L'opinion de François Brousseau

Retour sur la farce

La résistance hondurienne tient encore le coup, la lutte n'est vraiment pas finie

Tribune libre

Dans sa chronique hebdomadaire du Devoir, Monsieur François Brousseau nous livre son opinion sur cette autre page du Coup d'État du Honduras qui s'est déroulée ce dimanche dernier, le 29 novembre.

Monsieur Brousseau a intitulé son texte d'opinion « La victoire des putschistes».
Il constate que les putschistes ont gagné du temps et qu'ils ont réussi à tenir le coup (c'est le cas de le dire) jusqu'à ces élections bidon.
Monsieur Brousseau se rend finalement à l'évidence que toutes ces négociations n'étaient que diversion pour gagner du temps. Une manœuvre, somme toute, efficace puisque la dictature est toujours au pouvoir.
Monsieur Brousseau dit:
«Plusieurs fois depuis leur coup d'État du 28 juin, ils [les putschistes] avaient fait mine de négocier le retour du président renversé, Manuel Zelaya, pour qu'il termine symboliquement son mandat. Mais leurs manoeuvres dilatoires ont abusé tout le monde, y compris les émissaires américains qui, fin octobre, pensaient avoir trouvé un compromis.»
On peut presque remercier François Brousseau d'avoir ENFIN choisi un qualificatif autre que «déchu» pour parler de Manuel Zelaya, le Président RENVERSÉ. Renversé militairement.
Après avoir leurré tant de gens par ses chroniques qui accordaient de la crédibilité à ces "négociations" théâtrales, François Brousseau, émerge de sa naïveté et déclare «leurs manoeuvres dilatoires ont abusé tout le monde». Tout le monde… Je ne crois pas que "tout le monde" a été abusé. François Brousseau a été abusé et a allègrement participé à cet abus. Il était clair depuis des mois que cette manœuvre ne menait à rien d'autre qu'à du gain de temps.
Toujours d'une naïveté incroyable, Monsieur Brousseau nous dit croire que les "émissaires US" ont été, eux aussi, abusés. Mon dieu! Il ne faut pas avoir lu beaucoup de livres d'Histoire sur les manœuvres US en Amérique latine pour penser que ces "émissaires US" aient été "abusés". Nous sommes bien loin des abuseurs abusés. Monsieur Shannon savait bien, tout comme le fameux Prix Nobel de la Paix, Oscar Arias, que leur rôle était de tenir l'opinion internationale en haleine et leur faire croire à un règlement "négocié".
Monsieur Brousseau nous déclare de façon assurée et convaincante (bien sûr) «ne l'oublions pas, ces putschistes avaient des appuis réels dans la population».
Si les putschistes avaient tant d'appui dans la population, il n'y aurait jamais eu de Coup d'État. Si les putschistes défendaient la majorité, ils auraient été sûrs du résultat de la consultation du 28 juin et ils auraient laissé les urnes parler.
La preuve incontestable que les putschistes ne représentent qu'une petite partie de la population du Honduras, c'est le Coup d'État lui-même.
Les putschistes ne représentent que la partie qui possède et contrôle le pays depuis toujours.
Qui donc ferait un Coup d'État pour empêcher une consultation populaire s'il pense que la population est majoritairement derrière les idées qu'il défend? Le Coup d'État a eu lieu pour bâillonner la population et l'empêcher de prendre le contrôle de leur pays.
Le Honduras n'est pas coupé en deux.
Le Honduras est composé, comme tous les pays pauvres, d'une majorité de très pauvres et d'une petite minorité de très riches. C'est exactement partout les mêmes divisions que ce soit en Afrique ou en Amérique latine. En Amérique latine, depuis dix ans, les majorités pauvres ont découvert la force des urnes et la force de la solidarité pour s'affirmer et prendre enfin leur destinée en main, au grand dam des oligarchies locales et mondiales qui exploitaient richesses naturelles et main-d'œuvre très bon marché.
