À l'Est, rien de nouveau

Tribune libre

L'air du temps s'engouffre évidemment dans les esprits proportionnellement au vide qu'il s'y trouve, la culture constituant le seul filtre efficace. - Lucien Jerphagnon
Ce texte d'opinion est une réponse à l'article «Pascal Bérubé bombe le torse de satisfaction» paru sur le site Internet de L'Avantage(Rimouski) le 30 décembre 2012. Sa longueur s'explique par la nécessité d'étayer la preuve et par le fait que les personnes visées jouissent de ressources illimitées pour ce faire valoir à l'année longue.
Les souverainistes sont au pouvoir dans Rimouski-Mitis depuis 20 ans, soit au lendemain de l'échec de Meech. Le pays n'advenant pas, nos élus aménagent la gouvernance provinciale. Ils intériorisent la défaite. La lutte pour l'indépendance ainsi détournée, ils goûtent au confort du statu quo. Loin des yeux, loin du coeur. Danielle Doyer se promena à l'étranger sur le bras des contribuables. Dénoncer les absences de l'obscur Jean-Yves Roy était pour Jean-François Fortin compromettre son avancement dans «l'appareil du parti»: d'où ses silences complices [1]. L'avenir appartient désormais aux «petits amis» qui bougent le moins et entretiennent le mieux des rapports incestueux avec les médias.
Le projet souverainiste devient entre leurs mains un hochet que l'on agite aux quatre ans pour récolter le suffrage des électeurs captifs. Jean-François Fortin associe même l'intérêt national à de la partisanerie. Souverainiste d'opérette, il ne comprend pas que la perte de sa circonscription fédérale illustre le déclin du Québec. Il préfère marcher main dans la main avec le NPD. Il fallait le voir indolent à Matane taire la question nationale devant les commissaires chargés de la refonte de la carte électorale (12 septembre 2012). Il manque passablement de crédibilité en dénonçant le «joug fédéral» de Harper comme une «vraie plaie» (19 novembre 2012), car il fait impasse sur le NPD et touche un salaire annuel des Communes équivalent à celui des ministres de l'État québécois.
Irvin Pelletier soutient l'action de son gouvernement par la négative: «Le budget ne remet pas en question les quatre projets majeurs du comté» (L'Avantage, 21 novembre 2012). Il nous informe donc que le PQ n'est pas une nuisance. Encore faut-il qu'il ait une utilité!
Le Québec restera au sein du Canada coûte que coûte avec les libéraux et les caquistes au pouvoir. Plutôt que d'insister sur cette réalité, Irvin Pelletier en entrevue à Radio-Canada sur les initiatives populaires, «dit non à un référendum des fédéralistes»[2]. Qui parle d'un référendum fédéraliste?
Alors qu'il était sûr de remporter son élection, Pascal Bérubé souffrait d'avoir des opposants. Personne ne lui résiste. Le «cheval fougueux» poussa Danielle Doyer vers la sortie[3]. Il ouvrit les hostilités dès qu'il sut l'identité des candidats: «Mon adversaire du PLQ à [sic] été battu à l'élection de son propre village. Il sollicite maintenant l'appui des 44 autres municipalités!» (Twitter, 26 juillet 2012). Égal à lui-même, il déterre le passé souverainiste (1995) du libéral et libéral du candidat caquiste (août 2012). Celui-là même qui «jeta la première pierre» se laissa courtiser par François Legault![4] Bachelier en éducation, il n'enseigna jamais et passa sa vie active à soigner ses relations à titre de coordonateur (Site Internet de l'Assemblée nationale).
Assis à côté du NPD
Sur les ondes de la défunte CFYX FM 93,3, Jean-François Fortin affirma (2011) ne pas agir en intellectuel avec ses électeurs. Comme si aimer les belles-lettres, l'histoire et tout ce qui meuble la vie de l'esprit étaient une tare. Il nivelle par le bas en croyant nous y trouver.
Il fait plutôt la démonstration que les idées ne se bousculent pas. Le Bloc n'a pas de programme et monsieur Fortin m'a assuré (Sainte-Flavie, 20 mars 2012) que cela devra attendre à 2015. D'ici là, il compte gagner l'opinion en offrant notamment des billets pour The Lost Fingers (son Facebook, 30 novembre 2012)! «Faire de la politique autrement» n'est dans sa bouche qu'un slogan. «Du pain et des jeux», disaient les Romains. En ce pays, il n'y a pas que les timbres qu'on achète et lèche!
«C'est debout que nous sommes grands» (Fortin, Site Internet de L'Avantage, 23 juin 2012) et c'est assis à côté du npdiste Caron qu'il était à Matane! Que de phrases creuses alors que «le temps fuit irréparable (Virgile)»! Notre région fit honneur à son industrie forestière en élisant une quantité impressionnante de «bois mort».
Tout juste bon à se faire prendre en photo pour la gazette, ils ne se virent jamais confier de «dossiers identitaires»: langue, éducation, culture, immigration, etc. Daniel Paillé avait annoncé son intention de ne pas briguer la chefferie du Bloc. Les bloquistes de Montréal l'on prié de se raviser en voyant leur parti aller nulle part (La Presse.ca, 26 septembre 2012). Imaginez-vous un débat des chefs entre Harper, Mulcair et Fortin?
Dans sa forme actuelle, la stabilité péquisto-bloquiste en région est carriérisme, immobilisme et médiocrité. Comme dans tout vieux régime, le bien commun perd ses droits. L'impuissance ne profite qu'à ceux qui nous parasitent. Ça commande d'agir. Il en va du salut public. Nous devrons tôt ou tard briser l'embâcle comme les Allemands de l'Est ont abattu leur mur. Les «petits amis» s'opposeront évidemment à leur remplacement, mais préparons dès aujourd'hui notre redressement.
