Mon cher Bernard,
Un an déjà que tu es parti, nous laissant à chausser tes bottes de géant. Un an à découvrir combien tu en menais large, mine de rien, casquette vissée solidement sur la tête, au clavier de ton ordinateur. Un an à comprendre que tu étais irremplaçable, et que Vigile, sans toi, serait nécessairement un autre Vigile.
Tous les jours, la mise en ligne terminée, j’examine le résultat et je me dis : Bernard n’aurait pas fait ça comme ça. Et je sais ce qui manque, c’est ce qui est le plus rageant. Il manque le regard que tu portais sur le monde, ton radar qui te permettait de relever tout ce qui se passait, partout, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 52 semaines par an, et de voir la 25e heure, le 8e jour, et la 53e semaine qui ne figurent ni sur les horloges ni sur les calendriers, mais qui donnent tout leur sens aux précédents.
Alors nous mettons les bouchées doubles pour arriver à faire au moins aussi bien que toi, et peut-être même à faire mieux, non pas pour te narguer, mais pour nous montrer fidèles à cet esprit d’excellence modeste et sans prétention que tu incarnais si bien. Je dis « nous » parce que l’équipe éditoriale s’est élargie. Nous sommes maintenant cinq, les deux Gilles, Jean-Claude, Jean-Pierre et moi, et nous comptons bien encore aller chercher du renfort. C’est dire toute la besogne que tu parvenais à abattre tout seul.
Avec Vigile, tu nous as laissé un poste d’observation et de communication extraordinaire. Nous comptons bien en tirer le meilleur parti possible.
Pour ce qui est du projet au coeur de Vigile, celui dans lequel tu t’es totalement investi, l’indépendance du Québec, je suis heureux de te dire que nous faisons du progrès, malgré les efforts concertés de nos adversaires que démultiplient leurs leviers médiatiques et les ressources illimitées dont ils disposent.
Jamais les enjeux ne sont-ils apparus si clairement, et je suis heureux de te dire que Vigile y est pour quelque chose. Je t’avais d’ailleurs dit aux premiers jours de notre collaboration combien j’étais impressionné par le potentiel de Vigile sur ce plan. Nous avons cherché ensemble à l’exploiter de ton vivant en identifiant plus clairement les cibles à viser, et nous continuons tous les jours à utiliser l’actualité pour faire émerger les enjeux qui vont forger notre destin collectif.
La roue tourne pour nous comme jamais auparavant, malgré la propagande de nos adversaires qui s’acharnent à nous convaincre du contraire. Nous sommes plus proches de l’objectif que nous n’en avons jamais été, même en 1995. Il y a, bien sûr, tout ce qui se brasse au Québec en ce moment, avec les prises de conscience qui en résultent, mais il y a aussi tout ce qui se brasse ailleurs, au Canada, aux États-Unis, en Europe, et dans le reste du monde, qui ne manquera pas d’avoir des répercussions chez nous tant la donne est en train de changer en profondeur.
L’histoire est en train de basculer dans un autre sens, un sens qui sera propice à la prise en charge par nous-même de notre destin collectif, car ce sera le seul moyen de tirer notre épingle du jeu. Comble de l’ironie, ce sera le seul projet fédérateur, mais fédérateur de nous-mêmes. Au final, même nos adversaires se rallieront à nous.
Merci pour tout, Bernard. Nous pensons à toi tous les jours.
Richard