En décembre, à une tribune téléphonique, une dame faisait cette remarque délicieuse: "C'est vrai que M. Harper a un petit côté dictateur, mais que voulez-vous, on est en démocratie!"
L'art de résumer en termes simples le paradoxe canadien actuel! Et l'art d'annoncer, sans le savoir, un débat essentiel qui se dessine au Canada anglais en ce début de janvier.
Le déclencheur: pour une seconde année, Stephen Harper impose la fermeture, ou la "prorogation" du Parlement, jusqu'au début mars pour des raisons strictement partisanes. L'an dernier, c'était pour empêcher sa défaite par un vote de non-confiance et la prise possible du pouvoir par une coalition PLC-NPD appuyée par le Bloc.
Cette année, le prétexte est de "libérer" les ministres pour les Olympiques de Vancouver. Du pain et des jeux, quoi! Mais on fera surtout taire les parlementaires sur la torture présumée de prisonniers afghans transférés par l'armée canadienne.
Résultat: dans plusieurs quotidiens canadiens-anglais de toutes les régions, la goutte fait déborder le vase. Éditorialistes, chroniqueurs, leaders d'opinion, profs d'université et étudiants sont en train d'engager un débat de fond sur la santé de la démocratie sous Stephen Harper.
Leur diagnostic est féroce. Et la dureté des termes employés est frappante.
On parle d'un PM "dictatorial", "autoritaire", "despotique", "manipulateur" et "menteur". On parle de la "mort de la démocratie", de "république de bananes", d'élus "muselés", de ministres "truands" et d'une gouverneure générale devenue la béni-oui-oui de Harper. Des constitutionnalistes réputés parlent même d'une situation extrêmement dangereuse. Quelques autres diffèrent d'avis. Bref, il y a débat.
Témoignant de la gravité de la situation, la veille du jour de l'An, à la une et dans un éditorial spécial, même le Globe and Mail dénonçait cette érosion troublante de la démocratie canadienne.
Une inquiétude qui monte...
Cette dureté des mots n'est pas gratuite. Elle découle, je crois, de cette inquiétude de voir Harper obtenir enfin sa majorité à la prochaine élection. Ou encore, de le voir s'incruster au pouvoir pour longtemps même en demeurant minoritaire.
Ce que pourrait fort bien provoquer l'inaptitude de Michael Ignatieff. De même que son refus de corriger ce que je qualifiais l'an dernier de grave erreur. Soit celle d'avoir fait sauter le projet de coalition avec le NPD face à une droite qui, elle, demeure unie sous Harper.
Au Canada anglais, donc, on dénonce de plus en plus les actions autoritaires du PM. Au point où des manifs anti-prorogation sont prévues pour les prochaines semaines! Des groupes Facebook comme Get Back To Work ont même déjà reçu quelques dizaines de milliers d'appuis. Bref, des intellectuels, des universitaires et même leurs jeunes étudiants (qu'on dit pourtant "dépolitisés") se mêlent à nouveau de ce qui se passe au Parlement. Il était temps.
Au Québec, quelques bons textes sont parus. Mais pas beaucoup. Il est pourtant à souhaiter que ce débat, parce qu'il porte sur la qualité de notre démocratie, finisse par nous intéresser davantage que les funérailles d'un mafioso...
Reste aussi à convaincre plus de citoyens de s'en mêler. Pas impossible. Mais pas facile lorsque des sondages montrent qu'au moins la moitié des Canadiens ne s'intéressent même pas au sujet. Il faut dire que de moins en moins de citoyens comprennent comment fonctionne leur propre système parlementaire! Ceci expliquant évidemment cela...
Et rien de tel qu'un peuple ignorant la mécanique de ses propres institutions démocratiques pour laisser faire un PM qui, lui, ne se gêne pas pour les mettre à sa main jusqu'à priver les élus de leurs prérogatives constitutionnelles.
Pourquoi le fait-il? Mon hypothèse: M. Harper tente en quelque sorte de "casser" le Parlement au cas où il serait toujours minoritaire après la prochaine élection. Il agit donc de manière à pouvoir gouverner en majoritaire même s'il demeure minoritaire.
D'où son choix de proroger le Parlement à répétition, de prendre le contrôle de la majorité au Sénat, d'imposer une extrême centralisation du pouvoir au bureau du PM, de se débarrasser de hauts fonctionnaires qui l'embarrassent, etc. Le Parlement est devenu pour lui un boulet dont il cherche à se déprendre.
Face aux réactions timides des partis d'opposition, c'est même à se demander si ce débat ne renforcera pas encore plus le sentiment d'impuissance parmi l'électorat. Ou si, au contraire, il éveillera les consciences. C'est à suivre...
Conclusion
Avis de recherche no 1: population conscientisée.
Avis de recherche no 2: chef libéral fédéral avec vision inspirante et comprenant que sans alliance avec le NPD, les carottes sont cuites. Incluant celles d'un Parlement de plus en plus émasculé. Bref, recherche renouveau politique...
Casser le Parlement
Témoignant de la gravité de la situation, la veille du jour de l'An, à la une et dans un éditorial spécial, même le Globe and Mail dénonçait cette érosion troublante de la démocratie canadienne
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