Refuser la défaite
Vous l'aurez compris, je suis en colère. Quand on sait combien vivre en français en Amérique du Nord est un acte de résistance, il faut vraiment être un capitulard pour soutenir que la question nationale n'est pas une «vraie affaire». C'est par elle que s'inscrit le rapport des Québécois à la politique depuis la Révolution tranquille. Que se passe-t-il lorsque le fil de notre histoire contemporaine se casse? Les temps de crise exigent au gouvernail audace et créativité: une direction capable de reconnaître les enjeux, transformer les individus en peuple, mettre le peuple en mouvement et d'infléchir notre déliquescence. Or, il n'y a présentement sur les rangs que des politiciens de souper spaghetti, les «marchands du Temple».
Pourquoi nos élus ne se conduisent-ils pas en grand homme politique? Après tout, leurs noms resteraient dans l'Histoire comme De Gaulle, Churchill ou Roosevelt. Mais il faut du sacrifice, du talent et une part de mystère. Lorsque Fortin et Bérubé s'épanchent dix fois par jour sur les réseaux sociaux, ils préfèrent la quotidienneté et le conformisme. En bout de ligne, ils cultivent la petitesse.
Nettoyer les écuries de Jean «Augias» Charest, abattre l'industrie de la corruption, ne suffit pas. Il faut des hommes et des femmes avec «une certaine idée du Québec». Désireux, à mon sens, d'assurer la pérennité de notre nation francophone. Nos dirigeants doivent s'extraire de la dictature de l'instant présent, de la gestion comptable, desséchée, du politique et formuler une pensée excédant les 140 caractères de Twitter. L'hypermodernité n'a de yeux que pour l'éternelle adolescence. La grandeur s'appuie autant sur les forces vives en émergence, tout le secteur des «énergies vertes», que sur celles de l'enracinement. Nos écoles doivent cesser de fabriquer des internatio-nuls. La télévision donne pour modèle des vedettes sans oeuvre, aussi techno-superficielles qu'anglo-conformistes. Ce n'est pas respecter la culture anglo-saxonne que de limiter la langue anglaise à sa fonction platement instrumentale, «walmartisée». L'ouverture sur le monde n'est pas là où la société de consommation la présente.
Il n'y en aura pas de facile. «Plus la culture d'un homme est vaste, plus il voit la richesse des possibles contenues dans le présent.»[5] Le camp souverainiste compte des figures remarquables. Des gens de conviction, fiers et un peu rêveurs pour qui l'affirmation du Québec est incompatible avec le maintien du cadre canadian. Il est tragique cependant qu'ils ne militent pas tous ensemble et que Rimouski-Mitis n'en ai aucun parmi ses élus.
Il est normal que tous ne partagent pas mes idées. Il est inacceptable, en revanche, que nos élus ne proposent aucune orientation à notre société. Avec ces gérants de places en garderie et billettistes de The Lost Fingers, nous mourrons à petit feu. Ça commande d'agir.
Références
[1] «[...] pour le maire de Sainte-Flavie Jean-François Fortin, le candidat bloquiste nommé depuis plus d'un an pour succéder à Jean-Yves Roy aux prochaines élections, la situation est très délicate.» TVA Nouvelles, 1 septembre 2010 http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/regional/archives/2010/09/20100901-163428 (Page consultée le 17 décembre 2012)
[2] Bruno St-Pierre, «Élections Québec 2012. Bas-Saint-Laurent: Irvin Pelletier dit non à un référendum fédéraliste», Radio-Canada, http://www.radio-canada.ca/sujet/elections-quebec-2012/2012/08/29/012-referendum-irvin-p ... (Page consultée le 16 décembre 2012)
[3] «Danielle Doyer juge que Pascal Bérubé lui manque de respect en la poussant vers la sortie», La Presse Canadienne/Le Huffington Post Québec, 14 février 2012 http://quebec.huffingtonpost.ca/2012/02/14/doyer-critique-berube_n_1276309.html ... (Page consultée le 20 décembre 2012)
[4] Taïeb Moala, «Caucus du PQ: François Legault fait du maraudage», Journal de Québec, 11 octobre 2011 http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/politiqueprovinciale/archives/2011/10/20111011-1240 ... (Page consultée le 17 décembre 2012)
[5] Mathieu Bock-Côté, «Psychologie du grand homme politique: réflexions dispercées sur l'homme politique», Le blogue de Mathieu Bock-Côté/Le Journal de Montréal, 5 août 2012 http://blogues.journaldemontreal.com/bock-cote/general/psychologie-du-grand-homme-politique... (Page consultée le 28 août 2012)
Annexe
Élections du 4 septembre 2012 Pascal Bérubé sur Twitter
1 août 2012 [Bérubé] Elle n'habite pas la région. Mal vu ici. [Geneviève Allard se présente sous la bannière d'Option nationale dans Matane-Matapédia]
17 août 2012 [Bérubé] La loyauté du candidat de la CAQ dans Matane-Matapédia a fait l'objet d'un questionnement de son employeur hier.
Dans la catégorie «double langage et insulte à l'intelligence», le gazouillis gagnant est:
9 août 2012 [Bérubé] En campagne dans le village de mon adversaire du PLQ! Échange cordial avec lui. On se souhaite une bonne campagne! [Citoyenne] J'aime [Citoyen] Content de voir que vous vous respectez messieurs! On ne voit pas ces situations aux nouvelles et redonnent foi en politique [Citoyenne] Es-tu le seul sur les réseaux sociaux ? [Bérubé] Je crois que oui dans le comté et aussi à faire véritablement campagne.


