Séjour à l'hôtel de 3000 $, bonnes bouteilles, spectacle de Madonna : comme ancien président du Comité exécutif de la Ville de Montréal et comme maire d'arrondissement, Claude Dauphin aurait abusé de ses fonctions en acceptant d'être couvert de cadeaux par des entrepreneurs à qui il accordait des millions de dollars en contrats publics, selon la preuve amassée par l'Unité permanente anticorruption (UPAC) dans le cadre d'une enquête pour fraude, abus de confiance et corruption dans les affaires municipales.
«Les infractions ont été commises entre le 16 mai 2007 et le 9 septembre 2009 par Claude Dauphin, maire de l'arrondissement de Lachine», lit-on dans une nouvelle déclaration assermentée d'un enquêteur affecté au projet Fronde, une vaste enquête de l'UPAC sur divers soupçons de corruption à Montréal pendant le règne de l'ancien maire Gérald Tremblay.
Le document, daté du 18 août dernier, visait à justifier une perquisition au chic hôtel Quintessence de Mont-Tremblant, où M. Dauphin ainsi qu'un autre ancien président du comité exécutif, Frank Zampino, auraient séjourné aux frais de l'entrepreneur Paolo Catania. La Presse a récemment obtenu copie du document au palais de justice de Montréal. Les allégations des policiers n'ont pas été testées en cour, et aucune accusation n'a été déposée à ce stade dans le dossier.
Un ex-DG dénonce
Les prétentions des policiers s'appuient sur plusieurs documents saisis lors de perquisitions précédentes, mais aussi sur plusieurs témoins qui accablent Claude Dauphin. L'un d'eux est Claude Léger, directeur général de la Ville de Montréal de 2006 à 2009, qui avait témoigné à la commission Charbonneau à ce sujet et a répété la même chose à l'UPAC.
Il affirme qu'en juillet 2008, à peine une semaine après avoir été nommé président du Comité exécutif, Claude Dauphin est venu le voir à son bureau pour lui remettre une liste écrite de firmes. «Claude Léger a dit à Claude Dauphin qu'il ne toucherait pas à ça. Claude Dauphin a rétorqué à Claude Léger que ça faisait partie de son rôle de lui demander ça», résume le policier de l'UPAC. M. Dauphin a déjà formellement nié avoir tenu de tels propos.
Mais M. Léger n'est pas seul à alimenter l'UPAC. Rencontrée séparément par les enquêteurs, Jocelyne Dragon, directrice générale de l'arrondissement de Lachine de 2007 à 2008, a été encore plus directe au sujet de M. Dauphin, qui est maire de Lachine depuis 2005.
Elle raconte comment il demandait que ses connaissances chez les entrepreneurs soient traitées en «VIP» (l'expression était de lui, dit-elle). Un rapport interne de la Ville de Montréal rédigé en 2012 avait déjà fait état de l'utilisation de cette expression par M. Dauphin. Selon Mme Dragon, la liste des «VIP» comprenait les hommes d'affaires Franco Minicucci, Paolo Catania et Tony Magi, tous accusés au criminel depuis.
M. Magi, qui avait été victime d'un kidnapping en 2005 puis d'une tentative de meurtre en 2008, a été décrit par le SPVM ces dernières années comme « lié de près aux derniers événements impliquant le crime organisé » à Montréal. En 2009, il a avoué à The Gazette qu'il était partenaire d'affaires avec le fils du parrain de la mafia, Vito Rizzuto.
Laisser la facture aux autres
Rosaire Sauriol, ancien responsable du développement des affaires pour la firme de génie Dessau, a quant à lui raconté à l'UPAC avoir fait du financement politique pour M. Dauphin «car il voulait demeurer un fournisseur de l'arrondissement Lachine». Il a aussi expliqué que Claude Dauphin «n'a jamais payé de facture lors de leurs rencontres».
Et des rencontres entre les deux hommes, il y en avait : l'agenda de Sauriol, obtenu par la police, évoque des repas dans divers restaurants, des rondes de golf, des parties de hockey et un spectacle de Madonna dans une loge du Centre Bell. M. Sauriol a parlé à la police contre l'assurance que ses propos ne seraient pas utilisés pour l'accuser lui-même.
L'ancienne directrice générale de Lachine a expliqué aux policiers que Claude Dauphin lui avait présenté l'entrepreneur Paolo Catania comme un «ami». M. Catania est présentement accusé de fraude dans le cadre de l'affaire du Faubourg Contrecoeur, où il avait mis la main sur un énorme terrain de la Ville pour une fraction de sa valeur.
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