J’aimerais offrir une lecture totalement différente de celle qu’offrent les médias des derniers événements au Québec. La manifestation de Québec ne me semble pas exactement être une « manifestation citoyenne », comme le relatent si bêtement les journaux. Bien au contraire, cette manifestation, appuyée par les dites radio-poubelles, TVA et ainsi de suite, laissent penser qu’il y a anguille sous roche.
Corus entertainment, par exemple, dont le Conseil d’administration est à 90% anglophone, dont le PDG est anglophone et dont le vice-président de Corus Québec est Mario Cecchini, n’est pas exactement indépendantiste… L’organisateur (supposé) de la manifestation, Martin d’Anjou, consultant média, est probablement fédéraliste ou sinon, adéquiste. Ce qui, tout compte fait, est la même chose.
Le discours des animateurs de radio-poubelle et, plus subtilement, celui du site colrouges.ca, s’attaquent à l’impôt. Un peu comme le Tea Party américain, dont l’une des figures de proue est Sarah Palin, ces gens sont à la droite de la droite. Mais ils sont habiles. Ils savent qu’ils sont au Québec. D’ailleurs, ils n’ont pas à présenter d’idéologie: ils se disent « non-partisan » et ne font que cueillir la grogne anti-Charest.
Voici donc ma lecture des évènements : Desmarais veut que Charest tombe, et Charest, en bon mouton, joue le jeu. Le budget, quand on y pense, est fait sur mesure pour provoquer un mouvement populaire au Québec. Mais voici que le même jour où les indépendantistes avaient prévu une manif contre la loi 104, à Montréal, la droite de la droite leur coupe l’herbe sous le pied, avec la complicité des médias commerciaux, et organise une manifestation monstre à Québec.
Cela voudrait dire que le plan de notre oligarque favori est de faire tomber Charest, qui en est à son troisième mandat, qui est trop usé. Mais ne voulant pas alimenter la gauche, au lieu, il oppose au gouvernement de droite un mouvement populiste d’extrême-droite. Et alors, si Charest démissionne, l’oligarchie ne perdra pas la face : la droite de la droite pourra crier victoire et, le successeur de Charest à la tête du PLQ, Bachand, ou un autre, aura deux ou trois ans pour tout faire oublier.
La mafia
Évidemment, il y a aussi une autre chose… qui est loin d’être mineure, car il s’agit du talon d’Achille de ce mouvement : la mafia. Charest était totalement sali par le scandale de la corruption mafieuse à la ville de Montréal. En provoquant de grands rassemblements qui, notons-le en soulignant en gras, ne parlent pas de la mafia, ni de la corruption, il détourne habillement l’attention de ce problème, bien qu’il est intrinsèquement lié au problème budgétaire – après tout, la coupure la plus efficace, ce serait dans le financement par le régime de la mafia…
Il serait complètement naïf de croire que Charest, déjà bas dans les sondages, ne savait pas ce qui allait se passer avec un tel budget. Il a même donné, comme si c’était par exprès, une raison à tous et chacun de s’insurger contre le gouvernement : un peu à la santé, un peu aux étudiants, un peu pour l’hydro, un peu ici, et un peu là. Pensons-y bien : on est au Québec. C’est gens ont des conseillers. Ils ont des années d’expérience derrière eux. Croyaient-ils vraiment nous passer un tel sapin ? Non, ils savaient qu’il ne passerait pas.
Et avec les médias de leur côté, il est aisé d’orchestrer un mouvement de masse : tout le monde écoute la radio-poubelle. Martin d’Anjou est même passé à la télé (cliquer en bas : « TVA en direct »), où l’on a donné le plan de la manif. Dites-vous bien, lorsque vous organisez une manif, que vous soyez de sensibilité culturelle (ex. loi 104, français, etc.) ou sociale (ex. syndicat, écologistes, etc.), est-ce que vous, vous passez dans les médias avant pour expliquer pendant quelques minutes le concept et le plan de votre manif ?!?
La droite, donc, est un train de développer l’art de prendre la rue, un espace qui était, auparavant, traditionnellement, réservé à la gauche. Le Tea Party le fait et, maintenant, leurs pairs au Québec le font. Il s’agit d’une évolution intéressante, à certains égards, mais qui questionne aussi la gauche, et ses stratégies habituelles. La gauche s’est-elle enchâssée dans sa position protestataire. Faut-il qu’elle apprenne à gérer le pouvoir ? Je dirais bien que oui.
Bref, il faudra garder un œil attentif, sur ces groupements, mais en plus, il faudra agir. C’est le seul moyen de contrecarrer l’action de tels groupes qui revirent habilement la population contre l’État, le peuple contre ses propres services. Il faut les combattre.
Peut-être que j’hallucine complètement. Mais j’ai bien l’impression qu’on est en train de se faire passer un gros sapin. Je vous pose donc la question, aux lecteurs de Vigile, qu’en pensez-vous ?