Au lendemain de l'élection du 2 mai, il n'y a pas que les souverainistes qui, à Québec, accusent le coup du bouleversement survenu. Le premier ministre Jean Charest a autant de raisons d'être préoccupé. Peut-être plus même. Les relations entre son gouvernement et celui du premier ministre Harper pourraient être désormais beaucoup plus difficiles.
Quoi qu'on ait dit avant la campagne électorale, le premier ministre Harper aura démontré pendant celle-ci qu'il tenait au Québec. Il y est venu souvent et y a pris plusieurs engagements. Il y allait de sa majorité puisque chaque circonscription comptait. Mais il était aussi important pour lui de pouvoir prétendre, une fois reporté au pouvoir, représenter toutes les parties du pays.
Manifestement, le chef conservateur n'y est pas arrivé. Des 11 sièges, 12 si on compte l'indépendant-conservateur André Arthur, qu'il détenait, il ne lui en reste plus que 5. Il ne rêvait sans doute pas aux 50 sièges obtenus par John Diefenbaker en 1958 ou aux 63 de Brian Mulroney en 1988, mais seulement 5 sièges est un rejet indiscutable du Parti conservateur et de ses politiques par les Québécois.
Cette défaite vient donner raison a posteriori au courant au sein de ce parti qui préconisait une stratégie électorale s'appuyant essentiellement sur l'Ontario, les provinces de l'Ouest et la Colombie-Britannique. Pour les partisans de cette approche, le Québec restera un obstacle aux aspirations conservatrices du reste du Canada tant qu'il sera cet élément perturbateur dont il faut toujours se préoccuper dans le processus de décision gouvernemental. Ceux-là pourraient vouloir maintenant faire payer au Québec le prix de sa distinction politique.
La donne est désormais changée. Ce n'est plus le premier ministre Harper qui sera en demande, mais bien Jean Charest qui, au surplus, n'a rien fait pour appuyer la campagne conservatrice. Il n'a aucune dette à réclamer à son homologue. Quant à l'opposition néodémocrate, elle ne sera pas son allié le plus naturel en raison de la présence à la tête du caucus du Québec de Thomas Mulcair qui, faut-il le rappeler, a claqué la porte du gouvernement Charest en 2006 après avoir perdu le portefeuille de l'Environnement.
Le pire n'est pas sûr. On peut compter sur le fait que le gouvernement conservateur va honorer ses engagements électoraux comme ceux portant sur l'harmonisation de la TPS et de la TVQ. Mais qu'en sera-t-il pour l'octroi de contrats de construction de navires qu'attend le chantier de la Davie? On ne doit pas craindre non plus qu'il revienne sur sa promesse sur le maintien du financement du système de santé. Par contre, rien ne garantit que, lorsque viendra le temps de renégocier les accords de péréquation, il ne veuille désavantager le Québec. Rien n'est plus facile que de trouver dans ces accords fort complexes une façon de réduire les sommes à verser au Québec.
Le meilleur défenseur des intérêts du Québec au sein du gouvernement pourrait être Stephen Harper lui-même. Le fait est, quand on regarde bien, qu'il n'y en a pas d'autres sur qui compter. Voudra-t-il garder le contact avec le Québec ou préférera-t-il écouter ses faucons? Une première réponse viendra lors de la composition de son Conseil des ministres. On verra la place qu'il fera à ses députés québécois et l'importance des portefeuilles qu'ils recevront. À surveiller aussi, la place qu'il fera dans son propre cabinet à des conseillers québécois. Pour l'instant, ce cercle, dominé par l'omniprésent et omnipuissant Dimitri Soudas, est trop restreint.
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