Le Chili de Pinochet avait la même Histoire que le Honduras, tous les pays latino-américains ont exactement la même Histoire. L'exploitation, la pauvreté, la corruption et l'oppression. Assassinats, disparitions, citoyens de secondes zones et riches quartiers avec luxueuses bagnoles.
Monsieur Brousseau nous dit que le Honduras n'est pas une dictature militaire. C'est tout de même difficile de nier l'omniprésence militaire dans les rues du Honduras, aux aéroports du pays et partout où le contrôle est important.
Pour Monsieur Brousseau:
«Obama n'est pas Reagan. Micheletti — «président de facto» installé par les militaires il y a cinq mois — n'est pas Pinochet: l'homme n'était même pas, hier, candidat à sa propre succession. Zelaya n'est pas Salvador Allende. Et l'Amérique centrale n'est plus, en 2009, le théâtre transposé d'une guerre Est-Ouest qui, il y a encore 20 ans, projetait ses feux à travers l'Atlantique. Cette époque est révolue.»
Cette époque est révolue?
Je ne crois pas.
Les méthodes des gros bras dans l'ombre lointaine sont révolues. Nos moyens de communication ne permettent plus ces manières trop rustres. Obama n'est pas Reagan, mais Obama, il faut l'avouer, déçoit énormément et ses actes ne diffèrent pas beaucoup de ceux de Reagan.
De dire que Micheletti ne se présentait même pas aux élections est une totale niaiserie. Pourquoi donc Micheletti se présenterait à ces élections? Micheletti ne tient pas plus que ça à ce poste en vue. Nul besoin d'être sur une chaise présidentielle pour vivre dans un pays qui fonctionne comme on le veut. L'important ce n'est pas le personnage en place, c'est d'avoir les mains libres pour continuer à bien profiter de ce pays en évitant que ces maudits pauvres ne s'affirment trop. Peu importe le clown à la tête du pays, d'abord que le néolibéralisme se porte bien, tout va bien. On peut changer le Président tous les six mois s'il le faut, l'oligarchie n'a pas besoin d'un personnage charismatique. Seulement un bel habit, une belle cravate, une belle coupe de cheveux, un signe de croix et le regard missionnaire et hop, le candidat fait l'affaire. Pas besoin de grands discours pour soulever les foules, d'ailleurs, pas besoin des foules. Seulement de bons manipulateurs médiatiques bien placés et l'affaire est dans le sac.
Il faut vraiment être naïf pour affirmer que «Washington n'est plus obsédé par son «arrière-cour». Comment expliquer les sept bases en Colombie et la IV flotte très coûteuse et très active?
Quelle naïveté de dire que «le putsch anti-Zelaya n'a pas été ourdi à l'étranger»! Comme si la petite armée hondurienne avait suivi les ordres de l'oligarchie sans au préalable demander le consentement de leur mentor!
Selon l'opinion très discutable de Monsieur Brousseau, Zelaya «avait peut-être l'idée d'orchestrer son éventuel retour au pouvoir après la fin régulière de son mandat, le 27 janvier 2010».
Bon, encore cette obsession de voir Zelaya se faire réélire.
Une vraie obsession. Monsieur Brousseau est-il Hondurien?
Non, pas plus que moi. Et moi, je vais vous dire bien franchement, si les Honduriens veulent encore élire Zelaya, je m'en fous complètement. Je crois que les Honduriens ont le droit de choisir le Président qu'ils veulent, tout comme nous.
Nous avons élu Chrétien à trois reprises.
Lorne Calvert, l'ex-1er ministre de Saskatchewan aurait été élu pour un 5e mandat consécutif aux dernières élections que personne ici ni même au monde n'aurait rechigné.
