Caisse de dépôt

Alban D'Amours ignorait l'ampleur des placements en PCAA

La nomination de Michael Sabia doit être revue, dit le PQ

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François Desjardins - La tempête souffle et ne montre aucun signe de relâche. La Caisse de dépôt et placement a de nouveau retenu l'attention hier à Québec, où l'opposition péquiste et le gouvernement libéral se sont affrontés au sujet du processus de nomination de Michael Sabia avec, en toile de fond, des allégations d'ingérence et de «commande politique».
Pendant ce temps, d'anciens membres du conseil d'administration commencent à s'ouvrir aux questions de la presse. Lors d'un entretien au Devoir, Alban D'Amours, ex-président du comité de gestion des risques au conseil d'administration, a affirmé qu'il ignorait l'ampleur des placements de la Caisse dans le papier commercial.
Prié de dire s'il était «normal» que le comité de gestion des risques ne soit pas au courant du fait que la Caisse détient 13 milliards en PCAA,
M. D'Amours, qui a dirigé le Mouvement Desjardins de 2000 à 2008, a répondu: «Eh bien, j'avoue, dans ce domaine-là, où est la normalité maintenant? Après coup, je dirais non.»
Rappelant le contexte de l'époque, M. D'Amours a cependant ajouté que le papier commercial était «coté AAA» par l'agence de notation DBRS, ce qui en faisait, du moins en théorie, un investissement moins risqué que si la Caisse avait acheté des obligations du gouvernement du Québec.
Les propos de M. D'Amours surviennent une semaine après ceux de Claude Garcia, un autre ancien membre du conseil qui, pour sa part, présidait le comité de vérification.
Le papier commercial (PCAA) que détenait la Caisse était adossé à des actifs et émis par des entités non bancaires. Il générait des rendements légèrement supérieurs aux bons du Trésor, et ce, grâce à des dettes de cartes de crédit, à des voitures de location et à des hypothèques. Il contenait aussi des composantes financières plus complexes, comme des «credit default swaps».
Le marché canadien du PCAA non bancaire, environ 35 milliards au total, a cessé de fonctionner en août 2007 lorsqu'une crise de confiance a fait en sorte que le bassin d'acheteurs s'est évaporé. Du jour au lendemain, les détenteurs étaient incapables de reprendre leurs billes. Il a été transformé en obligations à long terme.
Solution de rechange aux bons du Trésor
Pour justifier ses 13 milliards en PCAA, soit le tiers du marché, la Caisse et son ex-président, Henri-Paul Rousseau, ont affirmé qu'en raison du remboursement de la dette à Ottawa, il y avait de moins en moins de titres gouvernementaux sur le marché et que la Caisse devait chercher ailleurs. Elle gérait environ 30 milliards en liquidités. D'autant plus qu'il n'y avait aucune limite à la quantité d'instruments financiers que la Caisse pouvait acheter sur le marché monétaire.
Au sujet de cette absence de plafond, y a-t-il déjà quelqu'un qui s'est posé des questions au comité de gestion des risques? «Avant août 2007, non», a dit M. D'Amours. Après cela, «on s'est engagés dans une revue des pratiques», a-t-il ajouté. Y a-t-il eu un manquement? «Je ne peux pas dire qu'il y a eu un manquement, mais il y a eu un regret par la suite.»
Depuis, un plafond a été mis en place, et une firme externe a procédé à l'examen des pratiques. Même s'il y avait eu un plafond à l'époque, selon M. D'Amours, «la Caisse aurait quand même acheté du PCAA». Il estime qu'il s'est dit «beaucoup de choses» au sujet du PCAA, du genre «on vous l'avait dit», et qu'«après les faits, les gens deviennent très bons pour analyser les risques».
«Compte tenu des circonstances, il y avait une saine diversification», a-t-il ajouté.
Le conseil d'administration de la Caisse est en reconstruction et un certain nombre de personnes dont le mandat était échu, dont M. D'Amours, n'en font plus partie. La semaine dernière, lui et M. Garcia ont reçu un appel téléphonique de la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, leur annonçant que leur mandat ne serait pas renouvelé. Un autre membre, Yvan Allaire, a appris la même nouvelle.
Bras de fer à Québec
À Québec, la nomination de Michael Sabia à la présidence de la Caisse de dépôt, au terme d'un processus rapide qui a suscité un certain étonnement chez les observateurs et dans les coulisses des milieux d'affaires, a occupé une partie des débats à l'Assemblée nationale.
Ex-patron de BCE, Michael Sabia a une longue feuille de route comme administrateur mais n'a aucune expérience concrète en haute finance. Le nouveau président du conseil, Robert Tessier, a dit qu'il y avait deux personnes sur la courte liste mais qu'il n'a pas rencontré l'autre puisque la candidature de M. Sabia était de loin supérieure. M. Sabia a été embauché une semaine après l'embauche de M. Tessier.
Une des rumeurs qui courent dans les coulisses des milieux d'affaires veut que l'autre nom sur la liste -- préparée par une firme de chasseurs de têtes -- était celui de Luc Bertrand, président de la Bourse de Montréal, qui entend quitter son poste cet été.
Devant la rapidité du processus, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, s'est demandé si la récente mise en garde de l'agence de notation Standard & Poor's concernant la stabilité à la direction de la Caisse «ne s'adressait pas au premier ministre puisque c'est lui qui s'ingère actuellement dans le processus de nomination à la Caisse».
Mme Marois a aussi demandé au premier ministre «s'il considère que M. Jean-Pierre Ouellet, nommé [au conseil d'administration de la Caisse] par son gouvernement, aurait dû se retirer du comité de sélection, considérant ses liens avec le seul candidat en lice». M. Ouellet a été haut dirigeant au Canadien National en même temps que M. Sabia, dans les années 90.
Qualifiant le choix de Michael Sabia de «mascarade», la chef péquiste a exigé une reprise du processus de sélection.
Le premier ministre Jean Charest a répondu en disant que le conseil d'administration de la Caisse avait bougé le plus vite possible. «Ils n'ont fait justement que suivre ce que tout le monde demandait, y compris la chef de l'opposition officielle, qui demandait qu'on procède le plus rapidement possible», a-t-il dit.
Le député péquiste François Legault, critique en matière de finances, a ensuite demandé à Mme Jérôme-Forget, ministre responsable de la Caisse, si celle-ci avait accepté «une commande politique de son premier ministre». «Je refuse ce jugement», a-t-elle répondu.


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