Il était écrit dans le ciel que le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, finirait par abandonner ses velléités d’octroyer un diplôme collégial au rabais aux étudiants qui sont incapables de répondre aux exigences en français, voire à les exempter carrément d’examen. Encore que l’« exception de l’exception » qu’il voudrait permettre demeure très discutable.
Un sixième sens empêche généralement les bons politiciens de se mettre les pieds dans les plats, même quand ils doivent commenter à chaud un dossier qui leur est plus ou moins familier. Il ne fait pas de doute que M. Bolduc aime sincèrement son métier, mais il a malheureusement le réflexe inverse.
Commander un rapport est souvent une façon d’évacuer un problème, mais ce n’est pas parce qu’il formule des recommandations que celles-ci doivent automatiquement être acceptées, comme la ministre de la Culture, Hélène David, l’a bien démontré dans le cas des conservatoires en région.
M. Bolduc avait eu la chance d’atterrir à la Santé au moment où les questions d’éthique et d’intégrité commençaient à monopoliser l’opinion publique, ce qui lui a évité de se retrouver sur la sellette aussi fréquemment que ses prédécesseurs. Durant tout son mandat, il a toutefois été identifié comme un excellent candidat à un éventuel remaniement ministériel, mais Jean Charest ne savait pas trop par qui le remplacer, ni quoi faire de lui. Philippe Couillard n’aura peut-être pas cette patience.
Depuis son arrivée au ministère de l’Éducation, tout le monde a été en mesure de constater que M. Bolduc y est aussi à l’aise qu’un chien dans un jeu de quilles. Malheureusement, l’éducation n’est pas un jeu et la bonne volonté, si grande soit-elle, ne peut pas remplacer le jugement. Il n’est pas normal qu’un tollé doive toujours le ramener au bon sens.
Après le cafouillage sur les bibliothèques scolaires, qui a semé un premier doute sur ses aptitudes, la pitoyable histoire de la prime de 215 000 $, qui a soulevé de sérieuses questions sur son sens de l’éthique, le dernier faux pas au sujet du diplôme collégial constitue la troisième prise qui entraîne normalement le retrait. Le député d’Orford et ancien recteur de l’Université de Sherbrooke, Pierre Reid, avait sans doute déçu à l’Éducation, mais il avait été renvoyé sur les banquettes arrière pour bien moins que cela.
Au moment où le réseau de l’éducation semble se diriger vers une (autre) période de chambardement causée par le redressement budgétaire en cours, quelqu’un devra faire en sorte que l’essentiel soit préservé. M. Bolduc a-t-il le discernement nécessaire et un poids politique suffisant pour tenir tête à son opiniâtre collègue du Conseil du trésor, qui paraît déterminé à faire en sorte que le grand ménage n’épargne personne ?
Dans une récente entrevue au Devoir, M. Bolduc ne tarissait pas d’éloges sur le système d’éducation québécois, dont les quelques imperfections ne justifieraient pas les inquiétants bouleversements que le réseau de la santé s’apprête à vivre sous la férule de Gaétan Barrette, mais il est clair que tous ne sont pas de cet avis au gouvernement.
Plusieurs ont poussé un soupir de soulagement en apprenant que M. Bolduc n’avait pas l’intention de transposer sa « méthode Toyota » dans les écoles, même s’il entend se donner le pouvoir de mettre sous tutelle les écoles qui seraient jugées « déficientes ».
Se présentant lui-même comme un « décentralisateur » convaincu de l’utilité des commissions scolaires, il croit avoir convaincu le premier ministre qu’il suffira d’apporter quelques améliorations au système, mais M. Couillard a montré dans le passé sa remarquable aptitude à revenir soudainement sur des positions qu’il avait pourtant défendues avec une grande énergie.
Il y a moins de trois ans, il affirmait que les pouvoirs du ministre de la Santé étaient déjà trop étendus et que la gestion du réseau de la santé devrait être confiée à une société d’État indépendante afin d’éviter tout risque de politisation. Ce qui ne l’a pas empêché d’autoriser M. Barrette à présenter un projet de loi qui entraînera une concentration des pouvoirs sans précédent dans les mains du ministre.
On peut facilement comprendre le scepticisme des commissions scolaires. Même en admettant que M. Bolduc soit bien le décentralisateur qu’il prétend être, il n’y a rien de très rassurant à devoir s’appuyer sur un ministre à l’avenir aussi incertain.
Dans l’immédiat, le porte-parole de la CAQ, Jean-François Roberge, a sans doute raison : en cette période de compressions, le gouvernement serait bien fou de se priver de boucs émissaires aussi commodes. Pour la suite des choses, qui sait ? M. Bolduc a démontré que même un médecin peut passer de la Santé à l’Éducation.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé