Ankara étend son influence au sein de l'UE par l'entremise d'organisations diverses et sous le couvert des Frères musulmans.
Voici la ou les sources de cet article : Foreign Policy / Voici la source de la photo : Chatham House, Flickr, CC BY 2.0
Les relations entre la Turquie et les pays de l'Union européenne (UE) sont de plus en plus tendues, les seconds n'étant pas très entichés de la rhétorique agressive préconisée par le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan. Combien de fois ont-ils désapprouvé, par exemple, la conduite d'Ankara dans sa gestion de la crise migratoire, ou encore dénoncé le traitement qu'il réserve aux opposants politiques et aux minorités ?
Mais les griefs de l'UE contre la Turquie ne se limitent pas à l'attitude revancharde du gouvernement Erdogan. Les dirigeants européens en ont également contre l'infiltration d'Ankara en territoire européen. Une infiltration par laquelle la Turquie cherche à exercer une forte influence sur la diaspora turque et les communautés musulmanes en général. Ce qui, dans les chancelleries européennes, fait craindre le pire puisque les hauts responsables politiques turcs exhortent sans cesse les musulmans vivant en Europe à rejeter les valeurs occidentales.
Alparslan Kavaklioglu, président de la commission du renseignement et de la sécurité du parlement turc, représente bien cette prose nauséabonde. Kavaklioglu avait déclaré de façon condescendante en mars 2018 que « l'Europe [allait devenir] musulmane ». Le président turc lui-même, dans un discours prononcé à Izmir en janvier dernier, a dit que les frontières de la Turquie s'étendaient « de Vienne aux rives de la mer Adriatique, du Turkistan oriental à la mer Noire ».
Selon le magazine Foreign Policy, Ankara, au cours de la dernière décennie, aurait investi des sommes considérables dans le développement d'organisations gouvernementales et non gouvernementales afin de poursuivre ses objectifs politiques dans toute l'Europe. Tandis que la plupart de ces organisations cherchent à accroître l'influence turque par le biais du lobbying, du militantisme et de l'éducation, d'autres misent plutôt sur l'espionnage.
À cet égard, les services de sécurité de plusieurs pays européens ont constaté ces dernières années une augmentation spectaculaire des activités des services de renseignement turcs sur leur territoire. « Dans chaque État, un vaste réseau d'espionnage composé d'associations, de clubs et de mosquées est utilisé par l'intermédiaire des ambassades [...] pour espionner les critiques d'Erdogan 24 heures sur 24 », a déclaré à ce sujet Peter Pilz, un éminent politicien autrichien.
L'un des rouages essentiels de la machine islamiste turque est un organisme appelé Milli Gorus (« Vision nationale »), qui, selon le Foreign Policy, « adopte bon nombre des positions, des objectifs et des tactiques des Frères musulmans ». Le mouvement existe depuis longtemps en Europe, où il compte environ 300 000 membres et sympathisants et où il contrôle des centaines de mosquées, principalement en Allemagne.
Les autorités allemandes surveillent d'ailleurs de près Milli Gorus, dont les positions anti-occidentales, antidémocratiques et antisémites dérangent au plus haut point la classe politique à Berlin. Déjà en 2005, un rapport allemand mettait en garde contre ces groupuscules islamistes qui « représentent une menace particulière pour la cohésion interne de notre société ».