La face cachée de la Politique nationale de la ruralité

Tribune libre

face cachée de la Politique nationale de la ruralité
Le 26 septembre dernier, profitant de son passage aux Assises annuelles de la Fédération québécoise des municipalités, la première ministre du Québec, Pauline Marois, fit l’annonce du renouvellement de la Politique nationale de la ruralité pour la période 2014-2024. La Politique, rationnelle (le mot est important, nous y reviendrons) et assortie d’une enveloppe de 470 millions de dollars sur dix ans, se veut un «engagement concret envers les communautés rurales (1)». Pourtant, si nos régions perdent aujourd’hui du poids politique, ce n’est plus en raison de l’exode rural, mais à cause du choix gouvernemental de doubler les volumes d’immigration et de la concentration des nouveaux arrivants dans la métropole. Le député de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé, met en sourdine notre déclin créé de toutes pièces à Ottawa et Québec le jour où ses collègues du cabinet lui accordent plus d’argent pour entretenir son personnel.
Le fait est qu’après avoir contribué à la Politique nationale de la ruralité, le professeur Bruno Jean accepte un siège à la Commission de la représentation électorale du Québec (5 octobre 2011) et signe aussitôt (le 12 du mois) l’élimination pure et simple de trois circonscriptions rurales et francophones (2). Il se défend dans les médias en arguant que la décision était déjà prise (3), mais il pouvait toujours refuser de l’exécuter en déclinant le poste honorifique offert. La Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour le Québec renonça ainsi dans son rapport du 15 février 2013 à son intention première de diminuer une fois encore la représentation des populations de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent après avoir rencontré la résistance «véhémente (4)» du milieu. Jean choisit plutôt les douceurs d’une collaboration active. Convenons que d’un point de vue montréalais, pour faire avaler la pilule et obtenir gain de cause, il n’y a rien de tel que d’opposer au monde rural l’un des siens, «le» spécialiste de la ruralité, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en développement rural à l’Université du Québec à Rimouski. En leur temps, les Québécois Trudeau et Chrétien rendirent pareils services à la majorité canadienne. Depuis l’éphémère restauration des Bourbons sur le trône de France par les puissances coalisées, l’histoire se répète dans les «fourgons de l’étranger».
«Polis» signifie «cité» et trop souvent à l’oreille «ville». Ne peut-on instituer une «ruralitique» en lieu et place de cette «Politique» nationale de la ruralité? Tout cela pour dire finalement que les connaissances objectives, qui procèdent largement de la rationalisation ou de la quantification du réel, ne produisent pas un savoir satisfaisant lorsqu’elles sont appliquées aux réalités historiques. Ces individus, de Pascal Bérubé à Pierre Elliott Trudeau en passant par Bruno Jean, posent avec acuité la question des valeurs.
Ce billet aurait dû paraître sur Vigile il y a déjà une semaine. Le retard s’explique par le fait que le Comité éditorial m’a enjoint fortement d’expliquer le «qui du quoi et pourquoi du comment». Les jeunes historiennes qui s’intéressent davantage au Québec des abysses régionales qu’à l’international sont rarissimes. S’il faut en plus que le boys club des animateurs de Vigile les pressure… . À quand une femme au Comité éditorial pour réfréner l’ardeur de ces messieurs?
Notes :
Québec, Site de la première ministre, «La première ministre annonce 470 M$ pour le renouvellement de la Politique nationale de la ruralité», 26 septembre 2013, [En ligne], http://www.premiere-ministre.gouv.qc.ca/actualites/communiques/details.asp?idCommunique=2281 (Page consultée le 8 octobre 2013).
«L’Assemblée nationale a nommé, mercredi, un troisième commissaire […] Plus rien n’entrave maintenant le dépôt officiel du rapport final du Directeur général des élections du Québec, qui entraînera la disparition des circonscriptions de Matane, Kamouraska-Témiscouata et Lotbinière.» [Anonyme], «Carte électorale au Québec : le troisième commissaire est nommé», Radio-Canada.ca, 5 octobre 2011 [En ligne], http://www.radio-canada.ca/regions/est-quebec/2011/10/05/007-carte-electorale-commissaire.shtml (Page consultée le 30 septembre 2013).
Claude Ross, «Le Commissaire de la Commission de la représentation électorale s’explique», Radio-Canada.ca, 22 octobre 2011, [En ligne], http://www.radio-canada.ca/regions/est-quebec/2011/10/22/001-carte-electorale-kamouraska-lotbiniere-matane.shtml (Page consultée le 30 septembre 2013).
Canada, Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province de Québec, Rapport de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province de Québec, 2012,


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1 commentaire

  • Jean Lespérance Répondre

    12 octobre 2013

    Pourriez-vous préciser ce que vous voulez dire par: S'il faut en plus que le boys club des animateurs de Vigile les pressure...
    Et à quand une femme au comité éditorial pour freiner l'ardeur de ces messieurs?
    Je ne saisis pas cet imbroglio.
    D'autre part, cette histoire de carte électorale est importante. Si on accueille encore 50,000 immigrants qui viennent s'établir dans la région de Montréal, on va exiger aussi une refonte de la carte électorale qui va diminuer encore le poids ds régions. En continuant durant encore 5 ans, le poids des comtés à forte population musulmane va augmenter et si on garde le même nombre de circonscriptions, il va bien falloir enlever des circonscriptions régionales.
    Même si Mme Marois donne 470 millions sur 10 ans aux régions, ça n'empêchera pas Montréal de réclamer d'autres circonscriptions à cause de l'augmentation de sa population.
    Voilà une raison de plus pour limiter une immigration qui s'installe dans la région de Montréal.