Présentement, au Québec (et au Canada), nous fonctionnons encore sous le vieux système électoral hérité des Britanniques. Ce mode de scrutin (dit scrutin majoritaire à un tour) qui a été utilisé pour la première fois en 1265 pour l’élection des parlementaires anglais, assure régulièrement un gouvernement majoritaire, donc un gouvernement qui a le pouvoir de gouverner. Mais comme nous le voyons au Canada, aux É.-U. ou au Royaume-Uni, ce système assure aussi de maintenir au pouvoir très longtemps les deux mêmes partis.
Lors des dernières élections, on a vu cette réalité clairement, alors que toute voix pour un parti autre que PLQ ou le PQ pouvait presque être considérée comme « perdue ». Dans ce cadre, l’exercice électoral devient un exercice « stratégique » au détriment d’un exercice « idéaliste ». On vote contre un parti, on vote pour empêcher un parti d’obtenir la majorité, mais surtout on s’empêche de voter pour le parti qui nous représente le mieux. Pour ne pas « perdre un vote ». C’est ainsi que demeurent au pouvoir en alternance les deux mêmes partis depuis trop longtemps. Pour ce faire — ils n’ont qu’à attendre que leur tour vienne. Et il viendra.
À mes yeux, toutefois, le problème profond vient du fait que ce système est basé sur la notion d’opposition plutôt que sur une notion de collaboration. Pensez deux secondes à l’absurdité des termes « opposition officielle ». Dans un même pays, des gens élus par le peuple ont comme fonction de s’opposer officiellement à ce que tente d’accomplir le parti au pouvoir. Pourtant, ce parti au pouvoir est celui qui a reçu le plus d’appuis, pourquoi s’y opposer systématiquement? On se retrouve donc avec deux partis qui se tapent sur la gueule sans arrêt, incapables de s’entendre sur la couleur du gazon, harnachés qu’ils sont par la nécessité de s’opposer, justement.
Mais pourquoi le PQ ou le PLQ voudrait-il cette situation?
Les deux partis qui se partagent régulièrement le Trône sont des partis riches. Ils ont de gros appuis, ils ont des amis puissants qui s’attendent à un retour d’ascenseur. Beaucoup de membres dans ces deux partis sont des carriéristes. Les deux partis leur offrent des perspectives intéressantes (salaire, compte de dépense, régime de retraite, etc.). Et nous ne parlons pas de la corruption, qui offre elle aussi des perspectives très lucratives. Sans entrer dans les détails, il arrive trop souvent que des gens du privé viennent faire un tour en politique pour faire passer ou modifier certaines lois, pour ensuite retourner s’enrichir grâce à ces mêmes lois. Il n’est pas mon propos ici de faire le procès du PQ ou du PLQ, mais il faut admettre que cette politique bipartite semble leur convenir très bien.
Au milieu de tout ça, l’électeur se débrouille de son mieux pour faire le bon choix. Ou le moins pire choix. Pauvre électeur! Il a le choix entre un parti fédéraliste corrompu jusqu’à l’os, ou un parti anciennement souverainiste qui flirte avec la gauche, du moins en apparence. Et? Et rien d’autre, vu que toute voix pour Option nationale, Québec Solidaire, le Parti vert ou autre est un « vote perdu ». Pourquoi pas un parti souverainiste de droite? Pourquoi pas un parti fédéraliste de gauche? Parce que le système actuel ne permet qu’à deux partis de l’échanger le pouvoir. Je le répète, pauvre électeur! Les deux principaux partis le prennent d’assaut par des campagnes électorales de pancartes, d’images, de slogans vides, de mensonges, de peurs, de promesses trop souvent trahies; mais on lui fait des reproches aussitôt qu’il vote pour un autre parti. Dans ces circonstances, peut-on se surprendre que tant de citoyens tournent le dos à la politique et perdent foi en notre « démocratie »?
Justement. Pendant que les citoyens « tournent le dos », ces mêmes deux partis ont les coudées franches : ils peuvent retourner l’ascenseur aux « amis » qui ont subventionné leur victoire. Et la roue tourne.
Imaginons un système politique différent, le système que j’aimerais voir adopté.
Lors d’une élection, sur les bulletins de vote, il y a deux cases. L’une est le choix du Parti que vous voudriez au pouvoir. L’autre est le choix du député de votre circonscription que vous voudriez voir élu. Comment ça fonctionne? Un parti recueille 31 % des voix. Il a droit à 31 % des sièges au Parlement. Ces 31 % seront octroyés aux députés de ce parti ayant recueilli le plus grand % de voix dans leur circonscription respective. Ainsi, un électeur peut voter pour le meilleur parti ET le meilleur député, sans qu’un vote nuise à l’autre. Il arrive trop souvent qu’un excellent député ne soit pas élu parce qu’il ne fait pas partie d’un des deux partis à se partager le pouvoir. Ce mode de scrutin évite cette situation.
