Cette "minorité" qui nous gouverne

Chronique de Jean-Pierre Durand

On apprenait il y a quelques jours que le ministère du Parimoine canadien et des Langues nationales accordait 4,4 millions de dollars à des groupes de promotion de l'anglais à Montréal, dont 1 560 000$ au puissant lobby anglophone Quebec Community Groups Network (anciennement connu sous le nom d'Alliance Québec). Ces sommes proviennent des Programmes d'appui aux langues officielles. Selon le député conservateur Jacques Gourde, secrétaire parlementaire pour les langues officielles, "le gouvernement entend ainsi maintenir le financement qui vise à préserver, à célébrer et à renforcer la dualité linguistique au Canada". La belle affaire !
La réaction ne s'est pas fait attendre. Tour à tour, le Mouvement Montréal français, la SSJB de Montréal, le Parti québécois, le Bloc québécois et, une fois n'est pas coutume, mais dans une moindre mesure tout de même, le NPD, ont reproché ces généreuses subventions qui, ironiquement, surviennent quelques jours après le premier Forum mondial de la langue française. Ce n'est peut-être pas un hasard non plus si ces montants sont alloués en pleine période estivale pour faire le moins de bruit possible (prends l'oseille et tire-toi !)... à moins qu'il ne s'agisse des étrennes que l'on distribue pendant le Noël des campeurs.
Voici donc une liste partielle des organismes ayant eu droit à cette manne fédérale: English-language Arts Network Quebec, English-speaking Catholic Council, Quebec Community Newspapers Association (dont font partie The Laval News, The Suburban, etc.), Quebec Federation of Home and School Associations, The Quebec Drama Federation, Quebec Farmer's Association, Blue Metropolis (qui organise un fetival littéraire bilingue), Quebec-Labrador Foundation Canada, etc. Plus de 4 millions qu'ils pourront dépenser allègrement pour favoriser davantage la langue anglaise à Montréal... comme si elle ne l'était déjà pas assez.
Mon épouse se demandait récemment si le grand spectacle extérieur L'Écho d'un peuple, dans l'Est ontarien, serait à nouveau présenté cet été. Il s'agit d'un spectacle à grand déploiement qui raconte 400 ans d'histoire de la présence francophone en Ontario. Je me suis renseigné et j'ai appris que l'événement s'était éteint en 2008 faute de moyens financiers suffisants. Il ne sera pas repris cette année. C'est en cherchant cette information que je suis tombé par hasard sur le webzine franco-ontarien Tagueule! En le "feuilletant", j'ai lu cette phrase: "Nous (les Franco-Ontariens), nous nous comparons si mal aux Anglo-Québécois à tant d'égards - écoles, hôpitaux, grands journaux, universités, services et droits acquis de tout genre - qu'il n'est pas surprenant que leur lobby aussi soit meilleur que le nôtre".
En fait, c'est à tort que nous prenons les Anglo-Québécois pour une minorité, car, tant que nous serons les vassaux d'un pouvoir qui parle d'abord et avant tout l'anglais, nous serons perdants sur toute la ligne. Sur le même webzine franco-ontarien, je relève cette déclaration d'un ancien premier ministre de l'Ontario, George Drew, faite en 1943. Bien sûr, elle est datée, mais je ne crois pas qu'aux yeux d'Ottawa elle soit pour autant périmée, même si personne n'oserait aujourd'hui le dire: "Il n'est pas injuste de rappeler aux francophones qu'ils sont une race de vaincus et que leurs droits n'existent que grâce à la tolérance de l'élément anglais, lequel, avec tout le respect dû à la minorité, doit être considéré comme étant la race dominante."
Cette "minorité" anglo-québécoise n'existe pas tant et aussi longtemps que nous sommes dans le cadre canadien. Au fond, comment peut-on parler sans rire d'une "minorité", quand celle-ci est à ce point choyée, chouchoutée, outrageusement favorisée, gavée, gâtée pourrie et, avant longtemps, si ça se trouve, il y aura des bonnes âmes pour proposer un téléthon pour qu'elle puisse encore mieux s'épanouir et nous faire disparaître à petit feu.
Le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, James Moore, a déclaré: "Les Canadiens ont confié un mandat clair à notre gouvernement, celui d'investir dans des projets qui font la promotion des langues officielles au pays." Mets ça dans ta pipe, Baptiste! Notre fossoyeur a parlé.


