Une légende : Paul Desmarais

Géopolitique — médiamensonges des élites

J'avais écrit l'an passé une chronique sur Paul Desmarais, le grand financier et Seigneur de Sagard. Elle n'a jamais été publiée parce que je contrevenais à une règle non écrite au sein de GESCA qui consistait à ne jamais critiquer le Grand Boss. La voici.
UNE LÉGENDE : PAUL DESMARAIS
Dans son édition du 26 juin dernier, la revue française Le Point nous présente Paul Desmarais en page couverture avec un titre louangeur en même temps qu’accrocheur : « Une Légende du Monde des Affaires parle ». Étant un lecteur assidu du Point, j’ai donc lu avec beaucoup d’intérêt l’entrevue que « la Légende » a bien voulu accorder à l’hebdomadaire français. À la fois captivant et… instructif!
D’abord, je dois vous citer un extrait de la présentation du personnage : « Viscéralement opposé aux séparatistes, il se dit profondément canadien. En économie, il se dit reaganien. Dans son immense propriété de Sagard, non loin de Chicoutimi, l’homme le plus riche du Québec reçoit les puissants de la planète. » Intéressant, n’est-ce pas? Alors, la prochaine fois que vous passerez par Sagard en direction de la Malbaie, vous pourrez toujours essayer de deviner quel est « le puissant de la planète » qui se trouve au Château! Il paraît que ça pourrait être tout aussi bien un Bush, où (sic) Clinton, où (sic) Sarkozy où (sic) encore quelques membres du Comité Central du Parti Communiste de la République Populaire de Chine! Et ça se passe à Sagard, pratiquement à côté de chez vous! Vraiment fabuleux, ne trouvez-vous pas?
Dans cette longue entrevue, M. Desmarais nous raconte son extraordinaire aventure d’homme d’affaires. Comment il a commencé, modestement, à Sudbury, dans le nord de l’Ontario. Et comment il a connu une ascension fulgurante, avec plein d’anecdotes pittoresques. Et aussi comment il a implanté son entreprise en Europe, aux Etats-Unis, en Asie. Il nous révèle qu’il a décidé d’aller faire des affaires en Chine après la lecture d’un livre de Pearl Buck, une romancière américaine, prix Nobel de littérature en 1938. Pas mal, non? Et il nous informe que son château de Sagard n’est pas inspiré de Versailles (comme aurait pu le penser un rural dans mon genre!), mais « d’une villa des environs de Venise », la Malcontenda de Palladio. C’est pas beau ça? Abordons maintenant deux éléments clés de son entrevue : son appartenance identitaire et sa vision politique.
Extrait de l’entrevue. « Vous sentez-vous Québécois? », lui demande le journaliste. « Mais pourquoi me posez-vous cette question? », lui réplique le milliardaire. « Parce que vous êtes né en Ontario », luis (sic) répond le journaliste. Retenez bien la réponse de M. Desmarais : « Je suis franco-ontarien de naissance. J’ai choisi le Québec pour y vivre. Je suis canadien. Le Canada, c’est mon pays. Le Québec, c’est ma province. » Voilà qui est d’une limpidité remarquable! Mais, en même temps, voilà une illustration éclatante de l’embrouillage identitaire qui caractérise le Québec depuis tant d’années. Lorsqu’on tente de décortiquer les attaches identitaires des habitants du Québec, on voit bien qu’ils se répartissent dans plusieurs catégories : des Québécois, des Canadiens, des Québécois surtout mais aussi Canadiens, des Canadiens d’abord mais également Québécois. Ce chaos identitaire engendre un déboussolement politique. Ne faisant pas consensus sur ce qu’on est, nous sommes forcément divisés sur la route à suivre et la destination. Paul Desmarais, lui, il est Canadien, uniquement et exclusivement. Et il n’est pas seul ainsi. Les 50% de citoyens qui ont voté Non au dernier référendum sont soit des Canadiens « pur jus », soit des Canadiens-Québécois, soit des Québécois-Canadiens…C’est pas mal mêlant!
Notez que ce phénomène de désordre identitaire n’est pas une exclusivité québécoise. Il se retrouve aussi ailleurs. Par exemple, il était très présent aux origines des Etats-Unis d’Amérique, alors qu’une proportion non négligeable des citoyens des colonies anglaises d’Amérique se considéraient d’abord et avant tout comme des Britanniques. Tellement que beaucoup d’entre eux-- qu’on désignait comme Loyalistes-- n’ont pas voulu vivre dans le nouveau pays, les Etats-Unis, et ont migré vers des territoires demeurés fidèles à la Couronne, c’est-à-dire … au Canada.
Quant (sic) on examine la vision politique de M. Desmarais, on quitte l’univers rationnel de l’homme d’affaires pour faire irruption dans un monde de sentiments et de passions. C’est un cri du cœur : « Si le Québec se sépare, ce sera la fin. Moi, je suis attaché à la liberté et à la démocratie. » On appelle cela de « petites phrases assassines » où (sic) des sous-entendus perfides et malveillants. Non seulement, pour M. Desmarais, un Québec souverain va entrer en agonie mais il ne sera ni libre ni démocratique. Il a tellement les séparatistes en horreur qu’il est inconcevable qu’ils puissent être aussi attachés que lui à la liberté et à la démocratie. Rappelons-nous que c’est une pareille aversion des souverainistes qui explique et justifie le Scandale des Commandites. Car tout est permis quand il s’agit d’écraser les infâmes qui veulent briser le Canada.
J’ai comme l’impression, connaissant l’opinion peu aimable que la Légende Desmarais a des vilains séparatistes, qu’il doit préféré inviter à son Château de Sagard des officiels communistes chinois plutôt que des saboteurs du Canada.
Jacques Brassard


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