L’un des « défauts » de ce mode de scrutin est qu’un gouvernement arrive rarement à obtenir une majorité. Mais ce défaut est une conception erronée, issue de l’habitude de cette gouvernance d’opposition, de conflit, d’affrontement. Dans un système de ce type, tôt ou tard les partis doivent faire des compromis, s’entendre, se lier, travailler ensemble. Ce n’est pas un système parfait, mais il pousse chaque député à se gagner son siège, et pousse chaque parti à tout faire pour se mériter des voix.
Actuellement, peu importe les atrocités commises par les Libéraux, ils peuvent être assurés de l’emporter dans plusieurs comtés. Dans ces endroits, tout vote pour le PQ, QS, ON, CAQ ou autre est perdu. Ainsi, avec le découpage des circonscriptions électorales et l’actuel mode de scrutin, les députés de ces comtés n’ont absolument rien à faire pour se mériter un siège. Ça donne des assemblées nationales remplies de parvenus, de lâches, de corrompus, pendant qu’il y a des tas de travailleurs acharnés, d’idéalistes, de gens créatifs, honnêtes, éthiques qui ne peuvent nous faire profiter de ces qualités, faute de siège.
Il existe plusieurs variantes de mode de scrutin, mais celui-ci m’apparaît très avantageux, et j’espère le voir utilisé dans un avenir rapproché.
Yan Crevier, Chicoutimi
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Vers une meilleure démocratie
Peu importe les partis !
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6 commentaires
Archives de Vigile Répondre
15 octobre 2012M.Cloutier
Il ne faut pas charrier, ce qui existe à l'heure actuelle est très très loin de l'aristocratie, vous n'allez tout de même pas essayer de me faire avaler qu'il y a des aristocrates dans notre système parlementaire. Moi je n'ai pas l'impression d'en rajouter une couche mais bien l'impression d'en enlever une qui est très épaisse, la couche des caisses électorales, ce n'est tout de même pas rien. Mais vous, avec 2 chambres, vous en rajouter vraiment une. Et la deuxième peut être achetable en tout temps.
Quand il y a des milliards en jeu, distribuer des millions, c'est très facile.
Imaginez que dans la fonction publique, qu'on ne fasse plus passer des examens, que l'on procède par tirages au sort, pour l'honnêteté, ça serait peut-être équivalent, mais pour le compétence, j'en doute.
Archives de Vigile Répondre
15 octobre 2012M. Pierre Cloutier,
Très bonne intervention - et je comprends votre propos. En ce qui a trait à la participation citoyenne, on peut dorénavant se référer à ce qui s'est passé en Iceland, en autre.
Vaste sujet de réflexion, mais je vois mal comment un tirage au sort pourrait contribuer à la prise de la meilleure décision.
Pour ce qui est de l'élitisme, vous avez raison. D'ailleurs dans l'état actuel des choses, on franchirait rapidement la mince ligne qui existe encore entre notre démocratie factice et la dictature.
Mais pour imager mon questionnement, imaginons une entreprise qui fabrique des meubles. L'entreprise va bien, les employés sont bien rémunérés, les cadres font un bon boulot. Tout va bien. Mais un jour on instaure un système "démocratique". On demande aux journaliers, aux professionels de "voter" pour élire les chefs d'équipe, les cadres, le DG. Tout ce beau monde commence alors à faire campagne, ils promettent plus de salaire, moins d'heures, de meilleurs outils, etc. Ils commencent à se taper sur la tête l'un l'autre, se critiquent. Au final on obtient quoi ? Un concours de popularité, des promesses irréalistes, des attaques souvent mensongères.
Est-ce que les meilleurs chefs d'équpe, cadres et DG se retrouveront en poste ? Et en quoi cette façon de faire affectera la production ? L'entreprise s'effondrera.
Un pays est une entreprise, ou la production principale devrait être une bonne survie de sa population, ce qui est intimement lié à son bonheur.
Je demande juste comme un système "démocratique" pourrait s'assurer que les bonnes personnes soient mises aux bonnes places.
Malheureusement nous de vivons pas dans le meilleur des mondes, mais il faut faire ce qu'on peut pour s'en approcher.
