Vote de blâme contre Michaud

Une tache indélébile ?

« Quand la vérité est remplacée par le silence, le silence devient mensonge »

Quand j’ai appris que les députés de l’Assemblée nationale avaient collectivement voté un blâme contre Yves Michaud, en l’attaquant pour une opinion, présumée, qu’il aurait exprimée, je n’en revenais pas. Nos parlementaires s’étaient transformés en un tribunal d’opinion.
Un tribunal d’opinion
Collectivement, les députés se permettaient de porter jugement sur l’opinion exprimée par un citoyen pour l’attaquer publiquement. N’y avait-il plus de lois et de juges dans les tribunaux pour porter des jugements sur les questions litigieuses ? Qu’y avait-il de si pressant qu’on ne pouvait laisser les tribunaux s’occuper de cette opinion ? Opinion, présumée en réalité, car personne au parlement ne connaissait les fait réels.
Montesquieu
Était-il légitime et sain que l’Assemblée nationale soit devenue un tribunal d’opinions ? Les députés dont une très forte proportion sont des juristes sont sensés être instruits et cultivés. Ne connaissaient-ils pas le principe de la séparation des pouvoirs établi par Montesquieu dans son livre « L’esprit des lois » ? Ce principe est établi depuis déjà plus de deux siècles. Mais cela n’a pas le moindrement effleuré l’esprit de ces gens qu’on considère instruits et cultivés. Depuis Montesquieu, on considère qu’il existe un « esprit » des lois. Mais où était donc l’esprit des députés ce jour là ?
Un droit régalien, vicié
Voilà des générations que certains experts critiquent le système parlementaire britannique où il y a confusion entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. On pouvait légitimement penser qu’il n’y aurait pas confusion avec le juridique. Mais non ! Nos députés (pouvoir législatif) ont traversé le Rubicon pour se constituer en tribunal. Finie la séparation avec le juridique. Comme les rois d’autrefois on condamne pour délit d’opinion, sans même vérifier le ouï-dire.
L’Assemblée nationale, depuis toujours, est pleine de gens qui ont la prétention de faire des lois non seulement pour gérer notre État, mais aussi pour assurer que les lois permettent le respect de l’équité et de la justice naturelle envers les citoyens.
En Cour d’appel, les juges ayant pris connaissance des faits ont unanimement décidé que l’Assemblée nationale avait le Droit d’agir comme elle l’a fait. La loi est faite ainsi. Le juge Jean-Louis Baudouin ajoute à la fin du jugement : « Je ne peux cependant m'empêcher de penser que le Droit est ici devant un étrange paradoxe. Pour préserver la démocratie parlementaire, et donc la libre circulation des idées, le Droit à l'époque des Chartes et de la prédominance des droits individuels permet qu'un individu soit condamné pour ses idées (bonnes ou mauvaises, politiquement correctes ou non, la chose importe peu), et ce, sans appel et qu'il soit ensuite exécuté sur la place publique sans, d'une part, avoir eu la chance de se défendre et, d'autre part, sans même que les raisons de sa condamnation aient préalablement été clairement exposées devant ses juges, les parlementaires. Summum jus summa injuria auraient dit les juristes romains ! »
Comprenons nous bien, ce Droit est un héritage de l’empire britannique, système régalien. C’est un reliquat de l’époque où les pouvoirs législatif, exécutif et juridique étaient détenus par les rois qui décidaient de tout par l’entremise de leurs affidés.
Quand le Droit est vicié, on change le Droit. Mais cela semble être trop pour les députés de notre Assemblée nationale.
Au début je posais la question : Qu’y avait-il de si pressant qu’on ne pouvait pas laisser les tribunaux s’occuper de cette opinion ? Ah oui! Lucien Bouchard voulait nuire à Yves Michaud qui aspirait devenir député dans le comté de Mercier. Alors, l’ex-ministre conservateur Lucien Bouchard s’est entendu avec son ancien copain Jean Charest, ex-ministre conservateur lui aussi. Puis les députés ont suivi docilement la ligne de parti imposée par leurs chefs. Quel dérapage collectif, surtout au Parti Québécois dont les députés se sont comportés en affidés.
Un silence étouffant
Depuis, c’est le silence sur cette affaire honteuse. Comme pour la collusion qui a fait les manchettes, trop de députés qui se succèdent à l’Assemblée nationale ne comprennent rien à la honte. Alors ils restent, collectivement, silencieux sur cette affaire. Pourquoi les citoyens devraient-ils faire confiance aux politiciens de l’Assemblée nationale ?
Rappelons-nous cette phrase de Yevtushenko, dissident soviétique : « Quand la vérité est remplacée par le silence, le silence devient mensonge. » La tache restera indélébile tant que l’Assemblée nationale restera silencieuse.
François Gauthier
Ancien président de Solidarité Yves Michaud


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