Sur les traces de Champlain : Aller simple vers l'inconnu

Samuel de Champlain, Père de la Nouvelle-France


Dans une semaine, le Grand livre de Champlain s'ouvrira à Québec, dans la redoute du Cap-aux-Diamants à la Citadelle. Du haut de ses pages de deux mètres, lourd de ses 500 kilogrammes, l'ouvrage livrera l'histoire telle que racontée par le fondateur de la capitale. Le Soleil vous invite à remonter là où tout a commencé.
Ils sont 30 000 à avoir tout abandonné derrière eux, 30 000 à avoir quitté la région du Poitou-Charentes entre 1604 et 1770 pour partir à la découverte d'un nouveau monde. Des militaires, des religieux, des filles du roi, des engagés... La moitié d'entre eux sont restés en Nouvelle-France et ont contribué à son peuplement. Les autres ont préféré revenir dans leur pays natal après avoir vécu ce grand saut dans l'inconnu.
Pour le 400e anniversaire de Québec, le Centre des monuments nationaux de France a décidé de rendre hommage à tous ces émigrants, à tous ces piliers de la Nouvelle-France dans une nouvelle exposition permanente présentée dans la tour de la Chaîne à La Rochelle. Une exposition émouvante qui nous mène à la rencontre de notre histoire et des personnages qui l'ont façonnée.
La plupart des migrants fondateurs de la Nouvelle-France provenaient de l'ouest du pays, particulièrement de l'Aunis, de la Saintonge et de l'Angoumois (37 %), de la Normandie (15 %) et de l'Île-de- France (15 %). La Bretagne, l'Anjou, la Touraine, l'Orléanais, le Maine et la Guyenne ont aussi fourni plusieurs bâtisseurs. Tout comme Paris, Bordeaux, Nantes, Rouen, Poitiers. Ces émigrants étaient souvent de jeunes adultes célibataires, plus de la moitié d'entre eux étant âgée de 20 à 29 ans. Les enfants comptaient pour seulement 6% des aventuriers puisque bien peu de familles ont fait le voyage vers ce pays à construire.
L'exposition met des visages et des noms sur ces explorateurs inconnus. Des noms qui ont réellement existé, des personnes qui se sont réellement embarquées dans un bateau de marchandise en partance de La Rochelle pour une expédition de 60 à 80 jours sur des mers souvent agitées. Catherine Buisson, Louis Dupont, Jean Girard, Catherine Aimée... Ils sont commerçants, militaires, forgerons, tonneliers. Elles sont religieuses ou orphelines et veulent éduquer les peuples indigènes ou trouver un bon mari avec la dot offerte par le roi.
Qu'est-ce qui pousse ces gens à quitter leur patelin, à venir à La Rochelle et à s'embarquer vers la Nouvelle-France? "Souvent, c'est une question d'argent", explique la chargée de développement au Centre des moments nationaux, Isabelle de Santerre. Au XVIIe siècle, il se brasse beaucoup d'affaires à La Rochelle, qui bénéfice d'un monopole pour la traite de la fourrure en Nouvelle-France. De plus en plus de bateaux de commerce quittent ce port historique pour traverser l'Atlantique. Et de plus en plus de personnes désirent profiter de cette manne, refaire leur existence ailleurs, améliorer leurs conditions de vie.
La première partie de l'exposition nous démontre toutefois que ces pionniers ne partent pas tous le coeur léger. La Nouvelle-France n'a pas si bonne réputation. On craint les "sauvages" et leurs rites particuliers; on redoute cette mer qui peut tuer sans crier gare et cette traversée qui peut s'éterniser. Et il y a aussi les grands froids, le climat aride dont parlent tous ceux qui reviennent de ce pays mystérieux... Regretteront-ils leur geste, seront-ils heureux dans leur nouvelle vie?
Certains ne doutent pas une seconde de leur choix. "Mon nom est Guillaume Boily, je suis né à Saint-Jouin-de-Marnes. Je suis forgeron. J'ai 42 ans, je n'ai rien ici, pas de femme, pas d'enfant... Je veux partir tenter ma chance au Canada. Il paraît qu'il y a du travail et qu'on peut avoir sa terre", raconte l'un des personnages de l'exposition.
Ces émigrants partent avec leurs craintes, leurs espoirs, leurs talents, mais aussi avec leurs bagages bien réels, avec une valise remplie d'objets qui feront ensuite partie de leur quotidien : des jetons à jouer, des dés à coudre, un peigne en os, des outils pour travailler, une cuillère en étain, de la vaisselle, des crayons... On peut voir dans l'exposition quelques-uns de ces objets qui ont appartenu à de vrais émigrants et qui ont été prêtés au Musée de la tour de la Chaîne par le ministère de la Culture du Québec et Parcs Canada.
La plupart des pionniers ne devaient pas payer pour monter à bord des bateaux de marchandise. La colonie payait les coûts d'entrée pour les militaires, les communautés religieuses prenaient leurs représentants en charge, les engagés pouvaient se fier aux commerçants et aux seigneurs qui avaient besoin de leurs services en Nouvelle-France. Seules les familles, fort peu nombreuses, devaient débourser les frais du voyage en empruntant bien souvent le montant nécessaire aux communautés religieuses. Montant qu'elles devaient rembourser avec le fruit de leur travail après leur arrivée.
Entre 1630 et 1760, La Rochelle a été le "port canadien" du royaume de France et a assuré à elle seule près de la moitié du trafic avec Québec et les autres villes de la colonie. Les bateaux emportaient à l'aller des marchandises et des passagers et rapportaient des fourrures et des morues en France. Pour donner un peu plus de stabilité aux navires lors du voyage de retour, on remplissait la calle de pierres qui étaient ensuite transvidées sur les quais de La Rochelle. L'une des rues de cette ville a d'ailleurs été construite avec des pierres provenant de Québec et existe encore aujourd'hui.
Aux quatre coins du Poitou- Charentes, différents lieux de mémoire de cette vague d'émigration ont été déterminés. Au troisième niveau de l'exposition La Rochelle-Québec : Embarquez vers la Nouvelle-France, une borne interactive permet de visionner ces lieux. L'endroit offre aussi la possibilité de voir des films d'animation sur Québec et d'avoir accès aux bases de données généalogiques des familles souches.
Le ministère français de la Culture a investi 870 000 euros (1 346 763 $CAN) pour rénover la tour de la Chaîne pour lui permettre d'accueillir cet événement culturel. Le Centre des monuments nationaux a de son côté injecté 600 000 (928 802 $CAN) euros pour développer le concept et monter l'exposition. Des partenaires privés ont aussi participé au financement. Lancée le 9 mai, cette activité incontournable pour les Québécois sera à l'affiche pendant au moins cinq ans et sans doute davantage si sa popularité se maintient au fil du temps.
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Les trois tours
Les trois tours de La Rochelle sont les vestiges d'un grand programme de fortification lancé à partir de 1199 par la ville. La tour Saint-Nicolas et la tour de la Chaîne constituent la porte d'entrée du Vieux-Port, qui a tenu pendant 10 siècles la fonction de verrou défensif du front de mer de la ville. Une chaîne était accrochée à la tour qui porte bien son nom afin d'empêcher les navires ennemis de pénétrer au coeur de la cité. Sur la photo, la tour Saint-Nicolas prise du sommet de la tour de la Chaîne. Julie Lemieux


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