Sous les pavés, la grève

Même les étudiants en médecine de l'Université de Montréal, qui ont été en grève, comprennent les enjeux plus clairement que votre gouvernement — pourtant, les médecins ne sont pas les plus à gauche!

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012



Diviser pour régner, c'est de bonne guerre, madame Beauchamp. Mais vous faites fausse route. Nous sommes les étudiants d'hier, ils nous remplaceront demain, voilà tout. Nous sommes donc ensemble. Vous étiez autrefois étudiante au collège Valleyfield, premier établissement à voter la grève. Tout un symbole. Le refus de voir hausser radicalement les droits de scolarité n'est pas un caprice d'enfants gâtés contre lequel vous devez vous dresser pour mieux nous protéger. Beaucoup d'entre eux auront d'ailleurs terminé leurs études quand le gros de la hausse frappera.
Et si les étudiants souhaitaient simplement rendre la pareille et financer à leur tour l'enseignement supérieur par leur impôt, un bien meilleur outil de répartition de la richesse que votre «juste part» des tarifs? Parce que c'est trop facile d'opposer les étudiants et la société: ils en font bien partie autant que nous et en seront plus tard le corps pensant, agissant, votant. De plus, ils poursuivront, notamment grâce à leurs taxes et impôts, la construction sociale. Et vous leur refuseriez le droit de participer au choix du modèle? Ce sont eux qui nous protègent.
Même les étudiants en médecine de l'Université de Montréal, qui ont été en grève, comprennent les enjeux plus clairement que votre gouvernement — pourtant, les médecins ne sont pas les plus à gauche! Leur résolution de grève embrassait l'idée de perpétuer la tradition d'accessibilité aux études indépendamment de la capacité de payer, proposait de maintenir l'équité intergénérationnelle, soulignait le lien démontré entre l'éducation et la santé d'une population, revendiquait la solidarité et rappelait la responsabilité sociale citoyenne. Je suis fier d'eux. Ça, c'est un projet de société.
Régler la grève
Aucun doute: les étudiants voient plus large, plus loin, plus grand, alors que vous êtes aujourd'hui coincée dans la vision politique étroite et peu inspirante de votre gouvernement. Votre tentative d'opposer l'intérêt des générations ne tient pas la route: vous-même avez obtenu en 1985 un diplôme universitaire en psychologie, à une époque où les études coûtaient largement moins cher qu'aujourd'hui — et une fraction des droits que vous souhaitez imposer pour demain! Où est l'équité?
Alors, attention: en bloquant toutes les ouvertures, vous ne retrouverez bientôt plus de chemin jusqu'à eux. À force de monter un mur entre vous et la rue, vous finirez par faire sortir les pavés, ce que personne ne souhaite. Parce que sous les pavés, il y a la grève. Et si l'escouade antiémeute sait comment venir à bout des pavés, elle ne peut régler la grève. Ce que vous seule pouvez.
Parler et écouter
Mais pour cela, il faut négocier. Avec de vrais mots, pas des formules. C'est que j'ai écouté votre entrevue cette semaine à Radio-Canada: vous récitez. Ces techniques sont peut-être efficaces, mais elles ne vous ressemblent pas. Vous avez changé depuis l'époque où, directrice générale de la radio CIBL, la langue de bois n'était pas votre marque de commerce. Et en répétant encore mille fois que c'est un boycottage, vous ne réglerez rien de plus. Ni d'ailleurs en répétant les mots des juges et en vous enfermant dans la rhétorique des droits individuels: on a tous des droits, mais le plus fondamental est sûrement celui de choisir le modèle de société dans lequel on souhaite vivre.
Non, il faut faire face. Si vos convictions de jeunesse sont toujours vivantes, agissez. Parlez aux étudiants, écoutez-les, négociez. C'est vote devoir. Représentez-les. Élue à l'Assemblée nationale, si vous croyez encore à l'importance de votre rôle politique, élevez-vous au-dessus de la ligne de front, essayer de comprendre ce qui vous rapproche, au-delà de ce qui vous confronte. Les étudiants sont ce que nous étions hier; ils seront demain ce que nous sommes aujourd'hui. Si vous ne le voyez plus, il est temps de laisser votre place. D'autres que vous traceront le chemin de la réconciliation.
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Alain Vadeboncoeur - Médecin, Longueuil


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