LEVÉS SISMIQUES À CACOUNA

TransCanada a enfreint la loi

Près d’un an et demi après les faits, le gouvernement du Québec vient finalement de délivrer un avis de non-conformité

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Le gouvernement Couillard s'est traîné les pieds pour accommoder ses amis

Près d’un an et demi après les faits, le gouvernement du Québec vient finalement d’émettre un « avis de non-conformité » à TransCanada, a appris Le Devoir. La pétrolière avait omis de demander l’autorisation au ministère de l’Environnement avant de mener des levés sismiques dans le secteur de Cacouna, en avril 2014. On ignore si l'entreprise sera mise à l'amende.

Au printemps 2014, TransCanada a mené des levés géophysiques (ou levés sismiques) en milieu marin, en plein coeur d’un habitat critique pour le béluga du Saint-Laurent, une espèce en voie de disparition. L’objectif était de déterminer la nature du fond marin, de façon à préciser les infrastructures qui seraient nécessaires pour implanter un port d’exportation de pétrole des sables bitumineux.

Or, la pétrolière n’a pas demandé l’autorisation du gouvernement du Québec avant d’aller de l’avant. Pêches et Océans Canada avait pourtant été informé de la réalisation des levés sismiques. Un avis scientifique fédéral avait même été produit. Celui-ci concluait notamment qu’aucuns travaux en milieu marin ne devraient avoir lieu au-delà du 30 avril, en raison des risques significatifs pour les bélugas présents dans le secteur.

Selon une plainte déposée au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques (MDDELCC) en octobre 2014 par le Centre québécois du Droit de l’Environnement (CQDE), TransCanada aurait dû demander un certificat d’autorisation avant de mener des levés sismiques.

Un tel certificat sert normalement à préciser les règles environnementales à respecter dans le cadre de travaux effectués dans un milieu fragile.

Certificat requis

L’avis de non-conformité qu’a finalement émis le MDDELCC le 4 septembre conclut d’ailleurs, comme le faisait le CQDE, que TransCanada a omis de se conformer aux dispositions de la Loi sur la qualité de l’environnement. L’entreprise albertaine devait demander un certificat d’autorisation avant de procéder, indiquent les informations transmises par le ministère dirigé par David Heurtel. Il n’a toutefois pas été possible d’obtenir de copie de l’avis de non-conformité. Le ministère a référé la demande du CQDE aux dispositions de la loi d’accès à l’information.

Il faut rappeler que TransCanada avait finalement déposé une demande de certificat d’autorisation auprès du MDDELCC, mais uniquement pour les forages controversés prévus au cours de l’été 2014 à Cacouna. Qui plus, cette demande avait été présentée au ministère la veille de l’audition d’une demande d’injonction présentée par le CQDE.

Malgré le fait qu’il ait essuyé uniquement des refus de TransCanada à ses demandes répétées d’un avis scientifique en bonne et due forme, le gouvernement du Québec a d’ailleurs autorisé en août 2014 l’entreprise à mener des forages sous-marins dans le secteur maritime de Cacouna.

C’est finalement la Cour supérieure qui a ordonné, en septembre 2014, l’arrêt temporaire des forages. Le jugement constituait d’ailleurs une sévère critique du gouvernement du Québec. Pour la juge, il semblait bien qu’il y avait eu « une faille dans le processus décisionnel du ministre » de l’Environnement, David Heurtel.

Selon les spécialistes du béluga, la construction d’un port à Cacouna aurait pu accélérer le déclin de l’espèce, qui ne connaît aucun signe de rétablissement. La population du Saint-Laurent se chiffre à environ 880 individus.

Une « erreur », dit TransCanada

Le porte-parole de TransCanada, Tim Duboyce, a réagi mardi en soulignant que la multinationale a tiré des « leçons » de cette « erreur » dans le dossier portuaire de Cacouna. Selon ce qu’il a fait valoir, l’entreprise ignorait qu’elle devait obtenir un certificat d’autorisation avant de procéder à des levés sismiques en plein coeur de l’habitat critique d’une espèce menacée. Selon M. Duboyce, cette omission n’aurait toutefois eu aucun impact environnemental.

Le Devoir n’a pas été en mesure d’obtenir de détails concernant l’éventuelle amende que TransCanada devra payer. Celle-ci pourrait se situer au minimum à 5000 $, selon le président du CQDE, Michel Bélanger.

Même si TransCanada a abandonné au printemps dernier son projet de port pétrolier d’exportation à Cacouna, l’entreprise est toujours à la recherche d’un site pour implanter une telle infrastructure industrielle. Elle doit faire connaître ses intentions d’ici la fin de 2015.

Travaux à venir

Le projet Énergie Est est le plus important projet de pipeline actuellement en développement en Amérique du Nord. Celui-ci transportera 1,1 million de barils par jour, soit plus de 400 millions de barils par année. L’imposant tuyau qui devra être construit au Québec aura une longueur de plus de 720 kilomètres, soit près de la moitié de toute la longueur du pipeline à bâtir pour réaliser le projet.

Il traversera non seulement de très nombreux secteurs agricoles, mais aussi le territoire de plusieurs dizaines de municipalités des deux rives du Saint-Laurent. Tout au long de son tracé, le pipeline doit aussi traverser de nombreuses rivières majeures du sud du Québec, dont plusieurs sont utilisées comme source d’eau potable par les municipalités.

Avant même que le gouvernement du Québec ne débute l’évaluation environnementale du projet, TransCanada doit entreprendre des travaux préliminaires en vue de la construction de son pipeline, et ce, au cours des prochaines semaines. Des travaux sont notamment prévus dans le fleuve Saint-Laurent et la rivière ˚.

Avec le transport de plus d’un million de barils par jour dès 2020, Énergie Est fera du territoire du Québec un élément clé dans l’exportation du pétrole albertain. Avec ce projet, plus du tiers de la production des sables bitumineux passera en sol québécois d’ici cinq ans. TransCanada a 28 lobbyistes inscrits au registre québécois.

La décision finale concernant Énergie Est reviendra au gouvernement fédéral. Aucun des trois partis qui peuvent espérer prendre le pouvoir aux prochaines élections ne s’oppose au projet de pipeline.


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