Tension extrême à Saint-Hyacinthe

Gaz de schiste



Tous les textes sur le dossier du gaz de schiste
Alexandre Shields - Saint-Hyacinthe — La troisième et dernière séance d'«information» organisée par l'Association pétrolière et gazière pour tenter de calmer la grogne grandissante au sujet de cette filière a encore une fois été éprouvante pour les représentants de l'industrie et particulièrement pour André Caillé, qui a quitté la salle après quelques minutes à peine, pour revenir près de deux heures plus tard. Une situation qui n'a en rien calmé la colère des quelque 500 personnes présentes qui ont réclamé, comme plusieurs avant elles, un moratoire sur l'exploration gazière au Québec.
Membre des Zapartistes et conseiller municipal à Saint-Jude, Christian Vanasse n'a d'ailleurs pas manqué de faire un parallèle entre la décision du gouvernement d'interdire le forage dans l'estuaire du Saint-Laurent et la demande pressante d'un moratoire sur l'exploration gazière. «Le gouvernement vient d'interdire l'exploration dans l'estuaire du Saint-Laurent, parce qu'après avoir commandé des études, on a constaté que l'environnement était fragile et complexe. Moi aussi j'habite dans un environnement fragile et complexe. Alors M. Caillé, je sais que vous êtes opposé à tout moratoire ou à un BAPE élargi. Mais considérez-vous que la vie, la santé et l'environnement des citoyens ici présents valent moins que ceux des bélugas?» a-t-il lancé.
La foule qui l'ovationnait n'a pas tardé à huer les représentants de l'industrie après avoir constaté qu'André Caillé avait déjà quitté la salle et qu'il ne répondrait donc pas à la question. Lorsqu'il est revenu, il s'est contenté de dire, sur un ton posé, qu'on lui avait conseillé de ne pas revenir, en raison de la «tension» qui régnait dans la salle bondée et surchauffée de l'Auberge des Seigneurs. L'avertissement serait en fait venu de la Sûreté du Québec, selon nos informations.
Pressé de questions sur les risques que pourrait représenter l'exploration gazière pour les nappes phréatiques ou la sécurité des citoyens, l'ancien p.-d.g. d'Hydro-Québec a été bref. «Les risques, il y en a, et ils doivent être gérés et minimisés. Mais il demeure des risques, parce qu'il s'agit d'une activité humaine», a-t-il simplement indiqué.
Christian Vanasse n'a également pas manqué de dénoncer la propension de M. Caillé à minimiser l'opposition. «Vous êtes en train de nous diviser. D'un côté, les opposants qui monopoliseraient les tribunes et les micros, et de l'autre, monsieur et madame Tout-le-monde qui n'arriveraient pas à parler. Je viens vous dire ce soir que les gens qui sont dans la salle, c'est monsieur et madame Tout-le-monde. Ce qui me choque, c'est que vous nous dites que c'est le syndrome du "pas dans ma cour". J'aimerais vous signaler que pour la plupart des gens ici ce soir, leur cour est très grande. Elle va de la rivière des Outaouais jusqu'à Natashquan et de l'Abitibi jusqu'à l'île d'Anticosti.»
«Ce qui choque les gens, a-t-il ajouté, c'est qu'ils ont l'impression que le dossier va de l'avant et que tout est joué avant même que ça ait commencé. Quand la vice-première ministre dit qu'elle ne veut pas parler aux opposants. Quand le ministre de l'Environnement reste muet en disant qu'il ne veut pas influencer le BAPE. Quand le premier ministre nous dit qu'il va aller de l'avant avant même d'avoir vu les conclusions du BAPE et qu'on voit des membres du gouvernement quitter [celui-ci] en masse pour aller travailler pour l'industrie gazière, on se demande qui travaille pour le citoyen et pour qui travaillent nos élus.» Une idée qui est revenue souvent au cours de la soirée.

Chose certaine, cette troisième rencontre n'aura pas permis aux représentants de l'Association pétrolière et gazière de calmer les ardeurs de l'opposition à l'exploration des gaz de schiste. Selon ce qui ressort des dizaines d'interventions des citoyens qui se sont présentés au micro, le mandat accordé au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement ne permettra pas de comprendre l'ensemble des risques liés à cette nouvelle filière énergétique. Plusieurs ont aussi profité de l'occasion pour réclamer la nationalisation des ressources gazières emprisonnées dans le sous-sol québécois, afin d'en faire un «levier économique».
Le maire de Saint-Mathias-sur-Richelieu, Yannick Maheu, a quant à lui remis en question les motivations réelles des entreprises gazières, qui répètent jour après jour que leur premier objectif est de combler les besoins en gaz naturel du Québec, qui l'importe actuellement en totalité de l'Ouest canadien. «Le but de l'industrie n'est-il pas de faire de l'exportation pour approvisionner les Américains au détriment de notre environnement?» a-t-il demandé.
Les représentants des entreprises actives dans l'exploration ont quant à eux tenu à minimiser l'avancée de leurs travaux. Selon le président de Junex, Jean-Yves Lavoie, il faudra encore au moins deux ans avant de savoir si le potentiel est suffisamment intéressant pour enclencher une phase d'exploitation commerciale. Le président de Gastem, Raymond Savoie, a abondé dans le même sens, avant d'évoquer la possibilité d'une nationalisation de la ressource. Dans ce cas, a-t-il dit, le gouvernement devra leur rembourser «la valeur de la ressource. Au Québec, on n'est pas une république de banane. On fait les choses en bonne et due forme».


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->