L’événement s’est conclu par une marche en direction des bureaux de la ministre de la Culture et des Communications, Christine St-Pierre.
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
Frédérique Doyon - Un grand rassemblement a réuni hier artistes, politiciens et citoyens pour dénoncer le recul du français qu'annonce l'invalidation de la loi 104 par le jugement de la Cour suprême du Canada, en octobre dernier.
L'événement, orchestré par la Société Saint-Jean-Baptiste et 25 partenaires, a pris la forme d'un spectacle efficace rappelant l'histoire de la loi 101, truffé de discours à saveur nationaliste et de prestations musicales et artistiques, dans un Monument-National bondé et survolté. Le comédien Denis Trudel animait la fête.
Charte affaiblie
Le président de la SSJB a donné le ton dès l'ouverture. «La Charte de la langue a été affaiblie plus de 200 fois jusqu'au jugement [d'octobre dernier], a déploré Mario Beaulieu. [...] Cette fois, nous disons non, non à la Cour suprême, non à nos politiciens mollassons qui voudraient encore courber l'échine et jouer à l'autruche. Oui à l'avenir du français du Québec, oui à l'inclusion de tous les citoyens dans un Québec français et libre.»
Les discours du dramaturge Jean-Claude Germain, du député péquiste Pierre Curzi et du chef du Bloc québécois Gilles Duceppe ont déclenché des ovations. «Il faut redonner à la loi 101 toute sa vigueur, son ampleur et son intelligence», a lancé M. Curzi, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, qui dévoilait la semaine dernière les résultats d'une étude sur le recul du français à Montréal. «Et ça, il faut le faire dès que nous aurons repris le pouvoir.»
«Il faut faire en sorte que les objectifs de la loi 104, avec un autre numéro, s'appliquent, a pour sa part déclaré M. Duceppe. Même en utilisant la clause dérogatoire. Ils [le fédéral et les autres provinces] l'ont utilisée pour rapatrier une constitution dont nous ne sommes pas signataires, on va l'utiliser pour faire en sorte que notre langue soit protégée.»
De nouvelles mesures
Françoise David, porte-parole du parti Québec solidaire, a même proposé des mesures pour renforcer l'application de la Charte de la langue française: abaisser «de 50 à 25 employés le seuil à partir duquel elle devrait s'appliquer» dans les entreprises, offrir des cours de français sur les lieux de travail pour les nouveaux arrivants et des activités artistiques dans les écoles pour faire connaître la «culture de la majorité francophone». «Le français doit devenir la langue de tous les Québécois et Québécoises. C'est la langue de Gaston Miron, de Gabrielle Roy, de Michel Tremblay. Mais c'est aussi la langue d'Amir Khadir, de Kim Nguyen et de Wajdi Mouawad», a-t-elle clamé.
Ces discours étaient entrelardés de pièces d'archives visuelles relatant l'histoire des débats linguistiques, l'émergence des lois 85 et 63, jusqu'à l'adoption de la loi 101, en 1977. Des comédiens, dont Danielle Proulx, Vincent Bilodeau et Dominique Pétain, on lu des extraits de textes ou de discours de figures telles que Henri Bourassa, Jean-Paul Desbiens, Pierre Bourgault, René Lévesque, Camille Laurin, Michel Chartrand, Gilles Vigneault et Félix Leclerc.
Aux portes du bureau de la ministre
Le public scandait souvent «Nous vaincrons!», voire apostrophait les intervenants. La manifestation rondement menée pendant près de trois heures s'est conclue en fin d'après-midi par une marche jusqu'aux portes du bureau de la ministre responsable de la langue, Christine St-Pierre.
Les instigateurs du rassemblement, issus de la scène politique, des arts, des milieux syndicaux et des groupes de défense du français, ont formé la Coalition pour l'application de la loi 101 aux écoles-passerelles, en réaction au jugement de la Cour suprême invalidant la loi 104. Adoptée en 2002, la loi 104 colmate une brèche dans la loi 101 qui permet aux parents mieux nantis d'inscrire leurs enfants dans une école privée non subventionnée afin qu'ils réintègrent ensuite le réseau public anglophone.
La ministre Christine St-Pierre a indiqué qu'elle se donnait jusqu'en octobre pour réfléchir aux mesures à prendre dans ce dossier, y compris le recours à la clause dérogatoire.
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