Au début de la semaine dernière, 25 des 27 membres de l'Union européenne ont adopté le Pacte de stabilité financière conçu par Angela Merkel tout en rejetant sa proposition, au demeurant contraire à la démocratie, de mettre sous tutelle le budget de la Grèce. Au terme de cette semaine, un fait stupéfiant était mis au jour: le ministre grec du Développement économique et son collègue du Travail ont signé le mémorandum de la troïka réunissant le FMI, la Commission européenne et la Banque centrale européenne, sans l'avoir... lu! Comme quoi l'Europe présente parfois les stigmates que l'on prête à l'auberge espagnole. C'est à se demander si Merkel n'est pas la madame sans-gêne de la Vieille Europe. Qu'on y pense: depuis des mois maintenant, certains pans de la souveraineté grecque sont administrés, officieusement mais non officiellement, par la troïka. À cette réalité, Merkel a voulu greffer la couche de la stricte domination en inscrivant la tutelle du budget dans le marbre des arcanes bruxelloises. Heureusement, l'opposition d'une majorité de nations de l'UE a renversé la vapeur. Reste que la posture adoptée par la chancelière allemande est le révélateur d'un calcul pas très catholique, pour ne pas dire qu'il est très intéressé. C'est bien simple: à Berlin, mais aussi dans d'autres capitales, on juge que le programme de privatisation des joyaux de la couronne grecque évolue à un rythme beaucoup trop lent. Si lent, d'ailleurs, que le premier ministre grec, le technocrate Lucas Papadémos, a effectivement annoncé que la conclusion du programme en question avait été retardée de trois ans, soit 2020 au lieu de 2017. Son argument? Présider à une vente de feu reviendrait à brader certaines sociétés publiques sur lesquelles, murmure-t-on à la Bourse de Francfort comme à celle de Paris, des entreprises allemandes et françaises avaient un oeil. En agissant de la sorte, Papadémos a essayé et tente encore d'éviter la double peine. On s'explique. Entre le premier trimestre 2010 et le troisième trimestre de 2011, le coût total du travail, dont les charges sociales, a diminué de 14,3 % en moyenne; dans certains secteurs, la diminution a dépassé les 20 %! À cette ponction, Papadémos veut en ajouter une autre. Laquelle? Réduire le salaire minimum de 15 %. Cette dernière volonté a d'ailleurs eu pour conséquence que des courants politiques qui composent sa coalition s'opposent avec une telle force que Papadémos ne la maîtrise plus guère. Et ce, parce que l'état économique du pays se confond avec un appauvrissement aussi accéléré que profond, de sorte qu'on voit mal comment éviter l'implosion sociale si d'aventure on sabrait le salaire minimum. À noter qu'un jeune de moins de 25 ans sur deux étant au chômage, des milliers de jeunes quittent le pays. Cela étant, la semaine s'est terminée par un épisode digne du grand guignol. On le répète: deux ministres chargés d'appliquer les politiques découlant du plan de la troïka ont signé ce dernier sans l'avoir lu. On aurait voulu donner de l'eau au moulin allemand qu'on ne s'y serait pas pris autrement. On insiste: un jour, Merkel veut imposer sa loi, le surlendemain, on apprend que deux bonzes du gouvernement grec n'ont pas fait leur travail alors que la crise en question se poursuit depuis deux ans. Que dire? Si la Hongrie demeure le royaume de la mélancolie avec le Portugal, la Grèce reste celui de la tragédie.
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