Élections municipales

Le leadership, une denrée rare en 2013

Un autre chapitre de la dépossession tranquille

Tribune libre

À Saint-Donat-de-Rimouski, la rue Desgagnés n'est pas tout à fait un cul-de-sac puisqu'elle débouche par la rue Lévesque. Un panneau de signalisation routière annonce pourtant à l'entrée l'absence d'issue. Quant aux rues Saint-Laurent, Hallé et des Loisirs, elles sont de vraies impasses dépourvues de toute indication. Cela a son importance, j'y reviendrai.
La main invisible
Le conseil municipal est au point mort. Les projets se font rares et les absences nombreuses. Le siège d'une conseillère sera laissé vacant un an. Les idées grandioses de monsieur Pierre Gauthier semblent déjà appartenir au passé. Le conseil ne se réunit plus que pour donner un vernis légal aux décisions administratives du directeur général.
Pour justifier cette apathie, le maire et préfet de la MRC de La Mitis (Bas-Saint-Laurent) hausse les épaules en explicant que c'est partout pareil. Son irrésolution devient manifeste quand il se tourne à répétition vers le directeur général, Gil Bérubé, comme pour lui demander: «Qu'en penses-tu?» À Louis XVI qui lui demandait ce qu'il devait faire, Rivarol aurait répondu:«Faire le roi.» Misère!
Les rênes du pouvoir flottent. Comme la nature a horreur du vide, les fonctionnaires, qui expédient normalement les affaires courantes, se décident à prendre les choses en main. Vient une posture abracadabrante, technicienne et antidémocratique, où les élus règnent mais ne gouvernent plus. La notion de «gouvernance» traduit bien le processus par lequel le monde de la gestion finit d'avaler la souveraineté du peuple.
La dépossession tranquille
J'ai prié le conseil dès octobre 2012 d'honorer la mémoire d'un des «pères» du Mont-Comi et bâtisseurs de Saint-Donat-de-Rimouski, monsieur Étienne Caron (1915-2008). Cela devait avoir lieu le 8 juin à la Fête des Voisins. C'était avant que le directeur général ne prenne soudainement le parti de son ami Réjean Lévesque. Suivant un raisonnement simpliste, il allégua que le conseil ne pouvait aller de l'avant à «un contre un». Il s'arrogea la décision en mâchant tranquillement sa gomme. Pas mal pour un non élu!
Le DG se joue aussi du conseil sans remuer les lèvres. Nous sommes un petit village, or il ne souffla mot de mon projet aux Donatiens qui passent journellement à son bureau. Pour un peu on eût juré que ma demande n'ait jamais existé. J'en suis ulcérée.
Lecteur perspicace, vous songez peut-être à ce que fit alors le «maire-mou»? Rien. Démissionnaire à plus d'un titre, Michel Côté ne réside plus à Saint-Donat. Il fut indifférent à mes efforts en vue de faire connaître l'histoire de la localité.
Dernier appel
J'ai rencontré Gil Bérubé à dix jours de la Fête des Voisins pour m'enquérir de quelques développements. Il affecta l'innocence, je le crois hypocrite: bref, je lui transmis directement une copie de ma lettre envoyée à tous les foyers donatiens. Sitôt après, en prévision des Journées nationales de la culture, il forgea ce mensonge:
«[L]a municipalité de Saint-Donat a déjà manifesté, par ses interventions [lesquelles?], sa volonté d'appuyer concrètement [un gros zéro] les initiatives qui visent l'affirmation de son identité culturelle et la participation active de ses citoyens à la vie culturelle (Procès-verbal de la séance du conseil du 3 juin 2013).»
Il y a un an, un retraité de Cacouna qui avait acheté trois rôles d'évaluation municipal de Saint-Donat datant de 1879, 1929 et 1941 chercha à les vendre à la municipalité pour la somme rondelette de 300 dollars. Plutôt que de négocier, une employée lui conseilla de me joindre afin que je m'en porte acquéreur. Comme mon nom n'est pas Rockefeller et que je ne suis pas à la tête d'une association philanthropique, ces archives sont aujourd'hui quelque part dans la nature...
La leçon
Si les élus se succèdent, le directeur général reste et acquiert finalement une position dominante. L'histoire contemporaine nous enseigne qu'il suffit à Staline d'être secrétaire général du parti pour se rendre maître de l'Union soviétique. De cette fonction, il mit ses créatures aux postes clés. Une vérité court toujours en 2013: le bureaucrate qui gère seul en permanence l'appareil d'État - si gentil ou médiocre soit-il - dispose du pouvoir de mener sa politique personnelle, car au royaume des aveugles, les borgnes sont rois.
Le citoyen doit s'intéresser à la chose publique. La parole est la première marque de l'engagement. Je me prends à espérer que le maire élu en novembre prochain saura revaloriser l'institution municipale s'il (ou elle!) assume ses responsabilités et embauche un nouveau directeur général. Comme je l'ai illustré en introduction, il est temps que les Donatiens apprennent à identifier correctement un cul-de-sac lorsqu'ils en ont un sous les yeux!


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1 commentaire

  • Pierre Cloutier Répondre

    23 juin 2013

    C'est curieux. À chaque fois que je lis une critique sur notre système de gouvernement représentatif, qu'on appelle faussement démocratie, personne ne remet en cause le dogme de l'élection, comme si c'était la seule façon de gérer le bien commun. C'est comme les cathos qui pensent que le Pape est infaillible.
    Et la démocratie directe - référendum d'initiative citoyenne, législatif, abrogatoire, révocatoire et constitutionnel - la démocratie participative et le tirage au sort, cela vous dit quelque chose?
    Je vous conseille le petit livre de Bernard Manin intitulé :Principe de gouvernement représentatif, publié aux Éditions Champs Essais, pour démêler tout cela.
    Et cette citation d'un des penseurs de la Révolution française, l'abbé Siéyes qui disait ceci :
    « Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » (Discours du 7 septembre 1789)6.
    Pierre Cloutier