De la confiance parlementaire et de la démocratie

Coalition BQ-NPD-PLC


Au Canada, il faut se rappeler que l'on ne vote jamais directement pour un «gouvernement» (l'exécutif) mais que l'on ne vote que pour un député dans notre circonscription. Ce n'est que lorsque l'ensemble des députés ont été élus que l'on peut déduire, selon les principes de gouvernement représentatif et de gouvernement responsable, qui formera le gouvernement. Le principe du gouvernement représentatif fait en sorte que le gouvernement (l'exécutif) doit être formé d'élus, et le principe de gouvernement responsable implique que le gouvernement (l'exécutif) doit jouir en tout temps de la confiance de la majorité des députés à la Chambre des communes. C'est ce dernier principe qui cause tant de confusion de nos jours. Il serait donc utile de rappeler brièvement les règles qui en découlent.
Premièrement, lorsqu'un parti gagne la majorité des sièges au Parlement, on dit souvent qu'il a gagné le droit de gouverner. Cela est toutefois un raccourci intellectuel qui nuit plus à la compréhension du principe en jeu qu'il ne nous éclaire. Dans ce genre de situation, puisque le parti a gagné la majorité des sièges et que la gouverneure générale doit choisir le parti ayant le plus de chances de former un gouvernement jouissant de la confiance de la Chambre des communes, la gouverneure générale nommera le chef du parti majoritaire au titre de premier ministre. En effet, la majorité de députés du parti en question assurera que le gouvernement (l'exécutif) jouira de la confiance de la Chambre. C'est donc le fait que le parti majoritaire possède la majorité des sièges qui détermine qu'il peut gouverner.
La chose est différente dans le contexte d'un parlement où aucun parti ne possède une majorité de députés. La pratique, dans de telles circonstances, est d'offrir en premier lieu au parti ayant obtenu le plus grand nombre de sièges de former le gouvernement. Ce parti n'a pas un «droit de gouverner» en soi mais a simplement la possibilité de démontrer qu'il est capable de gouverner en ralliant suffisamment de députés pour qu'il bénéficie de la confiance d'une majorité d'entre eux. Ces députés n'ont pas à être membres du parti gouvernemental mais doivent voter avec ce dernier lors des votes de confiance afin d'assurer la survie du gouvernement minoritaire. Si le parti ayant obtenu la pluralité des sièges n'est pas capable de former un tel gouvernement, il est loisible aux députés d'indiquer une autre formation qui serait capable d'obtenir un tel appui. En effet, le principe du gouvernement responsable exige que les députés puissent eux-mêmes indiquer à la gouverneure générale qui est en mesure d'obtenir leur confiance. Après tout, il n'y a rien d'antidémocratique dans le principe de laisser la majorité des députés décider à qui ils sont prêts à accorder leur appui.
Stephen Harper peut-il demander à la gouverneure générale de proroger la session? Il est vrai que la plupart des pouvoirs et fonctions attribués à la gouverneure générale ne peuvent être exercés que de l'avis et du consentement du gouvernement. Toutefois, compte tenu du principe du gouvernement responsable, il semble plus que douteux que la gouverneure générale puisse être liée par l'avis d'un premier ministre ayant perdu la confiance de la Chambre. Le principe du gouvernement responsable implique que la gouverneure générale ne soit liée que par les conseils donnés par un gouvernement jouissant de la confiance de la Chambre. Puisque c'est aux députés de décider s'ils ont confiance dans le gouvernement et non l'inverse, le gouvernement ayant perdu la confiance de la Chambre n'est plus en mesure de lier la gouverneure générale par ses conseils.
Mais la prise de pouvoir par la coalition est-elle antidémocratique? Ici, les arguments volent dans tous les sens. Les conservateurs affirment qu'ils ont «gagné» les élections en ayant faire élire le plus grand nombre de députés. Nous avons déjà traité de cet argument et l'avons écarté un peu plus haut. Les conservateurs font aussi valoir un second argument: la population n'a pas voté pour une coalition Libéral/NPD appuyée par le Bloc -- les libéraux et le Bloc ayant même répudié cette option lors de la campagne électorale. Le problème avec cet argument est que notre système politique est de type «parlementaire» et non un système de démocratie directe. Ce qui signifie que les députés sont élus pour débattre et décider des questions politiques sans être liés par un mandat électif précis. En d'autres mots, notre système actuel vise à encourager le débat et la prise de décision contextuelle plutôt que la simple mise en place d'un programme prédéterminé et choisi par les électeurs. Les pays ayant un système parlementaire et un mode électoral plus représentatif que notre système électoral sont bien habitués à ce type de fonctionnement. En bref, il ne m'apparaît nullement antidémocratique de laisser la majorité des députés récemment élus décider qui formera le gouvernement du pays.
C'est bien souvent lorsque l'on s'éloigne des pratiques habituelles que l'on redécouvre les principes qui habitent et régissent ces pratiques. Souhaitons seulement que ce séminaire imposé de droit constitutionnel puisse éclaircir le fonctionnement de nos institutions et susciter une réflexion plus approfondie sur les moyens de les rendre plus représentatives.
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Hugo Cyr, Avocat et professeur de droit constitutionnel à la Faculté de science politique et de droit de l'UQAM.

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Avocat et professeur de droit constitutionnel à la Faculté de science politique et de droit de l'UQAM.





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