Le crosseur de Obiang Nguema de Guinée Équatoriale au pouvoir depuis 1979 vient d'être réélu (sic) avec le score démocratique (sic) de 96,7% des voix et personne ne parle de présidence à vie.
Alors, comme disent les Français, lâchez-nous les baskets avec Zelaya qui veut se représenter.
Il n'a jamais parlé de se représenter et si ça lui prenait, les Honduriens sont capables de décider s'ils le veulent ou non.
Ce qui est sûr c'est que pour le néolibéralisme, tous ces Présidents progressistes sont à éliminer au plus vite après un mandat ou deux, maximum.
Uribe va se représenter. Est-ce que cela donne des boutons à François Brousseau? Non.
Monsieur Brousseau, à l'instar de nos "opineurs" médiatiques, a une conception bien spécifique de la démocratie et du respect des constitutions.
Heureusement que notre sage chroniqueur avoue: «il n'y a rien de criminel à vouloir modifier une constitution pour changer les mandats présidentiels: beaucoup d'autres l'ont fait avant lui. Et Zelaya ne sollicitait pas (malgré ce que l'on a faussement dit) le droit de se représenter immédiatement en novembre à sa propre réélection.»
«MALGRÉ CE QUE L'ON A FAUSSEMENT DIT»
Une parenthèse importante.
FAUSSEMENT DIT.
AFP l'insinuait encore hier sur Cyberpresse.
François Brousseau comprend l'oligarchie d'avoir eu peur de Zelaya au point de le renverser par un Coup d'État militaire: «On peut imaginer sa peur [à l'oligarchie] d'un «chavisme» façon Zelaya, surtout connaissant le côté fantasque du personnage.»
Le côté «fantasque» du personnage!
On remarque le côté «fantasque» de François Brousseau.
Ce n'est pas avec des personnages «fantasque» de ce genre qu'on peut avoir du journalisme sérieux. Par contre, on peut en faire de bons diffuseurs de "bonne pensée".
Notre «fantasque» chroniqueur aveuglé par sa naïveté incompréhensible re-souligne «qu'il est loin d'être clair que Zelaya jouissait d'un appui majoritaire.» Selon Monsieur Brousseau, la consultation du 28 juin, si on l'avait laissée se dérouler, aurait pu aboutir à un «non».
Aurait pu, bien sûr. Par contre, le Coup d'État nous dit clairement qu'il n'y avait vraiment pas de chance à prendre. Si on avait cru que la consultation n'avait pas abouti à demander qu'une quatrième urne soit installée lors des élections de dimanche dernier pour que la population puisse se prononcer sur la création d'une Assemblée constituante, les putschistes ne se seraient sûrement pas donné tant de mal.
Le Coup d'État rend évident l'appui que Zelaya avait dans la population. D'ailleurs, Zelaya ne faisait que d'acquiescer à plus de 400 000 demandes citoyennes pour la création d'une Assemblée constituante.
C'est ce qu'il a déclaré devant l'Assemblée générale des Nations Unies le 30 juin dernier.
(à 3h14:45 du début).
Par cette chronique de François Brousseau, on remarque que la réalité a le dernier mot. La réalité au Honduras, c'est la ténacité incroyable et exemplaire de ce peuple qui lutte pour conquérir le pouvoir pour mener sa destinée. Cette lutte pour la reconnaissance de sa souveraineté. Une lutte pour s'affranchir du joug impérial et pour accéder à la démocratie participative permettant de corriger les injustices sociales des décennies passées.
On ne peut parler de la victoire des putschistes. La lutte n'est vraiment pas finie. Hier c'était des centaines d'automobiles qui défiaient la police et l'armée dans les rues de Tegucigalpa.
La semaine prochaine ce sera la réunion de l'OEA pour évaluer cette élection bidon.
La résistance hondurienne tient encore le coup, la lutte n'est vraiment pas finie.
Serge Charbonneau
Québec


