité de dirigeants et professionnels dont les intérêts personnels sont au-dessus de toute éthique ? Une société dans laquelle l’éthique dont certains ordres professionnels s’enorgueillissent est d’abord une marque de commerce pour vendre des services professionnels !
»
***
Par ailleurs, même si les Québécois tolèrent la corruption, cela ne veut pas dire qu'ils ne succombent pas à une certaine forme de manipulation politique où les politiciens canadiens et québécois qui défendent le fédéralisme canadien excluent, d’emblée, tout recours à l’indépendance pour régler le problème québécois. Une sorte de complot a contrario. Dans La recette, un billet du 14 janvier 2010, j’expose les dernières tactiques suivies par les protagonistes fédéraux et provinciaux qui, malgré un apparent désaccord, font la promotion du fédéralisme inconditionnel.
« Paradoxalement, la mésentente entre Jean Charest et Stephen Harper permet à l’un d’être plus populaire au Québec et à l’autre de le demeurer dans le reste du Canada. Il faudrait donc être idiot pour ne pas avoir compris que, l’autre soir, au téléjournal, les deux protagonistes appliquaient une bonne vieille recette convenue, celle du bon et du méchant. (…)
Il fallait bien s’y attendre, pour sauver sa peau devant les allégations de corruption et de collusion qui menacent son gouvernement, Jean Charest devait trouver une diversion. Il utilisera au maximum celle du repoussoir que constitue Stephen Harper aux yeux de plusieurs Québécois, alors que ce dernier misera sur l’ingratitude du Québec et de son premier ministre Jean Charest pour se constituer une majorité sans le Québec qui, à cause de la présence du Bloc québécois à Ottawa, freine toutes les réformes que souhaite Stephen Harper : celles du Sénat, de la représentativité des provinces à la Chambre des communes, de la Commission pancanadienne des valeurs mobilières et du durcissement des lois criminelles.
Comme Jean Charest ne propose aucune solution de rechange au fédéralisme improductif, nous devinons tous que, si cette stratégie cousue de fils blancs permettra aux libéraux provinciaux et aux conservateurs d’être réélus, elle nuira forcément au Québec qui sera encore une fois isolé aux termes de ces épisodes de brasse-camarade, comme l’histoire du Canada l’a démontré à maintes occasions. (...)
Une recette qui sera désastreuse pour le Québec, puisque l’histoire récente nous a appris que la défense des intérêts du Québec a toujours été le meilleur cheval de Troie pour l’affaiblir une fois que la menace séparatiste avait échoué. Pourquoi cela changerait-il avec un Jean Charest faussement vindicatif face à Stephen Harper aussi déterminé ?
»
***
Enfin, comme je l’écrivais dans Les larmes de la démocratie, en novembre 2009,
« Toutes les illégalités et les illégitimités commises par les gouvernements de ce pays lorsqu’il y a un enjeu important trouvent toujours leurs motivations dans l’exacerbation du ressentiment anti-Québécois et leur caution auprès de la monarchie britannique. Ça fait partie de l’héritage historique du Canada. Un gène que partagent plusieurs Canadiens anglais. Sinon, expliquez-moi pourquoi les Anglais de Montréal et la Gazette préfèrent cent fois l’occulte corruption de la mafia montréalaise à l’indépendance démocratique du Québec ? (…)
Si nous voulons la souveraineté, c’est parce que nous voulons enfin une vraie démocratie pour le Québec. Le Canada est fondamentalement un pays antidémocratique et la monarchie anglaise en est non seulement le symbole, mais également la caution qui autorise depuis la conquête de 1759 les pires abjections contre le Québec, comme cette constitution, cette charte des droits, cette loi sur la clarté et tous ces jugements de la Cour Suprême contre la Charte de la langue française.
»

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    27 septembre 2010

    La seule critique qui méritait d’être faite sur cet article est l’image choisie par les patrons de Patriquin pour identifier le porteur d’argent (le corrupteur).
    Patriquin avoue lui-même qu’il n’a eu aucun contrôle sur ça.
    L’image est carrément une attaque xénophobe contre le Canadien français.
    Or, le véritable porteur d’argent est un Italien (FAVA).
    De plus, Patriquin déclare dans son article que contrairement aux autres provinces dont la corruption est issue de l’INTÉRIEUR des États, c’elle du Québec est issue de l’entreprise privée et que donc l’État québécois devrait être plus vigoureux !
    Les critiques de nos élites sont carrément à côté de la track, et ce autant du côté des souverainistes de gauche que des fédéralistes de droite !
    Le seul gagnant est Maclean’s qui vend de la copie !

  • Archives de Vigile Répondre

    27 septembre 2010

    En effet, quelle corruption ???
    Aux élections fédérales les Québécois, depuis longtemps, élisent majoritairement des députés du Bloc Québécois.
    Le scandale des commandites provient principalement des appuis du Canada anglais au parti libéral de Jean Chrétien.
    Nuance importante: Le Québec a été corrompu mais il n'était pas corrompu.

  • Archives de Vigile Répondre

    26 septembre 2010

    Les CFF le problème: Canadiens-français fédéralistes du Québec.
    Beaucoup d'entre nous le savent depuis longtemps que le problème au Québec c'est les Elvisgrattoniens.
    Dans le premier Elvis Gratton, toute cette corruption est bien démontrée:
    http://www.tagtele.com/videos/voir/135