Charest risque gros

Élection Québec - 8 décembre 2008



(Québec) Vous pensiez en avoir terminé avec les célébrations du 400e? Jean Charest en a décidé autrement. Il nous prépare une grande soirée électorale pour le 8 décembre. Je sais que l'appétit n'est pas là, mais il faudra vous y faire. Car malgré sa valse-hésitation d'hier, la machine électorale de Jean Charest est lancée. Vous l'imaginez, la semaine prochaine, annoncer qu'après mûre réflexion, il a décidé d'attendre à plus tard? Ça ferait une belle jambe à la délégation de cinq provinces qu'il devait diriger en Chine et qu'il aurait laissé tomber à la dernière minute sans raison valable... À bien y penser, seule une promesse formelle de Pauline Marois ou de Mario Dumont d'appuyer le gouvernement pendant un an pourrait justifier un virage.
Hier, le premier ministre a soutenu qu'il n'avait pas encore pris de décision, qu'il était personnellement opposé à des élections cet automne, mais que les menaces des péquistes et des adéquistes en fin de semaine le forçaient à reconsidérer sa position. Ces arguments ne servent qu'à préparer le terrain pour faire porter l'odieux des élections sur le dos des partis d'opposition. M. Charest accusera Pauline Marois et Mario Dumont de l'avoir trahi dans le choix du président de l'Assemblée nationale, d'avoir menacé de le battre en Chambre sur son programme économique et de s'entêter à parler de Constitution alors que la récession inquiète les Québécois. Il fera valoir qu'en période de tempête, il faut un capitaine d'expérience à la barre, que c'est lui le plus crédible, et qu'il faut un gouvernement majoritaire libre de prendre les décisions qui s'imposent dans de telles circonstances.
Les partis d'opposition taxeront Jean Charest de cynisme et d'opportunisme. Ils l'accuseront d'avoir menti en déclarant la semaine dernière encore qu'il n'avait pas la tête aux élections, et ils critiqueront sa décision de dépenser des millions de dollars dans ces élections pendant que les travailleurs perdent leurs emplois. Voilà pour la première semaine de la campagne électorale, ou plutôt... voilà pour cette semaine! Parce que nous sommes déjà en campagne même si elle n'est pas officiellement déclenchée.
Au fond, la décision d'y aller maintenant ne fait que précéder de cinq ou six mois la tenue d'élections générales au Québec. Les gouvernements minoritaires durent rarement plus de deux ans et demi. Comme la fenêtre électorale de l'automne 2009 sera occupée par les élections municipales, c'était maintenant ou au printemps 2009.
M. Charest prend un risque énorme en y allant maintenant. Les sondages confirment son avance, mais l'écart avec le Parti québécois n'est pas énorme. Tous les organisateurs libéraux vous diront que si l'Action démocratique tombe trop bas, le PQ devient plus menaçant en raison de la concentration du vote libéral dans la région de Montréal. M. Charest compte sans doute sur le manque de préparation du PQ, ses problèmes de financement, les contradictions dans le discours sur la souveraineté. Mais il lui faudra compter avec la machine électorale du Bloc québécois qui est bien rodée après la campagne fédérale, et qui viendra sans doute au secours des péquistes.
Quant à l'ADQ, on voit mal ce que M. Charest gagnerait à profiter de la situation pour l'éliminer de la carte politique. L'équipe de Mario Dumont est tellement affaiblie et démoralisée que le gouvernement a tout avantage à la laisser mariner dans son jus.
Mais s'il est un privilège qui appartient à un premier ministre, c'est bien celui de décider du moment opportun d'en appeler au peuple. C'est l'instinct politique qui fait la différence dans ce genre de décision. Le vrai test de Jean Charest approche.


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