La Maison de la littérature a choisi d'annuler une discussion sur la diaspora arabe, à laquelle devait participer l'essayiste et militante Djemila Benhabib, par crainte d'indisposer la communauté musulmane de Québec, encore sous le choc de la fusillade survenue au Centre culturel islamique.
Les auteurs d’origine algérienne Aziz Farès et Salah El Khalfa Beddiari avaient été invités à parler de la littérature et de la vie culturelle de la diaspora arabe dimanche prochain. La discussion devait être suivie par une rencontre avec Mme Benhabib. Plusieurs sujets, dont la laïcité et l'intégration des immigrants, devaient être abordés.
Or, à la suite de l’attentat survenu à la grande mosquée, Salah El Khalfa Beddiari a décidé d’annuler sa participation à l’événement. Il craint que les positions de Mme Benhabib sur l’islam ne prennent trop d’importance et provoquent un malaise au sein de la communauté musulmane.
« Juste le fait qu’il y ait une discussion maintenant avec ce contenu-là, par rapport à ce qui s’est passé à Québec, je pense que c’est un peu déplacé et c’est un peu indécent. Ce sont des mots [que j’ai entendus dans] la communauté musulmane ici à Québec », explique le lauréat de la résidence d’écriture Exil et liberté.
Salah El Khalfa Beddiari Photo : Radio-Canada
Salah El Khalfa Beddiari ajoute que les positions tranchées de Djemila Benhabib sur l’islam vont éclipser « d’autres problèmes beaucoup plus importants » que vivent, selon lui, les membres de la communauté musulmane de Québec tels que la précarité et le chômage.
Je ne veux pas parler maintenant d’islamisme quand il y a quelque chose qui est arrivé contre des musulmans ici à Québec. Et on ne va pas taper encore sur une minorité sans fin. Quelle est la finalité de ça?
« Attiser la colère »
La Maison de la littérature s’est rangée aux arguments de son écrivain en résidence et a décidé d'annuler la rencontre prévue dimanche prochain. Son directeur, Bernard Gilbert, se défend de vouloir éviter le débat sur la laïcité et les questions liées au vivre-ensemble.
« On ne veut pas abandonner ces questions-là, mais on avait le sentiment qu’attiser des sentiments, peut-être, de colère, que la communauté musulmane ressente cette activité-là comme un affront au deuil qu’elle est en train de vivre. Moi, ç’a suffi tout à fait pour prendre la décision », raconte M. Gilbert.
Le directeur de la Maison de la littérature, Bernard Gilbert Photo : Radio-Canada
Un débat d’actualité
Les deux autres participants à l’événement ne voient toutefois pas les choses de la même façon. Ils reconnaissent que les questions liées à la laïcité et à l’intégration des immigrants de confession musulmane sont sensibles, mais soutiennent qu’elles ne doivent pas être balayées sous le tapis pour autant.
« Je peux entendre ces arguments-là. Je les conçois, mais toujours est-il que le débat [sur la laïcité] à l’Assemblée nationale a repris et je ne vois pas pourquoi est-ce que le débat ne devrait pas aussi reprendre dans une maison de littérature », a affirmé Djemila Benhabib.
J’ai pris la parole à Bruxelles, j’ai pris la parole à Paris, j’ai pris la parole à Nice. Bref, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas le faire à Québec.
Djemila Benhabib Photo : Radio-Canada/Radio-Canada/Olivier Lalande
L’écrivain Aziz Farès abonde dans le même sens que l'auteure de Ma vie à contre-Coran. « C’est le moment d’en parler parce que c’est une problématique qui nous touche, qui nous concerne et qui est d’actualité. C’est aujourd’hui qu’il faut en parler. Ça, c’est important », insiste M. Farès.
La Maison de la littérature affirme que la discussion qui était prévue dimanche prochain pourrait être reportée à l’automne.
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