Ces dernières semaines, au Canada anglais, on s’est demandé si le prochain chef du Parti conservateur devait absolument parler français.
Le simple fait de poser la question était symptomatique de l’exaspération de bien des anglophones qui voient dans le bilinguisme officiel à Ottawa une contrainte héritée d’un autre temps. Pour eux, le Canada est un pays anglais qui doit s’assumer comme tel. Et dans la mesure où ils ne voient plus (ou n’ont jamais vu) les Québécois comme un peuple fondateur, mais comme une minorité ethnique parmi d’autres, ils se demandent bien pourquoi leur langue disposerait d’un statut particulier.
Ottawa
Mais cette querelle avait aussi quelque chose d’artificiel. Car il suffit de regarder le cabinet de Justin Trudeau pour constater que le français y est traité comme un bibelot. De même, dans l’administration fédérale, le français n’est certainement pas la langue de la promotion sociale.
Quand je pense à nos fédéralistes, ils me font pitié. Ils s’accrochent à une vision du Canada à laquelle ils sont les seuls à croire. Ils incarnent l’amour unilatéral. Ils chantent un Canada qui les traite comme des valets. Le Canada est un pays anglais et il le sera de plus en plus. La démographie finit toujours par imposer sa loi à la politique.
Déplaçons le projecteur. Ce qui est plus inquiétant, c’est le basculement progressif de l’idéal d’un Québec français à un Québec bilingue.
Il faut dire que pendant 20 ans, le discours officiel se voulait rassurant. Maintenant, la réalité nous frappe en plein visage.
Dans un entretien qu’il m’accordait récemment sur mon blogue, le chercheur indépendant en démographie linguistique Frédéric Lacroix disait de la situation qu’elle était « catastrophique ».
Récemment, il nous apprenait aussi dans les pages de L’Aut’Journal que nos propres institutions travaillent à notre anglicisation. Le cégep de la Gaspésie et des Îles, par exemple, a ouvert un campus exclusivement anglophone à Montréal pour servir une clientèle qualifiée d’internationale. Nous sommes témoins d’un retournement des institutions publiques québécoises contre la langue française. On pourrait parler de la démission de nos élites. À moins qu’on ne parle plus clairement de trahison.
L’État québécois œuvre à notre anglicisation. Il n’est pas nécessaire, au Québec, d’apprendre la langue de la société d’accueil pour profiter des services publics. À Montréal, le français devient une langue étrangère — au mieux, une langue seconde, vaguement méprisée. Un Québec bilingue aujourd’hui, c’est un Québec anglais demain.
Trahison
Deux éminents juristes, Guillaume Rousseau et François Côté, viennent de publier un ouvrage essentiel sur la question : Restaurer le français langue officielle. Ils jugent nécessaire que le Québec fasse un geste d’affirmation nationale pour établir clairement que le français est notre langue commune, et non pas une langue sur deux.
Les nationalistes ont une responsabilité immense. Le gouvernement Legault doit décréter à sa manière l’urgence linguistique. Le PQ doit faire de l’avenir du français un thème central de sa course à la chefferie.
Et nous devons rappeler que la seule manière d’assurer la survie du français au Québec, c’est l’indépendance.