Au cimetière des représentations du Québec

Tout faire pour miner la crédibilité de l'État québécois

Le gouvernement Couillard a décidé que trois représentations du Québec à l’étranger allaient rejoindre le cimetière des défunts bureaux, délégations et antennes du Québec. On invoque une fois de plus le manque de ressources financières pour fermer Moscou, Santiago et Taïpei. Austérité oblige, nous dit-on. Vingt personnes sont touchées. Les diplomates sont des proies faciles, car rares sont les gens qui les pleurent, tant leur rôle est méconnu, peu ou pas expliqué. Ils sont pourtant indispensables aux intérêts et à la prospérité du Québec.

Premièrement, une telle fermeture est un des gestes les plus négatifs que l’on puisse faire envers un pays. Il est tout à fait légitime et attendu qu’il en prenne ombrage. Cela revient à dire : « Vous ne m’intéressez plus ! » Les peuples qui se le font dire s’en souviennent longtemps. Cela transpire ensuite dans tous les échanges, en particulier dans la relation commerciale. L’insulte est encore plus probante lorsque la raison de cette fermeture défie toute logique.

C’est pourtant le premier ministre Charest lui-même qui avait annoncé en 2009 l’ouverture d’un bureau à Moscou, engagement auquel le gouvernement Marois avait donné suite. Le Québec reconnaissait ainsi l’importance d’un partenaire avec lequel il a des échanges commerciaux de plus de 600 millions de dollars annuellement, soit 40 % de tous les échanges entre le Canada et la Russie. La croissance substantielle des échanges entre le Québec et la Russie justifie notre présence dans ce vaste pays, d’autant plus qu’elle se fait à faible coût, le représentant du Québec ayant son bureau dans l’ambassade du Canada. On aurait pu faire des économies plus substantielles en réduisant le personnel de la Délégation générale à Bruxelles.

Deuxièmement, ces fermetures coûtent très cher au Québec, car, au-delà d’une perte de crédibilité, l’abandon implique la renonciation à tout ce qui a été accompli. Les relations internationales se nourrissent de constance. Elles constituent un investissement à long terme. Interrompre l’effort, c’est se condamner à abandonner les avantages ainsi acquis, à faire de cet investissement une perte sèche et à devoir redémarrer à zéro le jour où nos intérêts commanderont de revenir.

Il en coûte toujours plus cher de partir puis de revenir que de rester. Nous payons encore le prix de la fermeture de nos représentations à Stockholm, à Bogotá et à Dallas. En Suède, Investissement Québec vient d’ouvrir un bureau dans la capitale. Imaginons ce qu’aurait été notre relation bilatérale si nous n’avions pas fermé le bureau qui s’y trouvait il y a une vingtaine d’années. Même exercice pour la Colombie, pays extrêmement dynamique, où le Québec a été présent, mais qu’il a quitté. Dallas a été fermée naguère ? La ministre des Relations internationales annonce que nous ouvrirons une représentation à Houston, en scindant celle d’Atlanta. Le Texas a toujours été important. Nous avons eu tort de ne pas y rester.

Troisièmement, le Québec doit inverser la tendance qu’il a de détruire son outil diplomatique. À l’heure où de nouveaux joueurs envahissent les marchés émergents, dans un contexte de mondialisation hypercompétitif où s’affrontent pays, régions et villes afin d’attirer les investissements étrangers, les relations internationales ne sont pas un luxe, elles sont une nécessité absolue. Depuis plus d’un demi-siècle, le Québec développe sa présence, sa crédibilité et son attraction. Il a acquis des avantages non négligeables sur ses concurrents nouvellement apparus sur la scène internationale. Il ne doit pas les dilapider par une politique internationale de portes tournantes.


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