Vive les Français !

L’expression «maudits Français», dont abusent les Québécois, n’a plus rien de drôle, affirme Daniel Audet.

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Ridicule flagornerie

(Photo Patrick Sanfaçon, La Presse)

Depuis plus ou moins 400 ans que nous existons, nous Québécois, nous avons connu bien des revers. En prenant d’énormes raccourcis historiques, on pourrait dire qu’en général on reproche aux Français de nous avoir littéralement laissés tomber ; aux Britanniques de nous avoir brutalement conquis ; et aux Canadiens-Anglais de nous avoir exploités sans retenue. Certains allèguent que la Révolution tranquille a pulvérisé tous les vieux démons qui nous hantaient de même que la rancœur que nous gardions envers les uns et les autres. Or rien n’est moins sûr.

J’en veux pour preuve ce ressentiment larvé que plusieurs Québécois éprouvent encore envers les Français. Pourtant, ces Français, ce sont nos frères, pour reprendre la jolie formule du président Sarkozy. Une telle hostilité vient-elle d’un vieux sentiment d’infériorité ? Est-ce une question d’éducation, de maîtrise de la langue ? Quoi qu’il en soit, l’expression « maudits Français », dont abusent les Québécois, n’a plus rien de drôle, frôle la xénophobie et n’a pas sa place dans une société moderne et ouverte comme la nôtre. Il y a des Français arrogants comme il y a des Québécois baveux. Il y a des Français sympas et d’autres pas.
Après tous nos succès chez nous et sur la scène internationale dans tous les domaines possibles, je ne comprends pas que les Québécois aient encore un complexe d’infériorité par rapport aux Français. Nous sommes une petite et jeune nation, certes, mais une nation plutôt ingénieuse et qui réussit mieux que plusieurs autres dans le monde développé.
Reste-t-il des choses à améliorer au pays du Québec ? Bien sûr que oui. Je reviens à la piètre qualité de la langue française généralement parlée au Québec. Plutôt que de nous moquer de ceux qui maîtrisent notre langue nationale, nous devrions un jour nous attaquer à cette tare qui provoque la moquerie des autres peuples : c’est-à-dire le charabia que l’on parle ici !
Reconnaître nos faiblesses
Mais tous les peuples ont leurs tares. Ce n’est pas une raison pour se diminuer soi-même. L’important est de reconnaître nos faiblesses et de faire des efforts individuels et collectifs pour corriger ces défauts hérités de l’histoire. À quand un grand chantier sur la qualité de la langue parlée au Québec ?
Justement ! Nos frères et nos sœurs d’outre-Atlantique peuvent contribuer de façon concrète à l’amélioration de la langue québécoise par leur seule présence en sol québécois. Et ils sont nombreux à joindre nos rangs chaque année. De plus, ils sont éminemment intégrables à la société québécoise. D’ailleurs, bon an mal an, le nombre de nouveaux Québécois qui sont nés en France oscille entre 7 et 10 % de la totalité des immigrants reçus.
En fait, le contingent de Français qui immigrent au Québec est généralement premier ou deuxième en importance. Sans rien enlever aux autres immigrants qui sont tous bienvenus au Québec – d’autant qu’on les sélectionne à hauteur de 70 % – nous devrions tous applaudir à l’arrivée de renforts venus de l’Hexagone. Or on fait exactement le contraire ! On les traite de maudits Français à la première occasion. Et que dire de ces Wallons, Marocains ou Suisses qui, ahuris, se font insulter de la même façon ?
Un ami français me racontait récemment comment une famille d’immigrants français avait fini par retourner en France pour cause de racisme. Les enfants étaient sans cesse harcelés et intimidés à l’école en se faisant traiter de maudits Français. Comment concilier cette attitude de bûcheron mal dégrossi avec ce désir partagé par la grande majorité de la population québécoise de pérenniser la présence française en Amérique ?
Mais aujourd’hui, c’est jour de fête pour tous les Français du monde. Et puis, tous les francophones du monde sont un peu Français le 14 juillet. Alors bonne fête nationale à tous les Français et sachez qu’une grande majorité de Québécois vous aime et vous considère comme des frères. Vive les Français !
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Daniel Audet
L’auteur est vice-président du Conseil du patronat. Il écrit ce texte à titre personnel.

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Ancien délégué général du Québec à Londres, l’auteur est revenu en politique en juin 2006, comme conseiller spécial du chef du Parti québécois, André Boisclair. Dans les années 1990, il a pratiqué le droit au cabinet Lapointe Rosenstein, a été directeur de cabinet du vice-premier ministre Bernard Landry, puis est devenu vice-président de Vidéotron, en 1997. Avant de replonger dans l’univers politique, il a dirigé le Cabinet de relations publiques National à Montréal. Il est maintenant premier vice-président du Conseil du patronat du Québec.





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