Un spécialiste US notoire du changement de régime cible le dirigeant hongrois Orban

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Viktor Orban dans le collimateur de la CIA

Le titre original de cet article était : « La carrière malhonnête du remarquable Srđa Popović »


Le 8 septembre, le spécialiste professionnel du changement de régime, Srđa Popović, est venu à Budapest et s’est joint aux groupes d’opposition anti-Orban devant le Parlement hongrois.


Il est clair que Popović n’était pas en ville pour promouvoir son livre hongrois sur le changement de régime non violent mais plutôt pour aider les partis anti-Orban avant les élections hongroises du printemps 2018.


Beaucoup en Hongrie sentent la main grasse du financier des changements de régime d’origine hongroise George Soros derrière l’apparition de Popović maintenant à Budapest.


Au delà de la réputation auto-fabriquée de « bon samaritain » qui auréole Srđa Popović, il est utile de regarder de plus près qui a parrainé sa remarquable carrière depuis qu’il a fondé une petite ONG d’opposition étudiante à Belgrade, appelée Otpor !, en 1998, avec son désormais célèbre logo au poing fermé.


La carrière de Srđa Popović, de 2000 à aujourd’hui, suggère un manipulateur remarquablement malhonnête, au service des agences de renseignement étrangères et des gouvernements, malgré ses dénégations véhémentes.


Otpor ! en Serbie


Popović a attiré l’attention internationale pour la première fois en tant que fondateur en 1998, de Otpor ! qui signifie Résistance ! en serbe, d’abord comme groupe de protestation des étudiants à l’Université de Belgrade, qui s’occupait des griefs des étudiants.


Cela allait bientôt changer.


Lui, et d’autres fondateurs d‘Optor !, ont été formés aux méthodes US de changement de régime par Gene Sharp, fondateur de l’Albert Einstein Institute, à Cambridge, dans le Massachusetts, spécialiste américain du coup d’État, et par l’ambassadeur US à Belgrade Richard Miles, et d’autres agents de renseignement américains entraînés, spécialistes en conception d’images de relations publiques.


Guidant l’opération d’éviction de Milošević, soutenue par Otpor !, l’ambassadeur des États-Unis en Serbie, Richard Miles, était spécialiste du changement de régime, bien plus que de la diplomatie classique.


Il a orchestré le coup d’État de la CIA en Azerbaïdjan, qui a amené Aliyev au pouvoir en 1993, avant d’arriver à Belgrade, et ensuite celui, toujours de la CIA, en Géorgie qui a porté au pouvoir Mikhaïl Saakachvili.


L’Agence américaine pour le développement international (USAID), largement connue comme l’antenne de la CIA, avait financé Otpor ! avec des millions de dollars par le biais d’entreprises commerciales et par des ONG subventionnées par le gouvernement américain : le National Endowment for Democracy (NED), le National Democratic Institute et l’International Republican Institute.


L’Open Society Institute de George Soros canalisait également de l’argent vers le mouvement Otpor ! de Popović pour le renversement de Milosevic.


Je n’ai pas encore trouvé de changement de régime organisé par la CIA et le département d’État américain, ou de Révolution de couleur, dans lesquels la fondation pour la « construction de la démocratie » de Soros n’était pas en phase avec les plans du Département d’État de Washington et de la CIA. Il s’agit peut-être juste d’une coïncidence.


Au début des années 1980, la NED et toutes ses filiales étaient un projet de Bill Casey, le chef de la CIA à l’époque de Ronald Reagan, pour dissimuler les opérations de changement de régime de la CIA dans le monde entier sous les auspices d’une ONG « privée » pour promouvoir la démocratie, la NED. Allen Weinstein, cofondateur de la NED a l’admis au Washington Post : « Beaucoup de ce que nous faisons aujourd’hui a déjà été fait secrètement il y a 25 ans par la CIA. »


Selon Michael Dobbs, qui était journaliste d’investigation étranger pour le Washington Post pendant l’éviction de Milosevic, l’International Republican Institute a payé Popović, et une douzaine d’autres dirigeants de Otpor ! pour assister à un séminaire de formation sur la résistance non violente à l’hôtel Hilton de Budapest en octobre 1999.


Popović et d’autres étudiants serbes triés sur le volet ont reçu une formation sur des sujets tels que l’organisation d’une grève et la façon de communiquer avec des symboles, tels que le poing fermé qui est devenu leur logo. Ils ont appris comment surmonter la peur et comment miner l’autorité d’un régime dictatorial.


