RENÉ LÉVESQUE, 20 ANS APRÈS...

« Quelque chose comme un grand peuple! »

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« René Lévesque » — 20e anniversaire


Frénésie au Centre Paul-Sauvé de Montréal au moment de l’élection du Parti québécois le 15 novembre 1976 (Archives Le Soleil)

Michel Corbeil - Le 1er novembre 1987, René Lévesque meurt, foudroyé par une crise cardiaque. Vingt ans plus tard, Le Soleil revient sur les dernières années de ce journaliste, homme politique et fondateur du Parti québécois, qu’il dirigera jusqu’à sa démission dans la tourmente, le 20 juin 1985. Adulé par plusieurs, abandonné par d’autres, René Lévesque inspire bien des souvenirs où se mêlent le destin d’un homme, celui du Parti québécois et, jamais très loin, celui du Québec au grand complet.

L’héritage que laisse René Lévesque au Québec ne tient pas dans les nombreuses lois et réformes qu’il a fait adopter. Il réside dans un sentiment, la fierté redonnée à « quelque chose comme un grand peuple ».
Ses anciens collaborateurs, élus ou conseillers, et les analystes tombent d’accord sur ce constat.
« Son plus grand legs a été de faire prendre conscience aux Québébécois de leur capacité de s’autogouverner et d’avoir leur pays », répond Yves Duhaime, ministre sous René Lévesque, le chef qu’il a appuyé à travers toutes les tempêtes politiques.
Sondeur du Parti québécois aux élections de 1976, qui propulsera René Lévesque au pouvoir, Michel Lemieux a été du premier cercle de fidèles. Ce que laisse le chef souverainiste ne se calcule « pas tellement en termes de législations ».
Il a su « convaincre les Québécois qu’il ne formait pas un peuple médiocre », une impression alors persistante dans la population francophone, insiste Michel Lemieux. Comme d’autres personnes interrogées, il met en exergue les phrases que lance René Lévesque, le 15 novembre 1976, aux militants péquistes en délire, réunis au Centre Paul-Sauvé, à Montréal : « Nous sommes peut-être quelque chose comme un grand peuple. Jamais dans ma vie je n’aurais pensé que je pourrais être aussi fier d’être Québécois. »
Pour M. Lemieux, qui travaillera au PQ pendant 16 ans, « le message a été assumé par ceux qui ont suivi ». Les Québécois « ne sont pas nés pour un petit pain. À preuve, les jeunes ne se posent plus la question. »
Claude Lachance, élu en 1981 député dans Bellechasse, n’a pas été un proche du leader souverainiste. Lui-aussi abonde dans le même sens que M. Lemieux. Tout en parlant « du bonheur fantastique » d’avoir été dirigé « par un grand démocrate », il retient que M. Lévesque « a permis aux Québécois de rêver et d’avoir confiance en eux ».
Pourtant, ce ne sont pas les réalisations concrètes qui manquent. René Lévesque, nous rappellent nos interlocuteurs, c’est d’abord le ministre libéral de « l’équipe du tonnerre » qui convaincra son premier ministre Jean Lesage de foncer en élections générales avec la nationalisation de l’électricité. Hydro-Québec devient alors le pilier de l’économie de la province telle que nous connaissons la société d’État.
La liste des réalisations du gouvernement que préside René Lévesque apparaît sans comparaison avec celle de ses successeurs, tous partis confondus :
- la loi 101, qui fait du français la langue officielle au Québec, marque le début d’une ère nouvelle;
- le financement des partis politiques est balisé comme nulle part ailleurs en Amérique;
- une législation encadre consultations populaires et référendums;
- les terres agricoles sont désormais protégées;
- la création de l’assurance automobile s’accompagne de la notion d’Indemnisation sans égard à la faute (le no-fault);
- une loi prévoit le maintien de services essentiels, en cas de grève;
- le recours aux briseurs de grève (les scabs) est interdit;
- le gouvernement légifère en matière d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels;
- l’aménagement du territoire est soumise à une législation;
- et le gouvernement Lévesque lance une opération «déclubbage », faisant disparaître les clubs privés de chasse et pêche qui faisaient en sorte, dans certaines régions, que les Québécois étaient des étrangers chez eux.
Loi 101
De toutes ces initiatives, la préférée sera celle sur le financement des partis politiques. La loi 101 a été une des pierres d’angle du gouvernement du Parti québécois, mais René Lévesque n’a jamais caché qu’il était mal à l’aise de légiférer sur la langue.
Le feu vert qu’il donne à son ministre Camille Laurin, parrain de cette législation, aura « permis d’apaiser les rancunes linguistiques », analyse Guy Chevrette. Mais baliser l’action des partis politiques a particulièrement satisfait M. Lévesque. « Il n’a jamais laissé place au tripotage », une plaie qui était encore très présente dans le paysage quand il a fait son entrée en politique, en 1960.
Pour Martine Tremblay, la directrice du dernier cabinet de René Lévesque, l’héritage de son ex-patron repose sur les nombreuses réformes « des deux mandats. Mais son principal legs a consisté à donner ses lettres de noblesse au combat souverainiste».
Le PQ, c’est évidemment le véhicule qu’a conçu René Lévesque pour atteindre la souveraineté. Pour son fondateur, comme pour sa « créature », le Parti québécois, le but ultime n’a pas été atteint. Yves Duhaime ne désespère pas. « Ça va aboutir, un jour», dit-il comme une profession de foi. J’ai 68 ans. Je pense que nous allons voir cela plus vite qu’on le pense. »
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