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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 juillet 2012

    Votre article me donnait le goût de réécouter un certain manifeste lu par Gaetan Montreuil:
    http://www.youtube.com/watch?v=j0rXQp8EjWg

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    13 juillet 2012

    Sylvain Tremblay ne se contente pas de geindre, il affirme ce que le Parti Québécois devrait proclamer à chaque nouvelle charge de Harper:
    "L’Indépendance du Québec peut mettre un frein à tout celà,"
    Nous avons, cet été, l'occasion tant attendue de mettre un frein à tout ça, faisant ce que les étudiants nous ont bravement montré à faire devant les matraques et le poivre du kénédian Charest, NOUS LEVER DEBOUT ET AVANCER! Dans les corps à corps, des individus tombent mais le bataillon avance.
    Un grand Général des troupes du Québec serait sur le front depuis longtemps pour proclamer: Assez, c'est assez! Ce Général ne reculerait pas devant la bave kénédian qui veut démoniser son écusson, le carré rouge. Le Général Marois devrait sentir que sa seule issue, c'est de donner confiance aux troupes, les rallier en mettant son pied à terre et en proclamant: On ne passe pas! Ici, c'est chez nous: reculez!

  • Tremblay Sylvain Répondre

    13 juillet 2012

    Ils utilisent notre argent pour nous angliciser, ce n'est pas compliqué. Même les organismes francophones des autres provinces sont obligés d'enseigner l'anglais pour avoir de l'argent de survie, peut-être pour pouvoir travailler en anglais, ce qui n'existe pas ici - apprendre le francais pour pouvoir travailler en français.
    Le Canada n'est pas vraiment bilingue. S'il l'était, la majorité des subventions devrait aller aux organiames et aux programmes francophones. Mais voilà, ils auraient peur de faire celà car le français pourrait reprendre le dessus sur l'anglais et redevenir la langue officielle unique du Canada, comme elle l'était auparavant. C'est un jeu de force qu'ils appliquent depuis le début: siphonner tout l'argent pour le remettre aux anglophones en majorité, toujours. Et fonctionner par province plutôt que dans l'ensemble. Dès qu'une province est devenue anglophone, le poids du maintien dans cet état est inexorable, sans merci. C'est le principe de l'envahissement, commencer par atteindre l'égalité tout en prenant le contrôle des manettes du pouvoir, et après la progression est constante, sans plus aucun danger de régression.
    Dans l'Ouest, j'ai déjà lu qu'ils ont découpé les provinces et les territoires de façon à isoler spécifiquement les communautés francophones, les séparer, pour qu'ils n'aient plus aucun poids significatif. Les pays indiens ont subi aussi le même sort: les Cris au Québec et en Ontario et probablement plus loin aussi, les Innus au Québec et au Labrador de Terre-Neuve, les Micmacs au Québec et au Nouveau-Brunswick, pour ce que je connais le mieux. Et nous-mêmes sommes séparés des communautés francophones adjacentes de toutes les provinces qui nous entourent, probablement suivant le même principe de séparation et d'isolement.
    Le dernier épisode n'est pas encore réalisé. Ils rêvent toujours de voir les anglophones de Montréal et les Innus, quelques villages qui prendraient le contrôle politique de toutes les régions inhérentes via le Projet de Traité de l'Approche commune, s'accaparer d'une partie du Québec respective à l'issue de l'Indépendance du Québec, un vers l'Ontario, l'autre vers Terre-Neuve, vraisemblablement. Peut-être utopique ou invraisemblable, mais les plans sont quand même là.
    L'histoire du Canada est longue. C'est par de telles stratégies d'accaparement de l'argent et de séparation et d'isolement des peuples de la Nouvelle-France que les anglophones et pro-anglophones ont réussi à s'emparer d'un pays où ils n'étaient en fait qu'immigrants et réfugiés. Sans cette pression constante de leur part, tout le Canada aurait toujours le français comme langue commune, et la plupart des peuples indiens parleraient toujours les leurs propres, et leurs pays d'origine n'auraient probablement pas été morcelés non plus.
    Je pense bien que la cession de la Nouvelle-France à l'Angleterre n'était qu'un début, tout n'était pas fini. Ils avaient d'autres plans derrière la tête.
    L'Indépendance du Québec peut mettre un frein à tout celà, puisqu'il ne semble exister aucun système de freinage à Ottawa et dans les autres capitales provinciales et territoriales en regard de l'anglicisation à tout prix, qui se poursuit toujours, malgré qu'on puisse penser que tout est pratiquement accompli ailleurs. Ils ne prennent pas de chance - jusqu'au dernier français, ils vont mettre le paquet. C'est sûr, pas de doute là-dessus.

