Nomination des juges

Weil refuse de répondre aux questions

Selon Véronique Hivon, le refus de la ministre Weil de répondre aux questions des médias et de l'opposition est «regrettable, dans une démocratie».

Commission Bastarache

Élisabeth Fleury - (Québec) La ministre de la Justice, Kathleen Weil, a refusé jeudi de répondre aux questions de l'opposition au sujet des révélations du Soleil sur la présence d'un solliciteur du Parti libéral du Québec (PLQ) à des comités consultatifs pour la magistrature fédérale et provinciale.
Lors de l'étude des crédits de la Justice, la députée de Joliette et porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, Véronique Hivon, a tenté de savoir si la ministre Weil trouvait «normal» que le solliciteur du PLQ Jacques Champagne siège à ces comités, sans succès. Se réfugiant derrière la tenue de la commission d'enquête présidée par le juge à la retraite Michel Bastarache, la ministre Weil a refusé de commenter l'implication de M. Champagne dans un comité de sélection des juges de la Cour du Québec, même s'il n'est pas clair du tout que ladite commission, dont le mandat est très limité, abordera ce sujet précis.
«On ne fera pas d'enquête parallèle», a répété la ministre de la Justice, tout en réitérant que la commission d'enquête était «l'endroit approprié» pour parler des allégations de l'ancien ministre de la Justice Marc Bellemare et des questions entourant le processus de nomination des juges de la Cour du Québec, des cours municipales et du Tribunal administratif du Québec (TAQ).
Quant aux questions de la députée de Joliette sur le fait que Jacques Champagne a aussi siégé au nom du ministre de la Justice du Québec à des comités consultatifs pour la magistrature fédérale entre 2004 et 2009 - ce sont les ministres Jacques Dupuis et Yvon Marcoux qui l'avaient désigné -, la ministre Weil les a redirigées vers Ottawa, prétextant que les membres de ces comités étaient nommés par le ministre fédéral de la Justice.
La députée Hivon a eu beau lui répéter que le ministre de la Justice du Canada faisait toujours ces nominations sur les recommandations de ses homologues provinciaux, rien n'y fit. Selon Véronique Hivon, le refus de la ministre Weil de répondre aux questions des médias et de l'opposition est «regrettable, dans une démocratie».
De son côté, la députée adéquiste Sylvie Roy a tenté de savoir si la ministre Weil avait l'intention d'étendre le concept de l'inamovibilité (nomination à vie, «selon bonne conduite») aux juges de tous les tribunaux administratifs pour assurer leur indépendance, mais encore là, elle s'est butée au silence de la ministre de la Justice. «Je ne peux pas répondre, cette question est devant les tribunaux», a dit Mme Weil, faisant référence aux recours déposés en Cour supérieure par les membres de la Commission des relations de travail, de la Commission des lésions professionnelles de même que par un membre du Comité de déontologie policière.
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Nomination des juges: un solliciteur libéral dans des comités de sélection



Élisabeth Fleury

Le Soleil 6 mai 2010
(Québec) Un collecteur de fonds du Parti libéral du Québec (PLQ), Jacques Champagne, a siégé à des comités de sélection des juges non seulement au provincial, mais aussi au fédéral, a appris Le Soleil.
L'homme de 69 ans, qui a travaillé comme comptable chez Mallette avant de prendre sa retraite, en 2004, est membre du comité exécutif de l'association du PLQ dans Charlesbourg. S'il affirme aujourd'hui ne vendre que «quel­ques cartes» pour le PLQ «pendant des cocktails», il admet s'être impliqué plus activement il y a quelques années dans le financement du parti au sein de l'équipe de Marc-Yvan Côté, qui incluait aussi Charles Rondeau, ancien associé de Champagne chez Mallette, et Franco Fava, entrepreneur en construction à la retraite qui s'est récemment retrouvé au coeur des allégations de l'ancien ministre de la Justice Marc Bellemare sur le trafic d'influence et les irrégularités dans le financement du PLQ.
Jacques Champagne a dit avoir siégé comme représentant du public à un seul comité de sélection des juges de la Cour du Québec, en 2006. Comme les nominations des représentants du public qui siègent aux comités de sélection des juges relèvent du ministre de la Justice et que c'est Yvon Marcoux qui occupait ce poste en 2006, c'est donc lui qui aurait nommé Jacques Champagne.
Quel juge??
À l'instar d'une autre bénévole de longue date du PLQ qui a été nommée en 2004 pour siéger à un comité de sélection des juges de la Cour du Québec, Mélanie Saumure - dont le conjoint, André Savard, a été organisateur libéral dans la circonscription de Louis-Hébert (Sam Hamad) -, Jacques Champagne n'a pas été en mesure de nous dire quel juge avait été nommé à l'issue des travaux de son comité.
Jacques Champagne a aussi fait partie, entre 2004 et 2006, puis entre 2006 et 2009, de deux comités consultatifs pour la magistrature fédérale pour l'est du Québec, où il a siégé à titre de représentant du ministre de la Justice du Québec pour des mandats de deux et trois ans.
Ces comités sont au coeur même du régime de nominations des juges de la Cour supérieure du Québec, de la Cour fédérale, de la Cour d'appel fédérale, de la Cour suprême et de la Cour canadienne de l'impôt, leur rôle étant d'évaluer les compétences des avocats qui se portent candidats à la magistrature. Jacques Champagne aurait été désigné pour siéger à ces comités par les ministres de la Justice du Québec alors en poste, soit Jacques Dupuis en 2004 - à moins que ce ne soit Marc Bellemare, personne n'était en mesure de nous le dire, mercredi - et Yvon Marcoux en 2006.
Là aussi, il n'a pas été possible de savoir mercredi quels candidats ou quelles candidates ont accédé à la magistrature fédérale à la suite des recommandations des comités où Jac­ques Champagne a siégé.
Un «administrateur de sociétés»
Au-delà de son implication dans l'effectif et le financement du PLQ ainsi que dans les processus provincial et fédéral de nomination des juges, Jacques Champagne, qui est présenté partout comme un «administrateur de sociétés», siège aussi depuis octobre 2004 au conseil d'administration du Port de Québec, où il représente la Ville de Québec. Il fait également partie depuis novembre 2004 du C. A. de l'aéroport de Québec, où il représente le ministère des Transports du Québec.
Si la Ville n'était pas en mesure de nous expliquer mercredi ce qui l'a motivée à désigner Jacques Champagne pour la représenter au C. A. du Port, le porte-parole de Transports Québec, Guillaume Lavoie, nous a mentionné que la nomination de l'ancien comptable au C. A. de l'aéroport se justifiait par le fait que «c'est un homme impliqué dans son milieu» et qu'il avait «les compétences requises».
Refus de commenter
Au cabinet de la ministre de la Justice, Kathleen Weil, on a refusé de commenter, évoquant d'une part la tenue de la commission d'enquête du juge Michel Bastarache et d'autre part le fait que les comités consultatifs pour la magistrature fédérale relèvent d'Ottawa.
Au Commissariat à la magistrature fédérale, on nous a expliqué que si c'est effectivement le ministre de la Justice du Canada qui nomme les représentants des ministres de la Justice provinciaux aux comités con­sultatifs pour la magistrature fédérale, il le fait «sur les recommandations» de ses homologues provinciaux.


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