Un bon premier semestre pour la Caisse de dépôt - Des investissements préoccupants

Michael Sabia croit que SNC-Lavalin et Genivar redresseront la tête

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Les placements de la Caisse dans le secteur pétrolier taillés sur mesure pour l’Empire Desmarais

Le président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia, s’est dit « préoccupé » de voir les firmes de génie-conseil SNC-Lavalin et Genivar traverser des turbulences, mais persuadé qu’elles sauront se relever.

« Nous sommes préoccupés par tout ce qui touche les compagnies dans lesquelles nous avons des investissements [importants] », a-t-il affirmé vendredi lors d’une conférence téléphonique sur les résultats semestriels de la Caisse. Éclaboussés par des allégations de corruption, les deux fleurons de l’industrie attendent toujours d’être inscrits sur la « liste verte » de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Il s’agit désormais d’une condition sine qua non pour décrocher des contrats publics de plus de 40 millions de dollars au Québec.

L’étude des dossiers de SNC-Lavalin et de Genivar par l’AMF s’inscrit dans un « processus indépendant », a souligné M. Sabia, jugeant « inapproprié » tout commentaire de sa part à cet égard. SNC-Lavalin, « une société tellement importante », « traverse une période pas mal difficile maintenant », a-t-il concédé. « Mais comme je le dis toujours, il faut faire attention : on ne veut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. C’est une société pleine de potentiel », a-t-il poursuivi.

Le grand patron de la Caisse ne craint pas un retrait de la multinationale de Montréal si le marché québécois lui est verrouillé en raison de son éventuelle inscription à la « liste noire » de l’AMF. La direction ainsi que le conseil d’administration de SNC-Lavalin « comprennent bien l’importance d’être ici », a-t-il fait remarquer. « [SNC-Lavalin] va rester une société très importante ici à Montréal, au Québec, au Canada et dans le monde. [Elle va] continuer de contribuer de façon importante à la vitalité de Montréal. »

Les nouveaux président exécutif du conseil d’administration et président et chef de la direction de RONA, respectivement Robert Chevrier et Robert Sawyer, lui inspirent également « confiance », bien que le quincaillier ait encaissé une perte nette des activités poursuivies de 38,7 millions de dollars au dernier trimestre. M. Sabia a vanté la « qualité » de « ces deux gars-là » tout en demandant un peu de patience aux investisseurs et aux analystes. « Tu ne fais pas faire demi-tour à une compagnie en quelques mois. Ça prend du temps. C’est beaucoup de travail. […] Les marchés doivent donner le temps nécessaire aux personnes pour qu’elles accomplissent le travail qu’elles doivent accomplir. »

D’autre part, M. Sabia a accueilli avec un large sourire l’investissement de l’une des sociétés d’investissement de Warren Buffett dans Suncor Énergie, espérant que l’entrée en scène de Berkshire Hathaway Holdings va « tripler » ou « quadrupler » le prix des actions. M. Buffet a mis la main cette semaine sur 17,8 millions d’actions de l’exploitant du pétrole issu des sables bitumineux de l’Alberta. Tout en rigolant, M. Sabia a invité M. Buffet à investir dans les autres entreprises qui figurent dans le portefeuille de la Caisse.

Par ailleurs, la Caisse restera très attentive aux projets d’oléoducs et de gazoducs pilotés par notamment Enbridge et TCPL. « Il y a des changements très importants qui se passent actuellement en Amérique du Nord avec des sources d’énergie non traditionnelles. Ça soulève des questions très importantes sur la distribution de ces produits Nord-Sud, Sud-Nord, Est-Ouest, Ouest-Est, et l’orientation des infrastructures de distribution et de transport », a déclaré M. Sabia, soupçonnant que le secteur de l’énergie fait actuellement face à une « révolution ». « Est-ce que nous allons faire des investissements dans un projet x ou un projet y ? On verra. »

Au chapitre du transport ferroviaire de produits pétroliers, M. Sabia a insisté sur « l’importance, oui, de [la] performance financière [des compagnies ferroviaires dans lesquelles la Caisse a investi], mais également leur performance opérationnelle ». « Nous allons continuer de mettre l’accent sur ces dimensions de notre analyse de ces occasions d’investissement sur les chemins de fer », a-t-il fait observer, plus d’un mois après le déraillement du train de la Montreal, Maine Atlantic Railway (MMA) à Lac-Mégantic.

Rendement en hausse

Le rendement moyen pondéré des fonds des déposants de la Caisse de dépôt et placement du Québec s’est élevé à 4,5 % pour les six premiers mois de l’année 2013, éclipsant le rendement de son portefeuille de référence. Il s’agit d’un rendement « raisonnable » et « correct », a estimé M. Sabia. L’actif net de la Caisse a ainsi été porté à 185,9 milliards, en hausse de 9,7 milliards par rapport au 31 décembre 2012. Il explique les rendements par l’économie américaine « [performant] mieux que ce qui était anticipé », l’Europe « [semble] avoir touché le fond » et la Chine paraît « déterminée à freiner la croissance économique à 7 ou 7,5 % ». « Qui dit ralentissement de la croissance en Chine dit aussi réduction du prix des matières premières, ce qui explique en partie la croissance plus faible de l’économie canadienne. »

Au 30 juin 2013, le rendement annuel moyen sur quatre ans de la Caisse a atteint 10,5 %, générant des résultats de placement nets de 58,5 milliards de dollars.

La Régie des rentes du Québec (RRQ) affiche un rendement de 5,5 % sur les six premiers mois de l’année. En guise de comparaison, le Régime de pension du Canada (RPC) a crû de 4,5 % durant la même période. « C’est excessivement difficile de faire des comparaisons entre un fonds comme la Caisse […] et chacun des autres parce que la mission est différente, la culture du passif est différente… », a mis en garde M. Sabia.

La progression de 7,8 milliards des placements nets est attribuable à des hausses de 6,3 milliards des considérations d’équité et de 1,7 milliard des placements sensibles à l’inflation de même qu’un recul de 600 millions des revenus fixes. La marche arrière des revenus fixes s’explique essentiellement par la hausse des taux d’intérêt. « On a eu 10 % de rendement annuel en trente ans. On n’aura pas ça, c’est sûr dans les 10 ans qui viennent, mais les vertus du revenu fixe, elles sont toujours là », a indiqué le premier vice-président et chef des Placements, Roland Lescure. Le revenu fixe est « peu risqué », « bien aligné avec le passif de nos déposants » et « liquide ». « En revanche, le rendement, il va falloir aller le chercher ailleurs », a-t-il ajouté, pointant notamment le portefeuille Actions Qualité mondiale. Celui-ci est à la fois « un peu plus risqué » et « un peu plus rentable » que du revenu fixe. « Ce sont des grandes entreprises très visibles, presque ennuyeuses, très exposées à la croissance mondiale. […] Et puis, il y a toute la stratégie de déploiement dans les portefeuilles liquides. Pour nous, c’est la réponse pour aller chercher du rendement. »

Le coup d’envoi du portefeuille Actions Qualité mondiale, dont l’actif représente près de 9,5 milliards, a tiré vers le haut le rendement semestriel de la Caisse. « Ça s’est amorcé très bien, très bien, durant la première moitié de l’année. Mais il est un peu tôt pour déclarer victoire, après seulement six mois », a souligné M. Sabia.


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