À Waterloo hier, Stephen Harper s’est dit nullement démonté par la progression du NPD au Québec. Selon lui, il sera plus évident et facile pour les citoyens de choisir entre la sécurité et la constance offertes par son parti et «l’instabilité» créée par le parti de Jack Layton.
Photo : Agence Reuters Chris Wattie
Stéphane Baillargeon - La guerre de l'info vient de perdre un saboteur. Pierre Karl Péladeau a eu la tête d'un consultant de la campagne de Stephen Harper en l'accusant d'avoir désinformé l'empire médiatique pour tenter de manipuler l'opinion publique.
Le propriétaire de Quebecor Media inc. a publié hier matin dans son réseau de journaux Sun Media une lettre ouverte accusant le stratège conservateur Patrick Muttart d'avoir fourni de fausses informations à ses journalistes sur la prétendue participation du chef libéral Michael Igniatieff à la préparation de la guerre en Irak. Le Parti conservateur a diffusé quelques heures plus tard un communiqué pour expliquer que le manipulateur des médias «n'occupe plus de poste» lié à la campagne électorale du chef.
«Wow, quelle nouvelle! s'exclame le professeur François-Marc Bernier, du Département de communication de l'Université d'Ottawa, en entrevue téléphonique. C'est une tentative de désinformer le public et pas simplement une erreur. Et si M. Péladeau dénonce publiquement cette tentative, c'est pour faire la preuve que son réseau n'est pas acoquiné aux conservateurs puisque depuis le début, l'étiquette colle sur Sun News.»
Oeuvrant en coulisse, M. Muttart a été un acteur important des victoires électorales conservatrices de 2006 et 2008. Il a aussi occupé le poste de chef de cabinet adjoint du premier ministre, avant de travailler pour une firme de relations publiques américaines.
Le réseau Sun a publié mercredi de la semaine dernière un article affirmant que M. Igniatieff aurait participé à la planification de l'intervention militaire américaine en Irak, en 2003, en tant que chercheur du Carr Center for Human Rights Policy de l'Université Harvard. Le nouveau réseau Sun TV a commenté la nouvelle le même jour, pendant deux heures. Toute l'affaire a été totalement rejetée par le chef libéral sans que l'empire médiatique diffuse de rétractation ou d'excuses.
Ces infos venaient de M. Muttart, qui aurait en plus refilé au vice-président de Sun News, Kory Teneycke, un ex-directeur des communications de M. Harper, une photo censée montrer M. Igniatieff en habit de combat devant un hélicoptère. Ce n'est pas lui sur le cliché, comme l'ont découvert les journalistes de Sun.
«Je crois que cette fausse information visait d'abord à nuire à la campagne de Michel Igniatieff, écrit M. Péladeau, en parlant de la photo. Mais, par extension, elle aurait pu endommager la crédibilité et l'intégrité de Sun Media et plus précisément celles de notre nouveau réseau de télévision, Sun News. S'il fallait une preuve pour dissiper la fausse mais persistante rumeur voulant que Sun Media et le réseau Sun News soient les organes officiels du Parti conservateur du Canada, je soumettrais ce malheureux épisode comme pièce à conviction. La vérité est, pour nous, une valeur primordiale.»
Le professeur de journalisme François-Marc Bernier de l'Université d'Ottawa propose alors une distinction entre la manipulation et la désinformation. La première cherche à faire diffuser une donnée exacte dans un but précis, par un média prédisposé pour la recevoir et surtout pas dupe. La désinformation, beaucoup plus rare, utilise les médias pour carrément mentir au public avec de l'information fausse. Le casus belli en Irak autour des armes de destruction massive relevait de la désinformation.
«J'observe que la stratégie a marché jusqu'à un certain point puisque des journalistes de Sun ont accrédité cette fausse information avant la dénonciation d'[hier] matin, ajoute alors le professeur de journalisme dans un courriel au Devoir. [...] On est possédé par des convictions qui nous possèdent [comme le dit] Edgar Morin. Que des journalistes de Sun aient répandu cette fausseté, cela témoigne d'un manque de vérification et de recul critique. Cela est la conséquence prévisible quand on embauche des gens avant tout pour leurs opinions plutôt que pour leurs compétences et leur rigueur professionnelle. En plus de sa critique à l'endroit de M. Muttart, M. Péladeau devra voir à ce que les normes journalistiques reconnues soient respectées par ses employés et leurs supérieurs. C'est la seule façon de respecter le public et son droit à une information de qualité.»
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