Laval n'est pas une ville mais une entreprise. Elle est pour notre malheur devenu l'archétype du développement urbain néolibéral et dé-réglementé au Québec. Elle sera pourtant bientôt devancée par la dernière trouvaille de nos technocrates : les Transport Oriented Development ou TOD qui proposent essentiellement de réduire l'habitat humain à sa fonction de terminus tout en repoussant les limites de la banlieue. Voilà la concrétisation du mode de développement que nous ont concocté les fleurons entrepreneuriaux du Québec Inc. Ces apprentis-sorciers qui continuent de désarmer les politiques d'aménagement québécoises en maintenant le possible à l'intérieur des limites de leur imaginaire. Tant que c'est rentable (c'est-à-dire fructueux et profitable), mais pour qui ?.
Le résultat de ces recettes payantes qui ne survivent que grâce au monopoles et à la spéculation est l'appropriation des terres agricoles et des franges industrielles et naturelles et leur réduction au simple rang d'opérations immobilières sans âme, incapables de soutenir toute forme de vie collective et de solidarité.
Ces non-lieux aménagés à même l'endettement à vie des occupants constituent des espaces indifférenciés et déshumanisés, apolitiques, répétés à l'infini produisant la déshumanisation. Ils sont dépourvus d'espace public effaçant tout espoir de démocratie. Cela assure la tranquillité politique.
Voilà pourquoi on peut marcher, magasiner, s'asseoir à une terrasse, fraterniser, draguer ou manifester et même renverser un gouvernement dans les rues de Montréal ou de Québec, ou dans les vieilles rues de nos anciens villages comme Saint-Denis, Saint-Eustache ou Terrebonne, parce que l'aménagement de ces villes anciennes date d'avant le triomphe de l'abstraction de la vie que l'on nomme banlieue et du tout-à-l'auto qui n'est ni la ville, ni la campagne et où la vie en société n'existe plus.
Voilà le résultat de ce que nos gouvernants appellent la "création de la richesse" (à tout prix) richesse qui n'est créée dans les faits que par les emprunts hypothécaires. Le business du développement s'appuie sur la croissance illimitée des vies humaines parce que l'achat d'une maison se fait au prix de la vente de sa force de travail à venir. Nos ancêtres qui héritaient de la terre de leurs parents étaient plus libres que nous le sommes. La vente de ces terres loin de nous libérer a rendu les Québécois dépendants du marché immobilier. La richesse appartient à ceux qui possèdent la terre. C'est aussi vrai dans les villes que les campagnes. Une partie des revenus du crime organisé sert à l'achat de propriétés et immeubles municipaux qui contrôlent ainsi le développement et le commerce. Les "développeurs" qui connaissent leur business mais ignorent la science des villes et de l'environnement portent au pouvoir leurs représentants et n'ont de compte à rendre à personne. Les politiciens sont à leur service ayant confondu ce qu'est le bien public.
La Commission Charbonneau qui accomplit un magnifique travail n'aura pourtant jamais les ressources, le temps requis ni le mandat de mettre au jour et de démonter le mécanisme du développement urbain qui construit un monde qui n'a rien à voir et plutôt s'oppose à nos rêves. Pourtant, c'est bien dans cette aberration que se trouve la clé de cette dérive morale et éthique que nous appelons Laval ou du nom de tout autre municipalité analogue et dont nous payons tous le prix et qui nous condamne à la déliquescence.
Sommes-nous venus au monde pour vivre dans les non-villes d'un non-pays ?
Bien plus que le détournement d'argent et la collusion, c'est l'ignorance, la pauvreté et la médiocrité du projet urbanistique et social que nous offrent ces profiteurs qui devraient mériter notre colère. Avec tout ce que nous coûte ces cités sans âmes nous pourrions nous construire un véritable pays, des villes et des villages conviviaux et dignes de nos rêves, offrir l'éducation à tous et protéger notre patrimoine culturel et naturel, nos campagnes et paysages, notre agriculture et nos espèces animales et végétales, nos industries et métiers traditionnels. Nous pourrions nous donner un pays qui nous ressemble à ce que nous prétendons être en oubliant que le pays que nous acceptons tel qu'il s'offre finit par nous transformer en êtres désabusés de la politique et de notre essence collective.