Le principal conférencier à la réunion secrète de l’hôtel Hilton était l’associé de Gene Sharp, le colonel à la retraite de l’armée américaine Robert Helvey, un ancien analyste de la Defense Intelligence Agency qui a formé puis utilisé les activistes d’Otpor ! pour distribuer 70 000 exemplaires d’un manuel sur la résistance non violente en traduction serbe.


Helvey a travaillé avec Gene Sharp, fondateur du controversé Albert Einstein Institute, enseignant des techniques au gouvernement américain pour dissimuler ses coups d’États sous le couvert de la non-violence. Sharp était décrit par Helvey comme « le Clausewitz du mouvement de la non-violence », une référence au célèbre stratège militaire prussien.


Popović et son ONG Otpor ! ont reçu une part importante des 41 millions de dollars distribués par le gouvernement américain pour sa campagne de « construction de la démocratie » en Serbie.


Dobbs décrit l’implication des États-Unis :


« Derrière l’apparente spontanéité du soulèvement de rue qui a forcé Milošević à respecter les résultats d’une élection présidentielle très contestée le 24 septembre, une stratégie soigneusement étudiée par des militants démocrates serbes avec l’aide active de conseillers occidentaux et de sondeurs (…). Les consultants financés par les États-Unis ont joué un rôle crucial dans pratiquement toutes les facettes de l’opération, en organisant des sondages de suivi, en formant des milliers de militants de l’opposition et en aidant à organiser un décompte parallèle de votes d’une importance vitale. Les contribuables américains ont payé 5 000 bombes de peinture en aérosol utilisées par les étudiants militants pour griffonner des graffitis anti-Milošević sur des murs à travers toute la Serbie.


Pour résumer, Popović a commencé sa carrière de révolutionnaire en tant que spécialiste du changement de régime dans une opération financée par la CIA, le Département d’État américain, des ONG du gouvernement américain, dont l’infâme NED et l’Open Society Institute de George Soros. La question est de savoir ce qu’a fait Srđa Popović après son premier service utile à Washington en 2000.


Mondialisation des révolutions


Après avoir réussi à se débarrasser de Milosevic pour le compte de ses sponsors du gouvernement américain, Popović a créé une nouvelle organisation appelée CANVAS. Il a décidé de globaliser son modèle qui a si bien fonctionné à Belgrade en 2000 afin de se faire passer, au yeux du département d’État américain, pour une personnalité internationale indispensable à l’organisation d’un changement de régime prétendument démocratique.


Le CANVAS – Centre for Applied Nonviolent Action and Strategies – se présente comme non lucratif, et non gouvernemental avec la description suivante : « Établissement d’enseignement axé sur l’utilisation de conflits non-violents. »


Selon WikipediaCANVAS cherche à « éduquer les militants pros-démocratie à travers le monde dans ce qu’il considère comme des principes universels pour le succès dans la lutte non-violente ».


Popović et CANVAS affirment qu’au moins 50% du financement apparent  de cette activité philanthropique vient de l’allié de Popović à Optor !, Slobodan Đinović, coprésident de CANVAS et de l’ONG Otpor ! de Popović, et PDG de quelque chose appelé Orion Telecomà Belgrade.


Une recherche auprès de Standard & Poors Bloomberg ne révèle aucune information sur Orion Telecom, hormis le fait qu’elle est détenue à 100% par une holding cotée à Amsterdam appelée Greenhouse Telecommunications Holdings BV et que le même Slobodan Đinović est PDG d’une holding décrite uniquement comme fournissant « des services de télécommunication alternatifs dans les Balkans ».


Cela ressemble à une version business des célèbres poupées russes matriochka pour cacher quelque chose.


En laissant de côté la déclaration peu convaincante de Popović prétendant que la moitié des fonds de CANVAS provient de la générosité désintéressée de Dinovic et de son fabuleux succès en tant que PDG d’une entreprise de télécoms en Serbie, cela laisse l’autre 50% des fonds ignoré car Popović refuse d’en révéler l’origine,


Bien entendu, l’ONG de Washington est juridiquement privée, bien que ses fonds proviennent principalement de l’USAID. Bien sûr, les fondations Soros Open Society sont privées.


