Après tout, quand on promeut un mode de scrutin proportionnel au nom de l’idéal démocratique, il serait normal de pousser la logique jusqu’au bout en demandant aux citoyens s’ils sont pour ou contre, non?
Si un tel référendum n’est pas prévu, c’est entre autres parce que ses thuriféraires craignent que le résultat soit négatif, que l’idée d’un référendum sur un «mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire avec compensation nationale et distribution régionale» — désolé, c’est son nom — ne soit pas appuyée par une majorité de Québécois.
Parmi ses partisans les plus chauds, le Mouvement Démocratie Nouvelle et Québec solidaire rejetteraient sans doute l’affirmation voulant que c’est en raison de cette crainte qu’ils s’opposent à l’organisation d’un référendum sur cette question. Mais le fait est qu’ils s’y opposent.
Tous les partisans d’un tel projet craignent toujours qu’en dernière analyse la complexité ou l’apparence de complexité d’un mode de scrutin où l’on élirait des députés de circonscription et des «députés de liste» rebute une majorité de citoyens.
Voilà pourquoi, même si c’est paradoxal, il n’est pas envisagé au Québec que le passage d’un mode de scrutin à un autre passe à travers les mailles d’un référendum.
Avantages indéniables
Les avantages d’un système proportionnel sont indéniables : il permettrait de réduire les distorsions entre les votes des électeurs et la composition de l’Assemblée nationale; il obligerait les groupes parlementaires à travailler différemment. Et pourrait même les forcer à davantage de collaboration.
Que le gouvernement de François Legault n’envisage pas de référendum là-dessus est néanmoins étonnant. Et ce, parce que même s’il s’est engagé à présenter un projet de loi ad hoc d’ici le mois d’octobre — ce qu’il fera —, il demeure au fond sceptique sur la pertinence de changer de mode de scrutin. En coulisse, tous les caquistes n’envisagent pas la chose avec le même enthousiasme.
L’illogisme à l’illogisme
Pourquoi le gouvernement Legault ne se prononce-t-il pas alors en faveur de la tenue d’un référendum sur cette question? Tout simplement parce qu’il ferait face à une levée de boucliers des partisans du projet — et ils sont nombreux à pouvoir donner de la voix dans les médias.
S’il se prononçait pour la tenue d’un référendum, il se ferait aussitôt accuser de chercher à couler le projet; à ne pas en vouloir, au fond.
Pire encore pour lui : il se ferait accuser de faire indirectement ce que le premier ministre Justin Trudeau a fait directement sur la scène fédérale, soit de jeter son engagement électoral aux oubliettes.
Et certains au gouvernement Legault savent de toute façon qu’il existe des moyens plus subtils de mettre éventuellement à mal le projet, s’il le fallait. Par exemple, en menant une large et longue consultation publique à travers le Québec sans jamais s’engager formellement à ce que le changement soit en vigueur dès les prochaines élections générales…
Ou en élaborant des modalités telles que le degré de proportionnalité serait en fin de compte ténu; autrement dit, en optant pour un mode de scrutin proportionnel qui en aurait finalement plus l’apparence que les attributs...
Une conclusion s’impose : puisque ni la Coalition avenir Québec, ni Québec solidaire, ni le Parti québécois ne veulent de référendum sur cette question, au moins qu’ils ne nous disent pas, à un moment ou l’autre, qu’il faudrait ouvrir la voie à des référendums d’initiative populaire sur différents sujets d’intérêt public. Ils ajouteraient alors l’illogisme à l’illogisme.