Le gouvernement du Québec hésite à instituer une enquête publique sur l'industrie de la construction. Il mise sur le travail policier, mais prévient du même souffle que la patience a des limites.
Ce qu'il faut dire aujourd'hui, haut et fort, est tout simplement que ces limites évoquées par le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, sont atteintes. Elles le sont depuis déjà longtemps, car ce n'est pas depuis seulement quelques jours ou quelques semaines qu'existe la corruption dans le monde de la construction. Dans l'entrevue qu'il accordait au Devoir hier, le maire Gérald Tremblay reconnaissait avoir été prévenu dès son entrée à l'Hôtel de Ville de Montréal que «circulaient des enveloppes brunes».
Les raisons militant en faveur d'une enquête publique sont simples. Il y a tout d'abord le fait que cette corruption est systémique. Elle a été instituée en un système mafieux auquel concourent des entrepreneurs en construction, des professionnels, comme les ingénieurs, des fonctionnaires et des élus. La pourriture ne cesse de s'étendre. Les révélations faites par les médias depuis quelques semaines illustrent la perversion profonde dont est atteint notre système démocratique.
Cette perversion n'est pas une vue de l'esprit. La peur s'est installée dans beaucoup d'administrations municipales. Une omerta est imposée par la menace. Est-il besoin de rappeler les accidents survenus récemment à quelques personnes du monde de la construction qui étaient disposées à parler? Dans les administrations municipales, nombreux sont les fonctionnaires qui n'osent parler aux enquêteurs de la Sûreté du Québec. Ils craignent de devoir un jour aller témoigner. Ils craignent pour leur emploi, pour leur famille et parfois pour leur sécurité physique.
Le gouvernement Charest annoncera aujourd'hui le renforcement de l'escouade policière mixte mise sur pied récemment. Le travail policier a ses limites. Il pourra conduire à des arrestations et à des procès et, peut-être, à des condamnations. Il permettra de rétablir l'ordre momentanément, le «système» se sachant sous surveillance. Celui-ci ne sera pas pour autant démantelé. Il n'aura pas été atteint dans toutes ses ramifications. L'omerta demeurera la règle.
Aujourd'hui, la confiance dans nos institutions politiques est atteinte. Le climat de corruption dont on prend la mesure quotidiennement dans les médias alimente le cynisme des électeurs. Ceux-ci attendent une réaction qui ne vient pas. Les élus locaux, laissés à eux-mêmes, disposent de peu de moyens pour faire le ménage qui s'impose. Ces moyens, ils sont dans les mains du gouvernement du Québec, qui se doit de mettre fin à ses tergiversations et agir avec force et conviction.
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