Est-ce que ce sont des clients privés de CANVAS ? Nous ne le saurons pas puisque Popović refuse de divulguer les informations de manière légalement vérifiable.


Il n’y a pas de frais pour les séminaires de CANVAS et son savoir-faire révolutionnaire peut être téléchargé gratuitement sur Internet.


Cette générosité, lorsqu’elle est rapprochée des pays dans lesquels CANVAS a formé des « activistes pros-démocratie » de l’opposition pour un changement de régime suggère que l’autre 50%, sinon plus, du financement de CANVAS provient de canaux qui conduisent au moins en partie au Département d’État américain et à la CIA.


Le Washington Freedom House, étroitement lié au lobby pro-guerre des néocons, et qui reçoit l’essentiel de ses fonds du gouvernement US, est connu pour avoir financé au moins une partie des activités de CANVAS. 


Cette dernière organisation prétend avoir formé des « militants pros-démocratie » dans plus de 50 pays, dont l’Ukraine, la Géorgie, le Zimbabwe, la Birmanie – en fait le nom légal depuis l’indépendance est le Myanmar, mais Washington insiste sur le nom colonial – l’Ukraine, la Géorgie, l’Érythrée, la Biélorussie, l’Azerbaïdjan, la Tunisie, l’Égypte et la Syrie.


Le CANVAS de Popović a également été impliqué dans des tentatives infructueuses de changement de régime lors de la Révolution de couleur contre Hugo Chavez au Venezuela, et dans l’échec de la Révolution verte en Iran en 2009.


Tous ces pays sont également des cibles pour le régime de Washington, leurs gouvernements refusant de suivre la ligne sur des questions clés de politique étrangère qui concernent des matières premières vitales telles que le pétrole, le gaz naturel ou les minéraux stratégiques.


Goldman Sachs et Stratfor


Des détails récents, encore plus intéressants, sont apparus concernant les liens intimes entre Stratfor, connu sous le nom de « CIA occulte » par ses clientes multinationales, dont Lockheed Martin, Northrop Grumman, Raytheon, et des agences gouvernementales américaines dont le Department of Homeland Security et la Defence Intelligence Agency.


Il a été révélé, en 2012, dans une énorme diffusion – quelque cinq millions d’emails – de mémos internes de Strafor dénichés par la communauté de hackers Anonymous, que Popović, après la création de CANVAS, entretenait également des relations très étroites avec Stratfor.


Selon les emails internes de Stratfor, Popović a travaillé pour Stratfor pour espionner des groupes d’opposition. La relation entre Popović et Stratfor était si intime qu’il avait fait travailler sa femme au sein de l’entreprise et avait invité plusieurs personnes de Stratfor à son mariage à Belgrade.


Également révélée par WikiLeaks, dans les mêmes emails de Stratfor,  se trouve l’information intrigante que l’une des poules aux œufs d’or de la mystérieuse CANVAS était une banque de Wall Street nommée Goldman Sachs.


Satter Muneer, un associé de Goldman Sachs, est cité par l’analyste de Stratfor à l’époque, spécialiste de l’Eurasie, Marko Papic. Papic, à qui un collègue de Strafor a demandé si Muneer était la poule aux œufs d’or finançant CANVAS, a répondu par écrit : « Ils ont plusieurs poules aux œufs d’or, je crois. Il est sûr que c’est l’une d’entre elles. »


Maintenant, le très remarquable M. Popović fait étalage de sa carrière malhonnête en Hongrie, où un démocrate très populaire – et non un dictateur – qui laisse choisir ses électeurs, est une cible pour le talent particulier de Popović agissant pour le compte du Département d’État US.


Cela ne sera pas du tout aussi facile que de renverser Milošević, même s’il a l’aide d’étudiants militants formés à l’Université d’Europe centrale de Soros, à Budapest.


F. William Engdahl est consultant en risques stratégiques et chargé de cours, il est diplômé en politique de l’Université de Princeton et il est un auteur à succès sur les sujets du pétrole et de la géopolitique, exclusivement pour le magazine en ligne New Eastern Outlook


Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone.


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Journaliste états-unien, spécialiste des questions énergétiques et géopolitiques. Dernier ouvrage paru en français : OGM : semences de destruction - L’arme de la faim (Jean-Cyrille Godefroy éd., 2008). Dernier ouvrage en anglais : Gods of Money : Wall Street and the Death of the American Century (2010).