De l’avantage des imprévus

Au tour des libéraux de chercher à tirer parti de la commission Charbonneau

97878babc0ed89b641648d391283492f

Les arroseurs arrosés

Québec — Après les tourments que leur a infligés Fatima Houda-Pepin, quelle aubaine pour les libéraux que les révélations de la commission Charbonneau sur le « deal avec Blanchet », évoqué par le président de la FTQ, Michel Arsenault, et le blocage des investissements du Fonds de solidarité révélé par la ministre péquiste Élaine Zakaïb. Mais l’affaire Houda-Pepin et une position plutôt absconse sur les signes religieux continueront sans doute de peser sur le leadership de Philippe Couillard.

Mardi, au lendemain de l’exclusion du caucus libéral de la députée de La Pinière, Fatima Houda-Pepin, Philippe Couillard a présenté la position définitive de son parti sur la neutralité de l’État et le port des signes religieux dans le secteur public, du moins il faut le croire. « Une position claire, ferme et adoptée », a-t-il déclaré.

Adoptée, la position l’est bel et bien puisque les députés, même ceux qui ont les plus sérieuses réserves, les élus des régions comme Norbert Morin, de Côte-Sud, et Dominique Vien, de Bellechasse, s’y sont ralliés. Mais, au terme de la réunion du caucus qui a marqué le départ de Fatima Houda-Pepin, le chef libéral, accompagné de tous ses députés, a poussé le bouchon un peu loin en affirmant que « tous les collègues qui sont derrière [lui] sont heureux et se rallient et sont tout à fait d’accord avec la position ». À voir les mines dépitées de certains d’entre eux, on pouvait en douter.

Que ce soit une position ferme, on l’espère bien après toutes les triturations auxquelles la position libérale a été soumise depuis l’été. Que les libéraux se soient présentés sans position arrêtée au premier jour des consultations en commission parlementaire sur le projet de loi 60 les a handicapés toute la semaine dernière.

Maintenant, affirmer que la position libérale est claire, c’est un peu fort le café. Philippe Couillard a dû l’expliquer longuement en conférence de presse. « Notre approche n’est pas que légaliste, a-t-il avancé. Notre approche vient de ce que les Québécois veulent. » Quelques minutes plus tard, il rectifiait : « Faire de la politique, c’est dire au monde : voici ce que je crois. » Il ajoutait : « Ce que je dis à la population, ce que je leur répéterai dans la campagne électorale qu’on aura un jour : voici ce que je crois, voici ce que je pense, voici ce que je vais faire. Vous décidez. » Pour ce qui est des souhaits de l’électorat, on repassera.

Si on peut résumer la position libérale — et c’est un exercice ardu —, elle consiste à interdire à tous les employés de l’État de porter certains signes religieux jugés incompatibles avec les services publics parce qu’ils transmettent un « message d’oppression, de soumission et de retrait social de la femme ». Le Barreau du Québec et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) ont déjà statué qu’une telle prohibition générale était contraire aux chartes. Des accommodements pourraient être accordés.

En ce qui a trait aux agents de l’État qui exercent un pouvoir de coercition, comme les policiers, l’interdiction passerait par leur code vestimentaire. On pourrait y faire entorse au cas par cas par la voie d’accommodements.
Pour avocats...

La subtilité de la chose, c’est que le Parti libéral n’appliquerait pas sa solution en adoptant un projet de loi. Donc, nul besoin de recourir à la clause dérogatoire, s’est félicité Philippe Couillard. En fait, la position libérale n’est pas conçue pour être aisément communiquée mais pour que des avocats puissent la plaider si d’aventure surgissaient des demandes d’accommodement religieux.

Dans le fond, la position libérale n’a guère changé. « Il est faux de dire que la neutralité de l’État signifie la neutralité des individus, a répété Philippe Couillard. Pour nous, l’interdiction du port de signes religieux par les employés de l’État, ça n’a aucun sens. »

De toute manière, pour le chef libéral, on a créé tout un brouhaha autour de la « pseudo-crise » des accommodements. Quant au port de signes religieux par les policiers, ou celui du tchador, Philippe Couillard a dit n’avoir « jamais vu autant d’attention donnée à des situations non existantes ». Encore heureux que le PLQ accouche d’une position pour régler une question inexistante.

Pendant ce temps, Fatima Houda-Pepin se retrouve dans le rôle de la victime. Dimanche, elle participera à l’émission Tout le monde en parle. La députée a affirmé avoir subi les pressions de Jean-Louis Dufresne, le chef de cabinet de Philippe Couillard, qu’elle assimilait à du « tordage de bras ». M. Dufresne aurait même poussé l’outrecuidance jusqu’à lui proposer de marchander son appui en échange d’un poste de ministre dans un futur gouvernement libéral, ce que le chef a démenti formellement. Il faut tout de même souligner qu’un chef de cabinet, ça tord des bras. Ça fait partie de sa description de tâches.
La bouée de sauvetage

Si les perceptions veulent dire quelque chose en politique, Fatima Houda-Pepin a certainement remporté la mise.

C’est dans ce contexte que les révélations de la commission Charbonneau impliquant pour la première fois Pauline Marois ainsi que la ministre Élaine Zakaïb sont apparues, aux yeux des libéraux éprouvés, comme une bouée de sauvetage dans la mer agitée. Il fallait voir la fébrilité des conseillers politiques du chef libéral, qui se sont emparés de cette petite bombe pour sortir du pétrin leur parti. Ce fut le tour du gouvernement péquiste de se retrouver sur la défensive.

La commission Charbonneau est une boîte à surprise que peuvent exploiter tour à tour péquistes et libéraux. Quant aux caquistes, qui croupissent dans les sondages, ils espèrent que les doutes renouvelés sur l’intégrité des « vieux partis » sauront une autre fois les favoriser.

Certes, une tragédie aussi considérable que l’incendie d’une résidence pour personnes âgées dans le petit village de L’Isle-Verte a occulté cette affaire de « deal » entre le Fonds de solidarité de la FTQ et le mari de la première ministre, Claude Blanchet, ainsi que le rôle qu’a joué la ministre déléguée à la Politique industrielle, Élaine Zakaïb, alors qu’elle était p.-d.g. des fonds régionaux du Fonds FTQ. Aux yeux des libéraux, ce n’est que partie remise : Michel Arsenault témoignera à la commission Charbonneau la semaine prochaine. Il est de ces imprévus qui, en politique, peuvent changer la donne. Les libéraux n’entendent pas laisser passer leur chance.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->