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3 commentaires

  • Nestor Turcotte Répondre

    9 janvier 2013

    Si vous voulez connaître «la générosité» du Ministre délégué de la région, lisez ce lien:
    http://www.hebdosregionaux.ca/bas-st-laurent/2012/12/28/pascal-berube-donne-5000--a-centraide
    Tout le monde sait, ou devrait savoir, que chaque député reçoit chaque année, un budget discrétionnaire qu'il peut dépenser comme bon lui semble. Une somme d'environ 75,000.00$.
    Si le don fait à Centraide, selon le lien, provient des poches du député, il peut le dire ou ne pas le dire.
    Si le don fait à Centraide est tiré de son budget discrétionnaire, il doit l'indiquer. Car il ne s'agit pas de SON argent, mais de l'argent des contribuables. Être généreux avec l'argent des autres, si c'est bien le cas, c'est tout simplement pas correct. Et on doit dénoncer cette façon de faire. Je l'ai fait plusieurs fois dans ma région.

  • Nestor Turcotte Répondre

    5 janvier 2013

    Monsieur Cloutier,
    Je demeure à Matane depuis 1968. Pascal Bérubé a été mon élève en classe de philosophie. Je le connais de longue date. J'ai lu le texte proposé ici: il confirme mes dires et mes pensées.
    NT

  • Archives de Vigile Répondre

    4 janvier 2013

    Je vous lis et cela ne me surprend pas du tout de la part des péquistois. Je vous conseille d'aller faire un petit tour sur le site du professeur Étienne Chouard et vous allez comprendre pourquoi il est plus que temps de réfléchir sur le type de prétendue "démocratie" dans laquelle nous vivons.
    C'est ici : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/
    Pour ce qui est de l'indépendance - les péquistois ont peur de prononcer ce mot - j'ai écrit un livre de 100 pages intitulé : Indépendance : Le PQ a trahi ses militants, publié aux Éditions Schneider, qui explique pas mal tout.
    Demandez à Nestor Turcotte - de Rimouski - de vous expliquer tout cela.
    Moi aussi, je suis en colère contre ces imposteurs.
    Pierre Cloutier