Marco Bélair-Cirino - Plusieurs générations se sont unies hier pour protester contre la hausse des droits de scolarité. Ils étaient des dizaines de milliers à manifester à Montréal (ci-dessus), mais aussi à Québec, Sherbrooke et Alma.
Des dizaines de milliers de personnes opposées à la hausse des droits de scolarité ont fait résonner leur voix, hier après-midi, dans les rues de Montréal, Québec, Sherbrooke et Alma. Plusieurs «anciens, actuels et futurs étudiants universitaires» ont répondu à l'appel de la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) en prenant part à l'une de ses quatre manifestations familiales.
«C'est déjà un mouvement historique, peu importent les résultats», a fait remarquer le porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, avant de prendre la tête du défilé montréalais s'allongeant par moments sur plus d'un kilomètre et demi. Quelque 30 000 personnes ont défilé du parc Lafontaine à l'immeuble abritant les bureaux de la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport, Line Beauchamp. Ils ont notamment marché au rythme des slogans «On veut étudier, on ne veut pas s'endetter!» et «Sabotage libéral, grève générale!» sur les rues Cherrier puis Saint-Denis, Sainte-Catherine et Fullum.
À deux jours du dépôt à l'Assemblée nationale du budget 2012-2013 par le ministre des Finances, Raymond Bachand, ils ont réitéré leur opposition à la hausse des droits de scolarité de 325 dollars par année durant cinq ans.
Les membres de la CLASSE ont pris soin d'appeler les manifestants de tous âges à refaire le coup à l'occasion de la manifestation nationale, prévue jeudi dans les rues de la métropole, qui s'annonce d'ores et déjà comme le point culminant de la contestation étudiante.
«Il y a aussi beaucoup d'associations étudiantes qui ont voté des débrayages d'une journée spécifiquement pour le 22 mars. C'est certain qu'on va être au-dessus du [cap des] 270 000 grévistes, ce qui est un record dans l'histoire du mouvement étudiant québécois», a-t-il déclaré, alors que le nombre d'étudiants en grève a franchi un seuil sans précédent au cours des derniers jours.
Plusieurs élèves du secondaire préoccupés par la question de l'accessibilité des études supérieures ont exprimé hier leur souhait de venir grossir les rangs des étudiants des cégeps et des universités actuellement en grève. Parmi eux, des élèves des écoles Paul-Gérin-Lajoie, Joseph-Francois-Perrault — qui érigeront une ligne de piquetage «symbolique» dans le parc sis devant leur école — , Saint-Louis, pour ne nommer que celles-ci, ont fait part de leur intention de participer à la manifestation nationale de jeudi, peu importe si la direction de leur établissement ou de leur commission scolaire leur donne le feu vert.
«À la croisée des chemins»
Les étudiants ont ainsi donné le coup d'envoi d'une semaine décisive dans le bras de fer l'opposant au gouvernement du Québec, la CLASSE se préparant toutefois déjà à une démobilisation au lendemain du 22 mars. Elle convoque «une centaine de délégués» provenant des «délégations de toutes les associations membres de la Coalition» à un congrès le week-end prochain afin d'établir «un plan de match» pour la suite des choses.
«Après le 22 mars, le mouvement étudiant va être à la croisée des chemins», a admis Gabriel Nadeau-Dubois, hier. Toutes les idées susceptibles de faire plier le gouvernement de Jean Charest seront débattues à cette occasion, sauf celle d'un retour en classe. «C'est exclu», a-t-il tranché hier.
«Le 22 mars, ce n'est pas la fin. À moins que le gouvernement libéral ne nous surprenne, il ne reculera pas», a dit M. Nadeau-Dubois, se gardant de préciser les actions qui seront menées par les étudiants après la démonstration de force de cette semaine. «Je vais garder le plus croustillant pour plus tard, mais ça va être vraiment après le 22 mars qu'on va avoir besoin de l'ensemble de la population concrètement dans la rue avec nous.»
Le gouvernement inébranlable
Dans le cadre d'une entrevue à l'émission Tout le monde en parle diffusée hier soir sur les ondes de Radio-Canada, la ministre Line Beauchamp a répété que la décision de son gouvernement était sans appel. «On n'est pas dans une négociation. Il y a une décision qui a été prise», a-t-elle déclaré sans détour, n'entendant pas ouvrir le dialogue avec les leaders étudiants, et surtout pas le dirigeant de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois. L'étudiant s'est discrédité en prenant part à une occupation de son bureau de circonscription durant laquelle les lunettes de sa secrétaire ont été endommagées, a-t-elle déploré hier.
Alors que le conflit s'enlise, la porte-parole de la CLASSE Jeanne Reynolds a jugé improbable que la ministre Beauchamp ordonne l'annulation du trimestre d'hiver 2012. «Il n'y a jamais eu de session annulée [lors des huit dernières grèves générales illimitées]. D'un point de vue logistique et économique, c'est quelque chose d'assez improbable», a-t-elle affirmé, exhortant une nouvelle fois le gouvernement libéral à surseoir à la hausse des droits de scolarité de 1625 dollars. «L'argent est là. Ce n'est pas un problème d'argent. C'est un choix idéologique qui se cache derrière cette hausse-là», a-t-elle fait valoir.
Pour sa part, le président de la Coalition étudiante pour l'association libre (CÉPAL), Philippe-Olivier Daniel, mettait la dernière main à une mise en demeure sommant des associations étudiantes de «cesser de porter atteinte à son droit d'assister à ses cours».
Le gouvernement a aussi essuyé hier les tirs groupés des 140 membres de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics qui ont profité de la journée de manifestations familiales pour dénoncer la hausse des droits de scolarité.
«Même si le gouvernement Charest se montre inflexible jusqu'à présent, on a l'impression que le rapport de forces est de plus en plus dans le camp des étudiants», a souligné le porte-parole de la Coalition, François Saillant, invitant la population à se joindre en grand nombre aux prochaines activités de visibilité des étudiants en grève, en plus d'exprimer leur opposition à la hausse des droits de scolarité, mais également des tarifs d'Hydro-Québec et à la taxe santé à leur député et au premier ministre, Jean Charest. «Achalez-le! Utilisez tous les moyens à votre disposition pour faire entendre votre voix. Ça peut faire la différence à l'heure actuelle.»
Au Pied de cochon
La CLASSE n'a pas sermonné les dizaines de personnes qui ont perturbé samedi soir un souper privé du chef du gouvernement au Pied de cochon, un restaurant de la rue Duluth, à Montréal. Au contraire. «Il y a des gens qui, quand ils voient passer le premier ministre, ils nous appellent et nous disent: "Venez donc le déranger, venez donc l'interpeller"», a dit M. Nadeau-Dubois. «Hausser les frais de scolarité, ça va bousculer la vie privée de milliers d'étudiants et d'étudiantes, alors il n'y a pas de raison pour laquelle la vie privée de M. Charest ne serait pas un tout petit peu perturbée.»
Anciens, actuels et futurs universitaires se mobilisent
Une semaine décisive s'amorce
Le nombre d'étudiants en grève pourrait atteindre 270 000 jeudi
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