Donetsk, fief des séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine, a subi mercredi pour la première fois une frappe aérienne, tandis que l’armée ukrainienne intensifie ses manoeuvres pour reprendre la ville.
La Russie réclame des mesures d’urgences face à la dégradation de la situation humanitaire dans la zone des combats et accroît sa pression à la frontière, faisant craindre une intervention militaire russe à Kiev et à l’OTAN, dont le secrétaire général Anders Fogh Rasmussen est attendu jeudi en Ukraine.
«Il existe théoriquement une menace d’intervention. Nous analysons tous les scénarios possibles», a déclaré le porte-parole militaire ukrainien Andriï Lyssenko.
Sur le terrain, la situation ne cesse de se détériorer et M. Lyssenko a indiqué que l’armée avait perdu 18 hommes en 24 heures dans des combats dans l’est.
À Donetsk, la nuit a été marquée par des tirs d’artillerie dans les faubourgs ouest de Petrovski et Kirovski et une frappe aérienne non loin du centre-ville, la première depuis les bombardements en mai de l’armée ukrainienne pour chasser les rebelles de l’aéroport international de Donetsk.
Des cratères dans le bitume, des fenêtres et des toits soufflés : cette première frappe a laissé son lot de destruction et des habitants traumatisés. L’essentiel des combats entre forces ukrainiennes et séparatistes dans Donetsk se concentre dans les quartiers périphériques, surtout au sud-ouest.
La frappe, qui n’a pas fait de victime civile selon la mairie, a eu lieu autour de minuit dans la nuit de mardi à mercredi, dans une rue bordée essentiellement d’entrepôts et d’immeubles de bureaux.
Selon un employé d’une entreprise sur place, les lieux pourraient abriter une base des séparatistes, dont le quartier général, en centre ville, se situe à sept kilomètres de là.
Kiev nie toute responsabilité
Les autorités ukrainiennes ont démenti toute responsabilité, se bornant à assurer qu’ils ne procédaient pas à ce type de frappes en zones habitées. Ils n’ont donné aucune autre explication sur les causes alors que les insurgés ne possèdent pas d’aviation.
Une journaliste de l’AFP sur place a vu un profond cratère à sept kilomètres du centre-ville où, selon les habitants, se trouve une des bases rebelles. L’entrée d’un des nombreux entrepôts a été gravement endommagée par l’explosion qui a soufflé les vitres de trois immeubles de bureaux à proximité.
«Ils nous ont survolés deux fois. Après les frappes aériennes, nous avons entendu ce qui aurait pu être un tir antiaérien», a raconté à l’AFP Vladik, un résident de 18 ans.
Valentina Petrovna, qui vit dans une rue voisine, regarde l’un des cratères creusés dans le bitume. « Les gens dormaient déjà. Certains se sont précipités dans la rue. Nous, nous sommes descendus dans la cave et nous n’avons pas dormi de la nuit », déplore cette femme.
« J’ai appelé mon frère en Russie pour lui dire qu’ils avaient commencé à nous bombarder. J’ai déjà envoyé mes petits-enfants là-bas », poursuit-elle, fondant en larmes. « Quand est-ce que tout cela s’arrêtera ? Pourquoi ces souffrances ? »
Cette frappe n’a «pas fait de victimes civiles», selon la mairie qui fait état de trois civils tués en 24 heures dans des tirs d’artillerie touchant d’autres districts de la ville.
En début d’après-midi mercredi, des journalistes de l’AFP dans le centre-ville ont entendu le son de nouveaux survols à basse altitude.
Les combats s’intensifient depuis plusieurs jours autour de Donetsk, la plus grande ville du bassin houiller du Donbass — un million d’habitants avant les hostilités.
«Les troupes se regroupent et renforcent les barrages. Nous nous préparons à libérer les villes» tenues par les séparatistes comme Donetsk, Lougansk ou Gorlivka, a déclaré Oleksiï Dmytrachkivski, porte-parole de l’armée ukrainienne.
La stratégie affichée par Kiev est d’isoler les insurgés à Donetsk jusqu’à épuisement de leurs ressources. L’objectif est de les couper de la frontière russe par laquelle transitent, selon l’Ukraine et les Occidentaux, armes et combattants, ce qui explique les sanctions économiques sans précédent imposées à la Russie.
En riposte à ces mesures, Vladimir Poutine a ordonné d’«interdire ou de limiter pour un an» les importations de certains produits agroalimentaires en provenance des pays sanctionnant la Russie.
Crainte d'une invasion russe
La Russie a encore fait monter la pression lundi en lançant des manoeuvres militaires près de la frontière, impliquant une centaine d’avions de combat. Elles ont été dénoncées comme des «provocations» par Kiev et Washington.
Selon l’OTAN, le nombre de militaires russes à la frontière ukrainienne est passé de 12 000 à la mi-juillet à 20 000, créant ainsi une «situation dangereuse», ce que Moscou a démenti.
L’OTAN craint que la Russie n’utilise «le prétexte d’une mission humanitaire ou de maintien de la paix pour envoyer des soldats dans l’est de l’Ukraine», a expliqué une porte-parole de l’alliance.
Même son de cloche en Pologne. «Les informations que je reçois depuis une douzaine d’heures nous permettent d’estimer que la menace d’une intervention directe russe est certainement plus importante qu’il y a encore quelques jours», a déclaré le premier ministre polonais Donald Tusk.
Au cours d’un Conseil de Sécurité de l’ONU mardi, la Russie a demandé en vain des mesures humanitaires d’urgence, l’ambassadeur russe Vitali Tchourkine déplorant que Kiev «continue d’intensifier ses opérations militaires».
«La Russie peut mettre fin à tout ça» en arrêtant de soutenir les séparatistes et en les obligeant à «déposer les armes», a répliqué la représentante adjointe américaine Rosemary DiCarlo.
Le fossé entre les Occidentaux et Moscou s’est encore creusé depuis la destruction en vol par un missile en zone rebelle le 17 juillet d’un avion de Malaysia Airlines avec 298 personnes à bord. Une centaine d’experts néerlandais, australiens et malaisiens se rendent depuis plusieurs jours sur le site à la recherche de restes humains et de débris de l’appareil.
Leur travail a été suspendu mercredi «à cause des tirs» des insurgés qui contrôlent la zone du crash, a indiqué le gouvernement ukrainien. Les affrontements dans le secteur mettaient les enquêteurs en danger.
Avec l'Associated Press. D'autres détails suivront.
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