La catharsis, dont on a tant parlé depuis qu’Aristote, dans sa Poétique, en a proposé la notion, s’effondre avec le projet de Wajdi Mouawad. Sensée susciter crainte et pitié tout en nous mettant à l’abri du réel puisqu’il ne s’agit que de théâtre, la catharsis ne tient plus, du moins pas sous cette forme puisque Mouawad désire vraisemblablement briser l’équation qui fait qu’une représentation n’est pas la réalité ; tout au plus en est-elle le signe, un signe, à la place de quelque chose d’autre conséquemment.
Wajdi Mouawad vient de briser le moule et il l’a fort bien expliqué lors de son entrevue à Radio-Canada. Il proposait une identification, voire une identité, entre un des protagonistes du choeur et l’objet même des pièces de Sophocle qu’il met en scène. Davantage, il voulait que le spectateur puisse s’en rendre compte, non pas en accusant encore et encore quelqu’un déjà condamné et ayant purgé sa peine, pas plus qu’en l’applaudissant plus qu’un autre sur la scène, mais comme partie prenante d’une tragédie écrite voilà plus de deux mille ans et qui se vit encore aujourd’hui dans la vraie vie. Cet immense défi de rompre avec une tradition qui remonte à Aristote, que Denise Bombardier, dans Le Devoir, a bien rappelée (et deux fois plutôt qu’une) mais en refusant la rupture proposée par Wajdi Mouawad, est à saluer malgré toute la gravité et la complexité existentielle qu’elle met alors en scène dans toutes nos vies et pas seulement sur les planches d’un théâtre.
Entre la démagogie populiste d’un Richard Martineau, l’apparente neutralité d’un Jean-Luc Mongrain, l’énervement infantile d’un Serge Denoncourt, on a pu entendre un Robert Lévesque beaucoup plus à propos et surtout un Wajdi Mouawad disponible et brillant dans sa pensée, à l’abri de toute vérité et donc de toute forme d’intransigeance ou d’intégrisme, ce qui ne veut pas dire confortable, bien au contraire. Ne répondre que oui ou que non à une question arrête la discussion, freine la réflexion, entraîne la pensée à stagner, à s’enfermer sur elle-même, à mourir ! Wajdi Mouawad a manifestement refusé cet enfermement et pousse la réflexion dans des retranchements dont on ne soupçonne peut-être même pas l’existence et encore moins la nature, sans doute plus loin que ce que plusieurs peuvent supporter, mais de toute manière bien au-delà du bien et du mal.
« L’affaire » Wajdi Mouawad
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