Plan Nord

Charest défend la souveraineté canadienne

Le passage du Nord-Ouest constituera un enjeu important dans quelques années

Plan nord - à qui profitent nos richesses naturelles?


Alexandre Shields - Après avoir justifié le lancement Plan Nord en faisant miroiter d'importantes retombées économiques pour le Québec, le premier ministre Jean Charest affirme maintenant que ce vaste projet de développement industriel viendra même appuyer les efforts de reconnaissance de l'autorité canadienne sur le passage du Nord-Ouest. Le chef libéral soutient aussi que les dizaines de milliards de dollars d'investissements que devra faire Hydro-Québec dans des projets toujours plus poussés vers le nord seront rentables.
«L'occupation du territoire est extrêmement importante pour affirmer sa souveraineté. Le passage du Nord-Ouest sera un enjeu très important à l'avenir. Le passage va s'ouvrir. J'ai vu des études qui parlaient de 2030 ou 2040. À vue d'oeil, j'ai l'impression que ça va arriver plus rapidement que ça», a-t-il expliqué hier en marge d'un déjeuner-conférence organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et commandité, entre autres, par les multinationales Alcoa et Rio Tinto Alcan.
«C'est une nouvelle route maritime et de commerce qui va bouleverser les routes de commerce que nous connaissons actuellement. Ni les États-Unis ni l'Europe ne reconnaissent le passage du Nord-Ouest comme étant en territoire canadien. Dans un cas comme dans l'autre, ils prétendent que c'est une route internationale. Les ressources qui se trouvent dans ce coin-là de la planète sont d'une valeur inestimable. Or, si nous en sommes propriétaires et si c'est notre territoire à nous, les avocats le savent bien: l'occupation, c'est une bonne façon d'affirmer sa propriété. À défaut d'occuper son territoire, vous risquez de le mettre en péril», a ajouté le premier ministre.
Jean Charest estime justement que le Plan Nord des libéraux permet d'occuper les plus hautes latitudes du Québec «de la bonne façon» parce qu'il ne se résume pas, selon lui, à l'exploitation minière. Il a d'ailleurs insisté sur les aspects de développement énergétique, social et économique du territoire où doit se déployer son «chantier d'une génération». Un chantier qu'il qualifie maintenant de «projet de plusieurs générations».
47 milliards d'Hydro-Québec
Et comme cette vaste zone de 1,2 million de kilomètres carrés «regorge de ressources» que les minières souhaitent exploiter pour le bénéfice de leurs actionnaires, il est normal que le gouvernement implique Hydro-Québec pour fournir de l'énergie. La Société d'État doit, sur un horizon de 25 ans, développer pour pas moins de 47 milliards de dollars de projets, essentiellement hydroélectriques. Et toujours plus vers le nord, avec l'augmentation des coûts que cela implique.
Mais ces investissements ne seront pas lancés à n'importe quel prix, a fait savoir M. Charest. «On est prêts à développer des ressources qui peuvent être liées à des projets, parce qu'il y a des projets qui peuvent être très loin sur le territoire. En développant ces projets, on va vendre l'énergie à un bon prix et pour faire un profit. Il n'est pas question de subventionner et il n'a jamais été question de subventionner [les entreprises].»
Il n'a toutefois rien précisé quant aux moyens qui seront mis en place pour s'assurer de la viabilité des projets énergétiques. «On prévoit une formule qui fait en sorte que le gouvernement va développer des projets qui peuvent être en lien avec des minières. Dans ce cas, il faudra payer le prix que ça coûte, plus une marge, plus un profit.»
Le gouvernement a déjà signé, au cours des derniers mois, des ententes de long terme pour fournir de l'électricité en dessous du prix coûtant. «On est en train de fournir de l'électricité aux alumineries ou à l'agrandissement de la mine d'ArcelorMittal, à Mont-Wright, pour le tarif L, soit environ 4,2 ¢ le kilowattheure. Et les prochains projets d'Hydro-Québec seront à plus de 10 ¢ le kilowattheure», rappelait d'ailleurs la semaine dernière Jacques Parizeau dans une entrevue accordée au Devoir. Les projets de barrages sur la rivière Romaine s'élèvent à environ 10 ¢ le kilowattheure.
Selon Jacques Fortin, professeur titulaire en sciences comptables à HEC Montréal, cette ambition hydroélectrique fait peser un risque sur les finances publiques. «Ce sont des investissements faramineux. C'est peut-être une ambition pharaonique, mais ce sont les gens qui nous suivront qui vont devoir payer. Tout ça fait que l'équilibre du budget du Québec est à mon avis menacé.»
Le premier ministre a par ailleurs laissé entendre que son gouvernement pourrait bonifier les sommes prévues pour prendre des participations dans des projets miniers. «Nous allons choisir un certain nombre de projets et nous allons investir. Et oui, on peut en faire davantage, mais nous ne sommes qu'à la première année de mise en oeuvre du Plan Nord.» Actuellement, le Plan Nord comprend une enveloppe de 500 millions de dollars, tandis que les investissements miniers devraient se calculer en dizaines de milliards de dollars.
Et pas question de revoir le régime de redevances, même si celui-ci a essuyé de nombreuses critiques de la part d'économistes et de spécialistes des questions énergétiques. Selon ce qu'a répété Jean Charest, cette question est tout simplement «réglée». Selon la plus récente évaluation présentée par le ministre Raymond Bachand, l'État devrait toucher 1,8 milliard de dollars de redevances sur cinq ans, ce qui équivaut à 360 millions chaque année.
Tout cela dans un contexte où le prix des ressources non renouvelables tirées du sol québécois connaît, dans bien des cas, des hausses de prix très significatives sur les marchés internationaux en raison de la demande mondiale. Une tendance qui devrait se maintenir, malgré les cycles économiques, pour les prochaines décennies, a dit hier Jean Charest. Pour 2011, on prévoit qu'environ huit milliards de dollars de minerais seront exploités par les minières. Un chiffre qui devrait continuer de grimper, à la faveur du développement rapide de nouveaux projets d'exploitation.
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Avec La Presse canadienne


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