WASHINGTON | Les États-Unis ont mis vendredi à exécution leur menace de se retirer d’un traité de désarmement nucléaire crucial avec la Russie, accusée de violer ce texte signé lors de la Guerre froide, au risque de relancer la course aux armements.
«Demain les États-Unis vont suspendre leurs obligations dans le cadre du traité INF», qui porte sur les armes nucléaires de portée intermédiaire, «et lancer le processus de retrait», a déclaré Donald Trump dans un communiqué.
Le retrait sera effectif «dans six mois, à moins que la Russie respecte ses obligations en détruisant tous ses missiles, lanceurs et équipements qui violent le texte», a ajouté le président américain.
En octobre, il avait une première fois indiqué son intention de se retirer du traité INF, signé entre l’URSS et Washington en 1987 et qui abolit l’usage des missiles terrestres d’une portée de 500 à 5500 km, au motif que Moscou ne le respectait pas.
Début décembre, depuis Bruxelles et avec le soutien de l’Otan, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait donné à la Russie 60 jours, jusqu’à ce samedi 2 février, pour démanteler ses nouveaux missiles de longue portée violant le traité aux yeux des Américains et de l’Alliance atlantique. Faute de quoi, il avait menacé de lancer la procédure de retrait, qui s’étend sur six mois.
Malgré de nombreuses discussions entre les deux puissances adversaires ces deux derniers mois, tous les acteurs s’accordaient encore cette semaine à dire qu’aucun «progrès» n’avait été possible. Et peu d’observateurs pensent qu’un changement majeur puisse intervenir d’ici le retrait définitif des Américains, début août.
«Prêt» à discuter avec Moscou
«La Russie a mis en danger la sécurité des États-Unis et nous ne pouvons plus être entravés par un traité pendant que la Russie le viole éhontément», a lancé vendredi Mike Pompeo, estimant que ces «violations» étaient une menace pour «des millions d’Européens et d’Américains» et plaçaient l’armée américain en position défavorable.
Avant même la décision du gouvernement Trump, les autorités russes, qui rejettent des accusations «sans fondement» et dénoncent en retour des violations américaines, avaient mis en garde vendredi contre un retrait «extrêmement irresponsable», jugeant le traité «nécessaire» notamment à «la sécurité européenne».
L’Otan a de son côté appuyé «pleinement» la «démarche» américaine, appelant Moscou à revenir dans les six prochains mois à «un respect total et vérifiable» de ses obligations. «Il est clair que la Russie viole ce traité, et c’est pourquoi nous devons parler avec la Russie», a estimé pour sa part la chancelière allemande Angela Merkel, souhaitant que cette période soit mise à profit pour «de nouvelles discussions».
Mike Pompeo a assuré que Washington était «prêt» à continuer de discuter avec la Russie «au sujet du désarmement pour des négociations qui renforcent la sécurité des États-Unis et de leurs alliés», à condition que les résultats puissent être «mis en oeuvre et vérifiés».
«Nous espérons qu’ils reviendront à un respect total du traité», «nous allons continuer de travailler avec les Russes», a-t-il insisté.
Le président russe Vladimir Poutine a toutefois récemment menacé de développer de nouveaux missiles balistiques de portée intermédiaire en cas de retrait de Washington.
Selon Eugene Rumer, ancien membre du renseignement américain aujourd’hui expert au cercle de réflexion Carnegie Endowment for International Peace, «ni l’administration Trump ni le gouvernement russe ne semblent être intéressés par la sauvegarde» de ce traité signé à la fin de la Guerre froide par le dernier dirigeant soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, et le président américain de l’époque, Ronald Reagan.
«Chacun a ses raisons», ajoutait-il dans un article cette semaine, et les experts «feraient mieux de renoncer à leurs appels en faveur du traité INF et de regarder ce qui a changé» pour bâtir un nouveau cadre de désarmement plus adapté au XXIe siècle.