Un Merlebleu s'est envolé

Une autre qui ne connaîtra pas le Pays

Tribune libre

Plus vrai que le départ du Quetzal Dominic Desroches du site Vigile en 2009, Merlebleu, ma compagne de retraite, s'est envolée. Même le cancer n'a jamais vaincu son moral.

Depuis 15 ans, nous avons parcouru ensemble l'Amérique et l'Europe, en "camper" nommé Le Sérail, en train, en avion. Dès le début, nous avons partagé l'observation des Parulines à Pointe Pelée sur le Lac Érié. Agathe adopta le Merlebleu comme pseudonyme sur T, sur f et parfois sur Vigile.

Depuis longtemps amoureuse de Montréal, elle ne se laissa pas abattre par la déshérence de la ville, pas plus que par la démolition lente du Québec.Merlebleu arpentait sa ville en trouvant de beaux sites à photographier, pour les diffuser sur la toile.

Nous sommes nombreux à avoir été entraînés par elle pour le Tour de Nuit cycliste annuel. Patins roulants, glissants, ski, même, comme bravade, à la fin. Le Dîner en blanc l'excitait. Les terrasses qu'elle affectionnait aux premiers rayons du printemps l'incommodaient quand même un peu par la fumée, qu'elle produisit jadis sans retenue, et qui finit par lui coûter sa vessie...

Pour défier la mort, aux derniers jours, elle s'évada de ses tubulures médicales, toutes familières par sa profession d'infirmière, pour aller liquider vélo, auto, condo, des choix méticuleux de consommatrice éclairée.

Ces gens-là ne sont pas vaincus par le cancer: ils sont temporairement déviés de leur route. Comme disait Julien Clerc, n'aura plus jamais mal, plus jamais froid. Elle vole, elle vole...

Ne soyons pas trop tristes. Comme le Quetzal revient parfois, Merlebleu, on la sentira passer souvent comme un souffle. C'est ainsi que l'énigmatique abbé Raymond Gravel décrivait Dieu.

Squared

Ouhgo (Hugues) St-Pierre196 articles

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Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latinos nouveaux arrivés. Exploration physique de la francophonie en Amérique : Fransaskois, Acadiens, Franco-Américains de N.-Angl., Cajuns Louisiane à BatonRouge. Échanges professoraux avec la France. Plusieurs décennies de vie de réflexion sur la lutte des peuples opprimés.





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7 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    27 octobre 2015

    Marcel, tu as raison...parmi nous pour toujours!
    Mais comme aînés de la résistance, nous serons bientôt plus nombreux dans la Stratosphère que sur la Terre.
    J'ai parfois des élans d'espoir envers la jeunesse qui n'a jamais entendu parler de liberté. Je leur offre en lecture les textes de Simon-Pierre Savard-Tremblay, qui n'a appris de la Révolution tranquille que par sa curiosité historique, mais qui peut expliquer la raison et la passion du Québec mieux que nous tous. L'intérêt des grands ados retourne vite à leurs "ténébreux bidules".

  • Marcel Haché Répondre

    27 octobre 2015

    Le Pays, c’est un sentiment. La Fidélité n’est pas un vain mot. Merlebleu et VINCENT sont parmi nous pour toujours.
    Cette Flamme qui semble vaciller parfois, Ouhgo, cette flamme n’est pas près de s’éteindre…

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    26 octobre 2015

    Ce billet, qui peut sembler du facebook endimanché, parle pourtant de l'âme québécoise vibrante. Vingt ans après qu'on ait cru visser l'avenir du peuple sous un faux "non" à nous-mêmes, des mères de fils, de filles, de descendance en désarroi, leur laissent la place, pour que l'horizon leur apparaisse plus net. Une génération en réaction à l'oeuvre des parents s'ouvre souvent au besoin de la compléter dès que le corps s'éclipse. Il est, paraît-il des ados confinés au sous-sol, centrés sur leurs ténébreux bidules, qui éclosent en ingénieux entrepreneurs dès que l'autorité paternelle s'efface.
    Un merlebleu peut paraître anodin... mais il peut dépasser en influence l'envergure du Condor des Andes. Agathe a marché des journées entières en Argentine, à la quête de la quebrada où les mères apprenaient le haut vol à leurs condoritos. Puisse son correspondant Ricardo de là-haut la retrouver ici.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    23 octobre 2015

    Merci, Chantal, de compléter. Voilà ce que c'était, en effet: un pacte de soins mutuels. Et elle a gagné, sans trop maudire ce coquin de sort. Mais son sourire, même tiédi, me payait au centuple. Me reste la distraction, au sens de Blaise Pascal.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 octobre 2015

    Quel mot touchant et inspiré Hugues ! C'est tout à fait Agathe que tu décris. J'ai souvenir aussi d'Agathe militante, rencontrée parfois par hasard dans les manifs, dans les rues de Montréal ! C'est vraiment super que vous ayez partagé tous ces voyages, tous ces beaux moments. Et j'ai souvenir d'Agathe, assise sur le divan, dans ton condo, il y a quelques semaines, où elle racontait votre voyage au Mexique, vos folies, vos bonheurs et découvertes ... Et j'ai souvenir d'un être extraordinaire, qui a pris si bien soin de sa compagne. Je compatis à ta peine, Hugues.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    23 octobre 2015

    Marie-Hélène, vous me tirez les larmes.
    Ces jours-ci, ce souffle, à mes oreilles, hurle en vacarme!

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    23 octobre 2015

    Très peinée d’apprendre le bien triste départ d’Agathe.. Elle n’avait fait que passer au Pan Perdu, chez nous dans nos collines, mais son souvenir reste fort. Je guetterai bien souvent en pensant à elle le souffle de Merlebleu.