  • Claude Richard Répondre

    12 juillet 2012

    Et le pire est que notre cher gouvernement royal-fédéral n'a même pas besoin de faire cela. Nos entichés d'anglomanie francophones se chargent allègrement de la promotion de l'anglais au Québec en farcissant, entre autres, nos festivals de groupes anglophones étrangers et locaux. L'anglais résonne déjà haut et fort dans les haut-parleurs québécois de Blanc-Sablon à Laval en passant par Québec et le Montréal du merveilleux Jazz Festival et autres Osheaga. Harper et cie ne font qu'aller dans le sens de ces bien-pensants genre Catherine Perrin qui ne trouvent que vertus à l'anglais qui nous envahit. À quand une bonne prise de conscience de notre avilissement!

  • Stéphanie L. Répondre

    12 juillet 2012

    Octroyer une subvention à la promotion de l'anglais au Québec, c'est comme en octroyer une pour la promotion de la malbouffe au Texas!

  • Laurent Desbois Répondre

    12 juillet 2012

    Françoise Boivin, qui exprime assez clairement la position du NDP :
    http://www.youtube.com/watch?v=cTTRPPftDxY
    À 5 min. « Et si on croit fondamentalement dans le bilinguisme dans ce pays-ci… et moi j’y crois ! »

  • Laurent Desbois Répondre

    12 juillet 2012


    Ottawa subventionne le Québec pour offrir des soins de santé en anglais
    PAR NORMAN DELISLE ,QUEBEC (PC) –
    http://www.vigile.net/Ottawa-subventionne-le-Quebec-pour
    http://www.toile-actualite.com/index.php?sect_no=17&module=news&news_no=727
    « D’ailleurs, je ne connais pas un endroit au monde où ce serait pensable, sauf au Québec et possiblement, dans l’ex-Rhodésie!!! »
    Le gouvernement fédéral va verser près de 30 millions $ en cinq ans pour permettre que les Anglo-Québécois puissent recevoir des services de santé en langue anglaise. La subvention a jusqu'à maintenant été versée par Santé Canada au Community Health and Social Services Network (CHSSN).
    http://www.chssn.org/fr/default.asp
    J’ai cru bon vous transmettre copie de l’article « Ottawa subventionne le Québec pour offrir des soins de santé en anglais » PAR NORMAN DELISLE de "La Presse Canadienne", qui en fait une comparaison entre les services rendu aux deux groupes.
    On peut y lire : « Or la région de Chaudière-Appalaches ne compte que 0,7 pour cent d'anglophones, contre 99,1 pour cent de francophones et 0,2 pour cent de citoyens d'une tierce origine. Dans certains comtés de cette région administrative, comme Montmagny-L'Islet, la proportion d'anglophones chute à 0,2 pour cent. »
    Je vous rappelle le beau principe de la cours suprême d’Ottawa : « Où le nombre le justifie!!!»
    Ces mesures et l'ouverture d'esprit qui les caractérisent contrastent avec la difficulté que les Franco-Ontariens ont eue pour sauver l'hôpital francophone Montfort, dans la région d'Ottawa.
    « Deux poids, deux mesures! » ou si on veut, « British Fair Play! »
    Pour voir l’étendu des services offerts aux anglo-québécois, je vous suggère d’aller voir le site du réseau d’organismes et de ressources communautaires, et d’institutions publiques qui s’efforcent d’assurer l’accès aux services de santé et aux services sociaux destinés aux collectivités anglophones du Québec (CHSSN), sous la rubrique :
    à propos/ « Services in English » Establishments - Points of service
    Establishments - Points of service.
    http://www.chssn.org/fr/default.asp