Qu’on le veuille ou non, les étudiants font partie de l’équation.
De retour à l'université après 10 ans, ma rentrée s'est faite en plein débat sur la hausse des droits de scolarité. Ma position était alors nette: j'étais pour la hausse, contre la grève. Par contre, à la suite d'une analyse de la situation à l'émission Bazzo.tv par Paul St-Pierre Plamondon, mes sympathies ont changé de camp: je suis contre l'augmentation des droits de scolarité telle que formulée par le gouvernement, mais demeure toujours contre le moyen favorisé pour s'y opposer, c'est-à-dire la grève. Parce que ça ne fonctionne pas.
Ça ne fonctionne pas lorsqu'on évalue la problématique dans la durée et les résultats à ce jour. Cette problématique remonte à 1968: elle se pointe dans l'actualité tous les 2 à 9 ans lors de l'annonce d'une hausse des droits de scolarité et d'une riposte sous forme de menace de grève étudiante. En 2012: pour une neuvième fois, même scénario! Visiblement, on n'aborde pas la question par le bon bout, ou bien le moyen d'opposition n'est pas efficace. Neuf grèves! Et de sévères hausses des droits de scolarité pendant les armistices... Donc nous ne nous battons pas pour faire reculer les hausses de droits de scolarité, mais simplement pour contrer la dernière hausse annoncée...
Les bénéfices du progrès
D'un côté, il faut constater que les universités ont bien changé: laboratoires informatiques, équipements de recherche de pointe, catalogue de bibliothèque/bases de données d'articles en ligne, wi-fi... Et de l'autre côté, les méthodes d'opposition comme les revendications n'ont pas évolué. Nous, les étudiants, voulons bénéficier de tous ces progrès du XXIe siècle sans rien payer de plus? Combien d'heures avons-nous économisées en effectuant des recherches bibliographiques chez nous? À consulter des «Powerpoint» de cours pour l'étude? Cela n'aurait donc aucune valeur? Je nous imagine tous, issus de ce monde moderne, étant obligés de nous rendre à la bibliothèque pour chercher le moindre livre dans les fichiers de feuillets cartonnés, à fouiller des revues sur place, à devoir nous débrouiller tant bien que mal pour accéder à de l'information étrangère... De mon côté, je veux continuer à bénéficier de ces avancées.
Notre génération a la réputation de militer pour un développement durable, la justice et l'équité: mais le développement durable, ça implique tous les acteurs-clés d'une problématique. Si, si, même nous, les étudiants! Il est intéressant de voir que nous refusons toute hausse de droits de scolarité, certains prônant même la gratuité scolaire: cela ne fait que pelleter le problème en avant. N'adoptons-nous pas le même comportement que nous reprochons à nos aînés dans la gestion de la dette publique, des régimes de pensions, de la sécurité d'emploi? Voulons-nous léguer ce fardeau à la prochaine génération d'étudiants?
L'éducation est un droit, mais aussi un investissement. Pour la plupart d'entre nous, n'espérons-nous pas obtenir un emploi, une carrière en lien avec nos passions profondes en étudiant à l'université? N'espérons-nous pas des revenus plus élevés? N'allons-nous pas élargir notre culture générale ou nos horizons de réflexion? Donc, c'est un investissement, au sens strict du terme comme au sens financier.
La responsabilité de participer
Les recteurs, le gouvernement, une association étudiante, même une centrale syndicale s'intéressent au financement (et sous-financement) des universités. Qu'on le veuille ou non, les étudiants font partie de l'équation. Ils ne peuvent pas ne pas en faire partie. Loin de moi l'idée de lancer une guerre de chiffres, je veux simplement souligner que différents groupes se penchent sur la question et font valoir leur point de vue.
Devons-nous tout prendre à notre compte? Non. Cependant, nous avons la responsabilité de présenter des propositions constructives et réalistes, comme les autres parties en jeu le font. Leurs propositions ne nous plaisent pas? Soit. La grève n'est pas une réponse: c'est renoncer à la possibilité de négocier, nous priver de la crédibilité nécessaire pour présenter un plan constructif tenant compte des facteurs environnementaux, sociaux et économiques. Diable de développement durable! Si ça vaut pour les autres, ça vaut aussi pour nous!
Mobilisation en appui à nos valeurs
Alors, à nous de jouer! Comment? Demeurons sur la patinoire là où le jeu se déroule. Non à des hausses de droits de scolarité de 75 % en cinq ans, c'est la partie où on dit «non». Mais on n'a pas tout dit quand on dit non: nous proposons quoi? Nous avons une responsabilité face aux enjeux collectifs et au développement durable. Notre devoir est de le démontrer.
Comment être fermes sur nos principes tout en faisant notre part? Je préférerais des associations étudiantes qui se donnent les moyens d'évaluer ces futurs plans. Elles nous convoqueraient en assemblées générales pour nous présenter un plan, ses avantages et nous mobiliser autour de ce plan afin de tirer l'oreille du gouvernement, jusqu'à la grève s'il le faut, pour faire adopter notre plan. Comme groupe, nous participerions pleinement aux affaires publiques et nous nous donnerions les moyens de modeler notre société selon nos valeurs: l'équité et le développement durable.
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Jean-François Gingras - Étudiant à la majeure en histoire à l'UQAM
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