Laissez un commentaire



4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    3 décembre 2009

    111 des 128 députés contre le rétablissement du président déchu Manuel Zelaya
    C’est par une votation massive au Congrès du Honduras qu’hier, 2 décembre 2009, les 111 des 128 députés (14 seulement ont voté pour son rétablissement et 3 étaient absents) qu’a été rejeté le retour au pouvoir de Manuel Zelaya.
    Le président déchu a donc été abandonné par la quasi totalité des 63 députés de son propre parti, le Parti libéral. C'est sous l'enseigne de ce parti de droite que M. Zelaya fut élu président en 2005. Son ralliement à la fois soudain et personnel, en 2008, au camp socialiste radical mené par le Vénézuélien Hugo Chavez et ses initiatives anticonstitutionnelles pour tenter d'instaurer la réélection présidentielle, strictement prohibée par la Constitution, levèrent contre lui ses coreligionnaires libéraux, ainsi que le Congrès, la Justice, l'Église et l'armée.
    JLP
    Vive le pays et les nations libres de mercenaires de la politique et de traîtres de leur peuple

  • Archives de Vigile Répondre

    3 décembre 2009

    Pour ceux qui chérissent les dictateurs et les anti-constitutionnalistes
    Voici quelques articles de la Constitution de l’Honduras qui démontrent clairement la violation commise par l’ex président Manuel Zelaya :
    Article 42. Le droit du citoyen se perd : Pour inciter, promouvoir ou appuyer la continuation ou la réélection du président de la République.
    Article 239. Le citoyen qui a exercé la responsabilité du Pouvoir exécutif ne pourrait être président ou Désigné. Celui qui viole cette disposition ou propose sa réforme, ainsi que ceux qui l’appuient direct ou indirectement, cesseront immédiatement de leurs postes respectifs, et resteront inhabilités durant un période de dix ans pour l’exercice de toute fonction publique.
    Article 272. Les Forces Armées du Honduras sont une Institution Nationale de caractère permanent, essentiellement professionnelle, apolitique, obéissante et non délibérante. Elles se constituent pour défendre l’intégrité territoriale et la souveraineté de la République, pour maintenir la paix, l’ordre public et le respect à la Constitution, les principes de suffrage libre et l’alternance dans l’exercice de la Présidence de la République.
    Le risque et le prix de violer la Constitution comme l’a fait le président hondurien ont été très grands puisqu’ils donnaient un signal à plusieurs autres gouvernants de l’Amérique latine et d’autres pays, leur faisant voir qu’il n’arrive rien si l’on viole la loi. C’est pour cette raison que dans l’accomplissement de leur devoir, les Forces Armées du Honduras ont fait ce qu’elles avaient à faire pour sauvegarder l’intégrité des institutions démocratiques, faisant sortir le président du pays afin de lui éviter l’incarcération.*
    JLP
    Vive le pays et les nations libres de mercenaires de la politique et de traîtres de leur peuple
    ________________________________________________________________
    *. Pour plus de détails sur cette information, consulter l’article Manuel Zelaya, un autre qui voulait agir comme Hugo Chávez. Des leçons d’une trahison

  • Archives de Vigile Répondre

    2 décembre 2009

    "Vive le pays et les nations libres de mercenaires de la politique et de traîtres de leur peuple"
    Vous parlez du Québec bien entendu ?
    Quand on voit les images des Honduriens qui voulaient accueillir le retour de Zelaya alors que la piste d'atterrissage était envahie de militaires, on se demande bien qui sont les VRAIS traitres à la nation Hondurienne et surtout au peuple Hondurien qui avait élu légitimement Zelaya .

  • Archives de Vigile Répondre

    2 décembre 2009

    Honduras. Le vote massif aux élections générales de dimanche dernier qui a donné la présidence du pays au Parti National (parti nationaliste), enlevant le pouvoir au Parti Libéral (parti de droite et anti-constitutionaliste) du pro-castrochaviste Manuel Zelaya, a laissé un message sans équivoque : personne ne peut être au-dessus de la Constitution.
    JLP
    Vive le pays et les nations libres de mercenaires de la politique et de traîtres de leur peuple