Pierre Curzi était de passage au Devoir hier.
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
Lisa-Marie Gervais - Estimant que sa croisade pour l'application de la loi 101 au cégep est mal comprise, le député péquiste Pierre Curzi prend son bâton de pèlerin pour faire «de la pédagogie». Avec le congrès national du Parti québécois à l'horizon, il a entrepris de convaincre tous les Québécois, y compris les membres de son parti, de l'urgence d'agir. Car d'ici 20 ans, prédit-il, la langue d'usage de plus de 50 % de la population montréalaise pourrait bien être l'anglais.
«Actuellement, notre seul souci, c'est d'essayer de faire de la pédagogie pour faire comprendre que ce n'est pas un choix radical, mais que c'est une tentative d'appliquer maintenant les moyens concrets pour tenter d'inverser la situation sur l'île de Montréal», a-t-il soutenu hier au Devoir, lors d'une rencontre éditoriale. «Si on ne fait pas le portrait et si on n'arrive pas à convaincre les gens qu'il y a vraiment une anglicisation, que le phénomène d'aller au cégep anglais est un facteur anglicisant et que les conséquences sur le marché du travail sont importantes, c'est sûr que ça va être plus difficile. Il y a une pédagogie à faire.»
Pour faire passer son message, en plus de ses talents d'orateur, le député péquiste et comédien a décidé de s'armer de faits et de chiffres sur l'anglicisation, en particulier ceux de l'Institut de recherche sur le français en Amérique qui, nous dit-on, n'ont pas été remis en cause jusqu'ici. Le constat est clair: 50 % des allophones qui ont fait tout leur primaire et secondaire en français choisissent le cégep en anglais. Et 75 % de ceux qui suivent un tel parcours finissent par travailler dans un milieu anglophone. Pour M. Curzi, c'est la principale raison pour laquelle il faut agir sur les cégeps, et pas seulement en entreprises. «Il y aurait une incohérence à franciser en aval alors que le cégep anglicise en amont.»
Le député de Borduas a donc entrepris une tournée des cégeps, des syndicats et des fédérations au niveau collégial pour remettre la question à l'ordre du jour. «Est-ce qu'on tolère que les travaux dans les universités s'écrivent en anglais? Jusqu'où on va dans notre acceptation et quelles sont les conséquences? Il y a des gens qui disent que 7,5 % [d'élèves allophones et francophones dans les cégeps anglophones] c'est tolérable. Mais à quel moment on tire la sonnette d'alarme? À quel moment on considère que c'est le temps d'agir? À 8-9-10 %?», a-t-il demandé.
Voyant son congrès national de la mi-avril approcher à grands pas, le député péquiste n'a pas non plus nié qu'il avait des cours de rattrapage à donner... au sein même de son parti. «J'ai fermement l'intention que ça soit adopté au congrès», a-t-il indiqué en disant vouloir atteindre un consensus autour de la politique linguistique. «J'ai l'intention de la peaufiner et de la pousser au bout. Si un parti n'est pas capable d'entériner cette politique sur la langue, à mon sens, il va devoir se questionner. [La langue] me semble fondamentale pour un parti québécois qui est souverainiste», a-t-il ajouté.
Une mesure impopulaire
Ainsi, en se fondant sur des études qu'il a menées, M. Curzi ne comprend pas qu'il y ait une réticence, en évoquant celle de la Fédération des cégeps, à étendre la Charte de la langue française au niveau collégial. «On voudrait imposer dans les milieux de travail des contraintes à des adultes consentants pour les forcer à travailler dans notre langue, mais on répugne à l'idée de demander à des étudiants qui sortent du secondaire d'aller poursuivre leurs études dans un milieu francophone où ils peuvent parfaitement apprendre l'anglais. L'argument, c'est de dire, vous avez le droit de choisir votre milieu de vie. Mais dans quel autre pays du monde on offre étatiquement ce choix-là?», note M. Curzi.
Chose certaine, la décision du gouvernement de rendre obligatoire l'apprentissage de l'anglais intensif aux élèves de 6e année a semé la confusion, croit-il. Comment croire que le français est bel et bien dans une situation précaire alors qu'on souhaite encourager le bilinguisme? «On vient de nous lancer un os qui nous enfarge», reconnaît le député.
Et, selon lui, l'inaction de l'Office québécois de la langue française (OQLF) n'aide pas. «Comment se fait-il que ce soit dans le bureau du député de Borduas qu'on ait fait des rapports sur l'état du français?», a-t-il lancé, déplorant le fait de faire cavalier seul dans ce combat. «Actuellement, l'OQLF [...] ne fait pas son boulot. C'est au point où il aura fallu la crise des écoles passerelles pour que le Conseil supérieur de la langue émette un avis non sollicité, contraire à la décision du ministère. On est rendu assez loin dans le déni de ce qui est en train de se passer!»
Même s'il croit sa proposition d'étendre la loi 101 au cégep inattaquable devant les tribunaux, elle ne saurait être imposée de force, assure-t-il. «Moi, je ne rentrerai pas dans la gorge de qui que ce soit une mesure totalement impopulaire. Mais il va falloir que tout le monde se dise: "quel est donc le diagnostic?" Nous, c'est tout ce qu'on cherche à faire. On veut bien ne pas être alarmistes, mais, bon sang, il y a bel et bien des raisons de se demander si nous devrions agir ou pas!», a conclu M. Curzi.
Loi 101 au cégep
Curzi veut convaincre
«À quel moment on tire la sonnette d'alarme?»
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