Il faut plus qu'un référendum pour construire un pays, il faut d'abord prendre conscience de la réalité et du sens que nous voulons donner à nos vies individuelles et collectives; la nature, les villes et villages et le pays en étant le théâtre. Trop de fois on a l'impression de jouer dans la mauvaise pièce avec les mauvais personnages, un mauvais décor et au mauvais moment.
« L'Avenir est à Laval »... Un autre avenir est-il possible ?
Sommes nous venus au monde pour vivre dans les non-villes d'un non-pays ?
« Engagez-vous » - Stéphane Hessel
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3 commentaires
Alain Maronani Répondre
28 mai 2013@JCPomerleau
C'est TOUT le monde Monsieur Pommerleau....si c'était uniquement Charest et compagnie....prenez tous les obsédés du développement, dans TOUS les partis politiques, la population qui veut etre plus riche sans limite, les maires qui veulent plus de routes, de ponts, les projets dantesques du monorail québécois, supporté par ON, un cauchemar technologique et énergétique, etc...le suicide du développement...
Qui s'est opposé a l'édification de Laval, bien avant Charest et compagnie ?
Qui s'est opposé aux travaux d'urbanisation a Terrebonne, un nom significatif en banlieue de Montréal ?
Proposez donc une alternative sans croissance...juste pour voir vos chances d'etre élu....
C'est un système Monsieur Pommerleau cela se nomme le capitalisme...parait-il si j'en crois certains ici ce n'est ni de gauche ni de droite...
Et cela c'est bien au dela de Charest ou de madame Marois ou des palinodies de QS....
Jean-Claude Pomerleau Répondre
28 mai 2013"Malheur à qui porte un désert" (F.N.)
Pertinente réflexion sur le thème de la dépossession du territoire, transformé en désert culturel, dans l'indifférence générale.Nous avons abandonné le pays réel pour partir à la quête d'un pays fantasmé.
Outre le désert culturel, il y a le désert tout court, le saccage de la biodiversité : à Laval, de 2004 à 2010, 40 % des milieux humides ont été, soit saccagés ou altérés. Avec la complicité active de Vaillancourt et ... Charest :
... Dans le magazine L'actualité en 2011, Thomas Mulcair a révélé que ses ennuis ont débuté lorsqu'il a voulu légiférer pour protéger les milieux humides.
«C'est là que ça a commencé à mal aller avec le premier ministre [Jean Charest]. Il y avait beaucoup de terrains en jeu à Laval notamment, et Charest m'a dit qu'il ne pouvait pas faire ça au maire Gilles Vaillancourt. On avait trop besoin de lui pour les élections.»
http://www.lapresse.ca/actualites/politique-canadienne/201305/16/01-4651316-gilles-vaillancourt-aurait-tente-de-corrompre-thomas-mulcair.php
...
La reprise en mains systématique de notre territoire est une tâche urgente, et beaucoup plus exigeante qu'on se l'imagine. Et elle commence par ne pas abandonner le contrôle de notre État aux mains libéraux.
JCPomerleau
Alain Maronani Répondre
28 mai 2013Il suffit de se rendre une fois dans sa vie en Italie, pays aussi parsemé d'horreurs architecturales post 1950, pour apprécier la grace des piazzas italiennes....
Laval c'est comme le reste...une culture du néant constitué de non-lieux ou les consommateurs errent de place en place...et que dire du boulevard Taschereau a Brossard, la banlieue sud de Québec, ou la banlieue nord de Paris...
Relire les livres de Kunstler, Geography of Nowhere...ou "The long emergency"
"The Geography of Nowhere, my first non-fiction book on the tragic sprawlscape of cartoon architecture, junked cities, and ravaged countryside where we live and work. I argued that the mess we've made of our everyday environment was not merely the symptom of a troubled culture, but one of the primary causes of our troubles. "We created a landscape of scary places, and we became a nation of scary people."
Il ne manque plus que les projets d'électrification sans fin, style ceux défendus par certains, pour finir de transformer le Québec en une immense banlieue parsemée d'espaces verts et de villages désertés de leur population, achever la modernité....