Devant les jeunes caquistes, le premier ministre François Legault a déclaré le projet souverainiste révolu. En lieu et place, il propose un nationalisme s’inspirant à la fois du libéral cosmopolite Jean Lesage et de l’ultraconservateur et très canadien-français Maurice Duplessis. Une combinaison étonnante, mais qui s’explique.
Le nationalisme de M. Legault est en effet axé sur la majorité francophone. Il se veut aussi plus revendicateur face au Canada tout en acceptant d’y demeurer quoi qu’il arrive. Cette vision ne tient pas du hasard. Elle est le fruit d’une dynamique politique en transition depuis 25 ans.
Malgré la quasi-victoire du Oui au référendum de 1995, il est vrai que l’idée d’un Québec indépendant n’a cessé de péricliter. S’en est suivie la chute graduelle du Parti québécois et celle, plus lente encore, du PLQ. Incapable de répondre au recul du souverainisme en puisant dans leurs propres racines nationalistes, les libéraux ont commis l’erreur de s’engouffrer dans un fédéralisme trop docile.
Refuge
Peu à peu, le pays rêvé des Lévesque et Parizeau s’est effacé. Idem pour le « Québec fort dans un Canada uni » des Lesage et Bourassa. Le Québec est redevenu simple province. Dans ce morne paysage, la CAQ a pris des airs soudains de refuge. Au pouvoir, elle coalise en effet nombre d’ex-péquistes et d’ex-libéraux en quête d’une nouvelle famille politique.
Le nationalisme postsouverainiste de la CAQ, même s’il est encore flou, les cimente. Ses politiques sociales étonnamment humanistes font le reste. Même les jeunes caquistes se démarquent de leur génération indifférente au sort du français. Ils proposent l’excellente idée de créer (enfin) un poste de commissaire à la langue française indépendant du pouvoir politique. Bravo.
Dans ce même retour du « nationalisme », il manque pourtant un certain principe de réalité. Le choix de demeurer une province est certes légitime, mais il n’est pas sans risque. Il faut savoir qu’au Canada, l’humeur n’est plus à « accommoder » le Québec depuis longtemps. C’est un fait objectif.
Ironie
Depuis l’échec de l’Accord du lac Meech en 1990 et la victoire serrée du Non en 1995, le rapport de forces du Québec a fondu comme neige au soleil. Ironiquement, c’est l’agonie même du projet souverainiste dont on fait aujourd’hui le constat pour justifier le retour à un nationalisme plus « pragmatique » qui, dans les faits, a asséné le coup fatal à ce fameux rapport de forces déjà amoché.
Traduction : sans « menace séparatiste » à contrer, le pouvoir fédéral n’a plus la moindre motivation à tenter d’accommoder le Québec sur quoi que ce soit de substantiel politiquement parlant. Hormis pour les grandes séductions passagères aux élections fédérales, le Québec n’est plus qu’un bassin de votes atomisés et non pas un « partenaire » dans la fédération.
Dans cette nouvelle ère postsouverainiste, le mariage du Québec et du Canada tient le coup, mais les deux conjoints, sans trop l’ébruiter, font chambre à part. Pour le Québec, le vrai problème est qu’il n’a plus accès aux clés de la maison ni aux décisions concernant son aménagement.