On a déjà soulevé l’idée que la candidature de Jean Charest représente un risque pour les conservateurs puisqu’il est toujours visé par une enquête de l’UPAC. Mais est-ce la pire inquiétude que devraient avoir les conservateurs ?
Il me semble que les militants de ce parti devraient prioritairement se demander si Jean Charest est un tant soit peu un conservateur.
Pour devenir le chef, le porte-étendard, la figure première d’une organisation, il faut y adhérer sans réserve. Jean Charest a certes un talent fou pour se placer à l’offensive dans toutes les situations. Mais peut-on sérieusement affirmer en 2020 que Jean Charest est un « conservateur » ? Au point de devenir leur grand leader ?
Vingt ans plus tard
Il a dirigé l’ancien Parti progressiste-conservateur dans la traversée du désert du milieu des années 1990. À son arrivée au Parti libéral du Québec, il s’est fait accuser d’être un conservateur au Parti libéral, ce qui lui a nui pour l’élection de 1998. Il a ensuite pris toutes les mesures pour ne plus subir cette attaque, reniant tout ce qui est conservateur ensuite.
En d’autres termes, cela fait plus de 20 ans que Jean Charest ne s’est pas identifié comme conservateur. Pire encore, une fois dans le fauteuil de premier ministre du Québec, il a pris exagérément ses distances par rapport au gouvernement conservateur de Stephen Harper. Ce faisant, il jouait la carte nationaliste et martelait sa profession de foi libérale.
Des organisateurs libéraux de très longue date m’expliquaient encore il y a quelques années avec quel brio monsieur Charest avait su faire oublier ses années conservatrices et devenir « un vrai libéral ». On me vantait ses qualités de chef libéral apprécié des militants. Sans faire la nuance entre fédéral et provincial. Jean était devenu un bon libéral !
Des crocs-en-jambe
Je dois ajouter quelque chose. Non seulement Jean Charest a fait à répétition des jambettes à Stephen Harper lors de périodes électorales critiques, mais il est allé plus loin. Il m’a plus d’une fois accusé (comme chef de l’ADQ à l’époque) d’une proximité avec les conservateurs. Sous-entendant que ce parti aurait quelque chose de honteux.
Évidemment, Jean Charest peut faire partie d’un mouvement pour recentrer le parti. La chose s’avère souhaitable de l’œil de plusieurs conservateurs préoccupés par leur capacité de faire des gains nécessaires au Québec et en Ontario. Mais pour recentrer le Parti conservateur, il faut minimalement être un conservateur soi-même.
Même depuis qu’il a quitté la scène politique québécoise, Jean Charest a-t-il donné le moindre signe public d’intérêt pour le parti qu’il dit maintenant vouloir diriger ? Au fait, a-t-il même voté conservateur entre 1998 et 2019 ? Rien ne paraît moins sûr.
Je poserai une question pire. Si c’était le Parti libéral du Canada qui traversait un vide de leadership, si l’espoir de devenir premier ministre du Canada passait par la chefferie du PLC, est-ce que Jean Charest aurait aussi bien pu se pointer là ? Un peu d’opportunisme ? C’est aussi cela être un bon libéral.