Un jugement problématique

ECR - le cas du Collège Loyola

Un récent jugement concernant une demande de dérogation pour le cours Éthique et culture religieuse a reçu un verdict favorable. Selon le jugement Dugré, le cours d'enseignement religieux proposé par le collège Loyola, bien que s'inscrivant dans une perspective confessionnelle, équivaut au cours ECR, lequel prône une approche culturelle. Il s'avère difficile de saisir en quoi une orientation confessionnelle peut s'avérer équivalente à une approche culturelle, même si un programme confessionnel peut prétendre poursuivre les mêmes objectifs que le programme ECR.
Pour illustrer la distinction entre les deux approches, un exemple s'impose. Une dimension culturelle formulerait une croyance religieuse en ces termes: «Les chrétiens croient que Jésus de Nazareth est le fils d'un Dieu trinitaire et que ce Dieu a ressuscité Jésus après sa mort par crucifixion.» Une approche confessionnelle préconiserait cette expression: «Comme personnes croyantes, nous partageons la conviction que Jésus de Nazareth est le fils d'un Dieu trinitaire. Nous croyons que Dieu l'a ressuscité.» La différence fondamentale saute aux yeux. Autrement dit, même si le collège Loyola propose un cours ECR qui se veut équivalent, le filtre catholique ne colorera-t-il pas toujours les éléments proposés? Les autres croyances, l'éthique et le dialogue, seront-ils constamment évalués à l'aune de la doctrine religieuse catholique? Et est-ce que cela se fera selon une approche absolutiste, voire intégriste et fondamentaliste?
Des enjeux
Le jugement Dugré suscite un débat fondamental. Ne met-il pas en place les conditions d'un véritable relativisme où les croyances religieuses et la méthode scientifique, notamment en sciences humaines, dont les sciences religieuses, sont situées sur un même plan épistémologique? Cette tendance, attestée aux États-Unis, réduit la méthode scientifique à un simple regard tout aussi valable en matière de connaissances factuelles que les croyances religieuses!
Un autre enjeu est également soulevé: les enfants ont-ils la possibilité de découvrir autre chose — condition essentielle à la formation de l'esprit critique — que ce que leurs parents souhaitent leur transmettre? Dans cette perspective, le jugement Dugré ne risque-t-il pas d'occasionner une dérive potentiellement dangereuse pour l'ensemble de la société?
Ce jugement ouvre la porte aux contestations judiciaires de n'importe quel élément du Régime pédagogique qui contredirait certaines mentalités religieuses (comme la théorie de l'évolution dans les cours de biologie et celle sur la formation de l'univers dans les cours de physique, etc.). Même si le ministère de l'Éducation ne conservait que le volet éthique, celui-ci pourrait aussi faire l'objet de contestations dans le cas où certains parents seraient en désaccord avec la réflexion critique qui y est proposée. Je partage donc les craintes de madame Marie-Michèle Poisson, présidente du Mouvement laïque, et de monsieur Georges Leroux, professeur émérite à l'UQAM, concernant le jugement Dugré.
Partisan du modèle de laïcité de reconnaissance, j'estime que la décision gouvernementale d'interjeter appel m'apparaît fondée puisqu'une brèche dans la laïcité et la sécularité de notre société pourrait conduire éventuellement à l'érosion du droit fondamental de la liberté de conscience pour toutes et tous.
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Patrice Perreault, Bibliste


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