Archives de Vigile Répondre
15 octobre 2012M. Crevier,
Y aller pas à pas n'empêche pas d'avoir des idées et de faire réfléchir les gens. Depuis 20-30 ans beaucoup de gens réfléchissent justement sur le gouvernement représentatif, qu'on appelle faussement démocratie mais qui n'a jamais été autre chose qu'une oligarchie et une ploutocratie. On parle aujourd'hui de plus en plus de démocratie directe, de démocratie participative et de tirage au sort pour faire en sorte que les citoyens eux-mêmes aient la chance de participer directement aux prises de décision qui les concernent. Mettez les mots "démocratie directe", "démocratie participative" et "tirage au sort" dans Google et vous allez comprendre ce que je veux dire.
En ce qui me concerne, je suis favorable à ce que l'Assemblée nationale du Québec soit composée de 2 chambres : une Chambre des élus traditionnelle et une Chambre citoyenne tirée au sort, pour des mandats courts et non renouvelables.
À M. Lespérance
A un régime déjà "aristocratique" par essence (l'élection), vous en ajoutez une couche et vous en faite un régime élitiste. Fait dur en ta...Dans 10-15 ans, ce sera la corruption mur à mur. Jamais. Over my dead boby.
Votre nom devrait être Jean Désespérance. Il faut vraiment se renier soi-même comme citoyen pour avoir de telles idées.
Pierre Cloutier
Archives de Vigile Répondre
14 octobre 2012M.Crevier, si vous ne pensez pas avoir les connaissances suffisantes pour décider qui peut être un bon député, il reste toujours le choix de laisser les maires de chaque comté décider qui sera le député du comté. Nul doute que ceux qui sont déjà gestionnaires sont en mesure de choisir ceux qu'ils considèrent comme les meilleurs.
Bonne réflexion.
Archives de Vigile Répondre
14 octobre 2012M. Pierre Cloutier,
Je comprends ce que vous dites, et il y aurait encore davantage à dire. Mais si on entrait dans ce sujet, vous n'aimeriez sans doute pas ce que j'aurais à dire. Mais une piste de réflexion passe par le questionnement de la pertinence de l'idée de base démocratique : on demande à une population de choisir le gouvernement qui la représente. Il faut un permis pour conduire, chasser, pêcher, démarrer une entreprise, construire une maison, mais il ne faut aucun permis pour voter. Pourtant, le chasseur sait chasser, le pêcheur sait pêcher, le constructeur sans construire : est-ce que l'électeur sait voter ?
Dans la démocratie dite moderne, on vote trop souvent pour des pancartes, pour des slogans. Quand on a de l'argent, on a des pancartes. Donc des voix. A mon avis, une grosse majorité de la population n'a pas les compétences nécessaires pour bien évaluer les options. Et ce n'est pas de la condescendance, ni du dédain : moi-même, qui touche à l'administration, à la gestion de ressources humaines, à la représentation, à la comptabilité, sans compter mes très nombreuses lectures sur tant de sujet, enfin bref moi-même je ne crois pas avoir les compétences pour décider qui fera un bon député, qui fera un bon chef, qui sera un bon gestionnaire pour notre pays. C'est toute l'idée de démocratie qui peut être questionnée.
Mais ceci étant, je ne connais pas de solution miracle, ou plutôt je ne connais pas de solution qui puissent être acceptée et appliquée présentement, auquel cas je crois qu'il vaut mieux y aller pas à pas. On améliorer un peu ce qu'on peu améliorer. Ensuite on trouve quelque chose d'autre à améliorer, et au final on obtient une société plus saine.
J'aimerais bien claquer des doigts et faire disparaitre l'emprise qu'ont les banques sur les gouvernements de la Terre. Ou faire disparaitre les lobbys pharmaceutiques qui dénaturent l'entièreté du système de santé. Ou faire disparaitre la propagande incidieuse répendue dans nos médias.
Un pas à la fois.
https://www.facebook.com/#!/Vers.Le.Meilleur.Des.Mondes
Archives de Vigile Répondre
14 octobre 2012Monsieur Crevier,
Je respecte votre opinion, mais j'aurais aimé que votre réflexion vous fasse prendre conscience que l'élection n'est pas nécessairement synonyme de démocratie et qu'elle peut représenter, sous certains aspects (corruption, professionnalisation de la politique etc) un obstacle à une démocratie exemplaire.
Ce que nous avons, c'est un système de gouvernement représentatif, dans lequel le peuple n'a pas accès aux décisions qui le concernent, sauf en votant une fois à tous les 4 ans pour leurs maîtres.
Ce n'est pas nécessairement la démocratie. Y avez-vous pensé?
Pierre Cloutier